Analyse 2007-07

Faut-il parler de sexualité aux enfants ? La question peut paraître abrupte : la sexualité est une des composantes essentielles de la vie des humains, et on ne voit donc pas bien pourquoi les adultes ne parleraient pas de sexualité aux enfants. C’est un peu comme si on se demandait s’il faut leur parler de l’équilibre alimentaire ou de l’hygiène. Reste à savoir de quoi leur parler, à quel âge et de quelle manière.


Un des enjeux importants, lorsque l’on parle de sexualité avec des enfants, est qu’ils se sentent reconnus en tant qu’êtres sexués. Cela comporte plusieurs aspects :

  • le besoin d’être reconnu comme ayant un sexe, une identité sexuée, un genre fille ou garçon ;
  • le besoin d’être reconnu comme ayant des sentiments, des sensations, des désirs sexuels ;
  • et enfin la reconnaissance d’être désirable et donc de pouvoir trouver l’être qui les aimera et d’atteindre l’accomplissement de la vie amoureuse. C’est une des questions fondamentales qui anime tout être humain et lorsque les enfants ou les jeunes ne sont pas rassurés à ce propos, cela peut provoquer de grandes difficultés existentielles.

 

Des préoccupations différentes selon l’âge


Beaucoup de parents craignent, en parlant de sexualité avec des enfants jeunes, de les pousser vers des préoccupations ou des expériences sexuelles de manière trop précoce. Evidemment, on ne parle pas de la même chose à un enfant de 5 ans, de 10 ans ou de 15 ans, mais la curiosité existe dès l’âge de 4 ou 5 ans et il faut pouvoir y apporter des réponses.


A l’âge de 4 ou 5 ans, ce qui intéresse l’enfant, c’est l’anatomie, le fait qu’il y ait des sexes différents. Les garçons se posent des questions sur le sexe des filles, qui ne se voit pas. Ils se demandent aussi ce qui les attend plus tard, quand ils seront amenés à « faire des enfants ». Garçons ou filles, ils s’interrogent : « Pourquoi est-ce comme cela ? Pourquoi n’y a-t-il que les femmes qui puissent porter des bébés ? ». Les petits garçons sont travaillés par le fait qu’ils ne sauront jamais avoir des bébés dans leur ventre. A cet âge, il s’agit de répondre à leur curiosité, de leur donner des mots qui les aident à penser les choses.


Vers 10/12 ans, la curiosité reste la même, mais se porte davantage vers un autre type de questions : « Y a-t-il de bonnes façons de faire l’amour ? ». Ils s’interrogent aussi sur des choses plus délicates, comme l’homosexualité : « Pourquoi est-ce que cela existe ? Qu’est-ce que c’est ? ».


Aujourd’hui, selon des études françaises, 50% des enfants de 11 ans ont déjà eu accès à la pornographie. Beaucoup de nos enfants ont donc déjà vu des images sexuelles très explicites et connaissent des tas de termes sexuels, dont ils n’en connaissent pas toujours la signification. On rencontre vers 10/12 ans d’énormes questions d’enfants qui veulent connaître la signification de termes plus ou moins pornographiques. S’ils n’en parlent pas à la maison, ils vont glaner les informations où ils le peuvent : entre enfants, auprès des enseignants ou d’autres adultes de l’entourage. Puisque de toute façon ils vont chercher, autant leur donner des informations correctes, mais aussi saisir l’occasion pour replacer la sexualité dans un contexte plus global de sentiments amoureux et de relation. Il s’agit sans doute là des deux tâches essentielles des adultes vis-à-vis des enfants et des adolescents en ce qui concerne l’éducation affective et sexuelle [1].


Les enfants viennent parfois avec des questions bien compliquées, du genre : « Faut-il vraiment s’aimer pour faire l’amour ? ». La première réponse que l’on peut donner : « Ecoute, c’est une question bien compliquée, il faudra que j’y réfléchisse. On peut y réfléchir ensemble. Qu’est-ce que cela veut dire pour toi ? ». Il y a aussi des questions sans réponses. On peut alors donner des informations : « Voilà, il y a des gens qui font l’amour sans s’aimer. On peut penser que la sexualité, c’est mieux quand on s’aime. C’est à réfléchir ». Ce sont des questions qui apparaissent dès l’âge de 8 ans.


D’autres questions concernent la pornographie : « Est-ce une bonne idée, quand on n’a pas d’argent, de devenir acteur porno ? » Ce sont de vraies questions. On peut leur dire que ce n’est pas une bonne idée parce que la sexualité, c’est l’expression physique de l’amour et qu’on ne devrait jamais vendre quelque chose qui se partage. On peut leur demander : « Toi, si on te donnait 50 Euros, tu pourrais devenir l’ami de quelqu’un ? La pornographie, c’est la même chose, c’est vendre quelque chose qui normalement s’échange ». On peut dire sa position aux enfants, on peut aussi expliquer que d’autres pensent différemment.


Dans la phase suivante, ce qui les préoccupe, c’est l’abord de la puberté, les changements physiques, les règles chez les filles. Le passage à la puberté chez les garçons est rarement abordé, parce qu’ils n’ont pas de règles. L’apparition des règles est en général pour les familles, les mères en particulier, l’occasion d’avoir un dialogue avec leurs filles, puisqu’il faut leur expliquer la nécessité d’avoir des protections hygiéniques, etc. C’est souvent un moment de contact privilégié entre mère et fille. Il n’y a pas d’équivalent du coté des garçons.


Arrivés à la puberté, les jeunes commencent aussi à se poser des questions comme celles-ci : « Comment ça se passe l’amour ? Faut-il être compétent ? Y-a-t-il des manières de bien faire l’amour ? ». Ce genre de question révèle en fait leur préoccupation : « Est-ce que je serai à la hauteur comme fille, comme garçon ? Est-ce que la taille des seins cela change quelque chose ? Est-ce que la taille du pénis change quelque chose ? ».


La contraception ou d’autres questions liées à l’entrée dans la vie sexuelle sont des questions que l’on aborde plutôt à l’adolescence. La moyenne d’âge actuelle des premiers rapports sexuels est autour de 17 ans. C’est donc à partir de l’école secondaire que l’on aborde les questions plus directement liées à l’exercice de la vie sexuelle.


Les parents se posent des questions


Dans la vie quotidienne, les parents se demandent parfois quelle attitude ils doivent adopter lorsqu’ils regardent avec leurs enfants un film qui parle de sexualité ou contient des scènes à caractère sexuel. La première chose à faire est sans doute d’éteindre le téléviseur si l’on pense qu’il s’agit d’un film qui n’est pas adapté à leur âge. La pornographie, par exemple, jouit aujourd’hui d’une publicité énorme, et les enfants y ont facilement accès, même sur leur GSM. La réaction d’un enfant qui est confronté à la sexualité adulte dépendra de nombreux facteurs, par exemple du fait que la sexualité est vécue avec sécurité par les personnes qui l’entourent, dans le contexte familial. Il est important que l’on parle de temps en temps de sexualité en famille, afin que l’enfant n’aie pas peur de venir se confier s’il a par exemple été confronté à des images qui l’ont choqué.


De nombreux parents se posent aussi des questions à propos des activités sexuelles des enfants. « J’ai invité un petit copain à venir loger avec mon fils. Celui-ci m’a raconté qu’ils ont fait toutes sortes de petits jeux avec leur zizi. Comment réagir ? » La question est de savoir ce qui est normal ou pas [2]. Où sont les limites ? La plupart des enfants répondent à leur curiosité par des jeux sexuels, en s’explorant mutuellement. Ces activités leur procurent des sensations sexuelles enfantines. Il faut essayer de savoir si l’enfant a l’air inquiet de ce qui s’est passé ou s’il s’inquiète juste de savoir ce que maman et papa en pensent. C’est une occasion de parler. Il n’y a pas de réponse toute faite, mais il revient en tout cas aux parents de transmettre à l’enfant les règles sociales, par exemple le fait que ces jeux sexuels s’effectuent entre personnes du même âge et pas avec des plus jeunes, et aussi entre personnes consentantes. S’il s’agit de jeux entre un adolescent et un petit de 8 ans, les parents doivent intervenir très fermement et mettre des limites claires, à ne pas transgresser.


Lorsque les enfants sont plus âgés, les parents se demandent souvent s’il leur appartient de fournir des moyens contraceptifs à leurs enfants. En général, les professionnels conseillent de garantir une certaine distance entre les parents et les enfants. Le rôle des parents est surtout d’informer et d’inciter les enfants à prendre soin d’eux-mêmes, voire de leur renseigner l’adresse d’un gynécologue ou d’un centre de planning, plus que de laisser traîner des préservatifs dans la salle de bains. Et puisque les enfants et les ados surfent aisément sur internet [3], on peut aussi les orienter vers des sites où ils pourront trouver des réponses à leurs questions... qu’ils n’ont pas nécessairement envie de poser à leurs propres parents [4].

 

 


[1] En 1990 déjà, dans le dossier « Education sexuelle ou affective ? », les Nouvelles Feuilles Familiales insistaient déjà sur l’importance de replacer l’éducation sexuelle dans un contexte de sens et de relation, au-delà des informations techniques et d’un discours de prévention. Ce dossier est toujours disponible.
[2] voir à ce propos le livre de Jean-Yves Hayez « La sexualité des enfants de 6 à 11 ans », éditions Odile Jacob. Couples et Familles a organisé en 2005, en partenariat avec l’Ecole des Parents un colloque sur le thème « La sexualité des 6-12 ans ». Les Actes de ce colloque sont toujours disponibles au prix de 5 Euros.
[3] voir par exemple le site www.parolesdados.be, où des professionnels -psychologues, assistants sociaux, sexologues, médecins, juristes- répondent à toutes leurs questions.
[4] Texte rédigé par José Gérard au départ de la rencontre-débat animé par Violaine De Clerck, psychologue, psychothérapeute, d’Aimer à l’ULB, dans le cadre des Midis de la Famille organisés par l’échevinat de la famille d’Ixelles en collaboration avec Couples et Familles et diverses associations)

 

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