Analyse 2006/16

Y a-t-il une manière d’habiter le monder différente entre les hommes et les femmes ? Y a-t-il une manière d’apprendre et de travailler différente entre les hommes et les femmes ? Y a-t-il une manière de s’amuser différente entre les hommes et les femmes ? Autrement dit : L’homme et la femme affirment-ils le même cogito pour affirmer leur existence. Le "je pense, je suis", de Descartes ne devient-il pas au féminin un "je sens, je pense, et donc je suis avec..." ?


Pourquoi ces questions ?


Parce qu’elles m’ont toujours "travaillée" et que je les entends sans cesse venir des autres femmes. Notre point commun étant une recherche d’une "vie bonne" ce qui sous-entend un minimum d’égalité et de respect entre tous les humains.


Parce qu’aujourd’hui la notion de genre, venue des projets tiers-mondistes, est devenue une question actuelle où s’impliquent plusieurs projets d’ONG et même des gouvernements


Parce que quantité d’hommes et de femmes ont des difficultés à se situer devant toute démarche féministe vu le contentieux qui accompagne ce mot.


Parce que mon expérience privée de femmes, rejointe par une expérience avec des femmes dans le milieu de la réinsertion socio-professionnelle me pousse à une investigation un peu plus théorique sur la question.


Parce que j’ai découvert qu’une approche partant de l’articulation entre l’esthétique et l’éthique pourrait s’avérer très pertinente. Et ne pas se présenter forcément sous le mode dichotomique mais dans une dynamique de circularité.


Donc, je me demande comment se constituer comme sujet moral féminin de ses actions. Les modes de subjectivation ne sont pas les mêmes selon les époques et le contexte culturel. Lequel semble avoir toujours traité différemment les femmes et les hommes, ceux-ci s’arrogeant un pouvoir universel.


Or, l’expérimentation du monde semble saisie d’une façon tout à fait particulière par les femmes : façon à la fois d’ordre organique et d’ordre symbolique.


D’ordre organique car d’entrée de jeu liée à la promesse de reproduction et les responsabilités y afférentes faisant d’emblée partie de son organisation interne.


D’ordre symbolique car le fruit du processus ne peut être retenu. La femme doit s’en défaire sous peine de provoquer sa propre mort. Pour qu’elle vive, l’enfant doit naître. Une fusion totale intra-utérine et une intimité faite de force et de fragilité après la naissance et surtout pendant l’allaitement l’entraînent (mais ne la déterminent pas !) à un renoncement qu’elle sublime par le soin et la proximité mais la rendent définitivement sensible au monde du quotidien et désireuse de relations étroites avec l’environnement.


Donc se présente dans l’évocation de "l’éternel féminin" : une attitude à la fois complètement jetée et immergée dans le présent et la jouissance de l’autre, et simultanément ou presque, une posture d’écart, de regard à distance, voire de renoncement.


Hypothèse


La différence entre les sexes (allant de la négation à la caricature, du rejet catégorique au transcendantal le plus poétisé...) pourrait s’argumenter : d’une part en essayant de définir les modalités de sensation, de perception et de contemplation dans l’expérience esthétique des femmes ; d’autre part en dégageant quelques éléments de ce que peut signifier une éthique de la "vie bonne" au féminin au niveau théorique et pratique.


Définition à partir de Kierkegaard. Dans l’introduction de l’ouvrage de Kierkegaard "Ou bien... ou bien" [1] , les auteurs font un descriptif basé sur l’attitude de type esthétique. "Pour les esthéticiens, la jouissance est le but de l’existence. Ils vivent dans l’instant et cherchent le plaisir dans l’instant. Dans ce stade, il s’agit de se garder de tout ce qui est lien et devoir, de planer au-dessus de l’existence, de ne toucher que par une tangente au cercle de la vie, d’éviter par exemple l’amitié, le mariage, l’attachement a une profession. Toute répétition émousse le sentiment, Il faut constamment chercher le changement et prendre une attitude arbitraire en face des problèmes de l’existence"


Quelques lignes plus loin, les auteurs définissent la philosophie du moraliste. "Aux yeux des moralistes, le sens de l’existence est de vivre sous le signe de la responsabilité et du devoir. Tandis que les esthéticiens vivent dans l’instant, les moralistes vivent dans le temps. Ils s’imposent des devoirs et des missions dans la société, et leur attitude a l’égard du problème des sexes s’exprime dans le mariage. Loin de s’attacher a éviter la répétition, ils la cherchent au contraire. Ils ont décidé de vivre leur vie sous les catégories du bien et du mal, alors que les esthéticiens se placent en dehors du bien et du mal."


Les deux conceptions pour Kiekegaard semblent a priori tout à fait opposées, l’une excluant l’autre, et l’une de loin préférable à l’autre sur le plan de la liberté.


"Il a été dit que l’esthétique est dans l’homme ce par quoi il est immédiatement celui qu’il est ; l’éthique est ce par quoi l’homme devient ce qu’il devient. Il faut nullement en conclure que celui qui vit esthétiquement ne se développe pas ; mais il se développe avec nécessité, non pas avec liberté, aucune métamorphose n’a lieu en lui, ni le mouvement infini par lequel il arrive au point d’où il devient celui qu’il devient." Et plus loin : ... "ce n’est que lorsqu’on vit éthiquement que votre vie aura de la beauté, de la vérité, de l’importance, de l’assurance ;..."


Mais à contrario pour l’esthète : "Sous le ciel de l’esthétique tout est léger, beau, fugitif, mais lorsque l’éthique s’en mêle tout devient dur, anguleux, infiniment assommant." [2]


Le féminisme : les femmes surgissent dans la rue


Réflexion sur le mouvement des femmes à partir de l’approche esthétique/éthique.


Bref historique et enjeux dès l’origine du mouvement. Le féminisme des années 60-70 [3] , chevillé à tout un contexte historique (contraception orale, écologie, révolte étudiante, contestation de la société de consommation), a libéré un potentiel de force extraordinaire et suscité passion, énergie, générosité, violence. Dans cet éclatement les femmes, rejoignant le courant post-moderniste, ont rejeté le savoir constitué (lequel n’est pas seulement scientifique ou technique) d’autant plus volontiers qu’il reposait le plus souvent sur une vision sexiste de la société et assez largement sur leur exclusion en tant que femmes. Comment faire droit à un nouveau savoir [4] et construire une pensée à partir de sa propre force constitutive dont on ne sait pas encore vers où elle va. Les féministes ne peuvent alors se représenter ce que serait une société juste, mais foncent de l’avant.


Mais aussi comment réparer la blessure première de l’exclusion, de la négation, et de l’humiliation inscrites dans la mémoire profonde des cellules voir [5] ? Cicatrices du passé à neutraliser. Par le récit peut-être ? Dans le savoir narratif et dans de nouveaux jeux de langage qui leur donne accès à "l’ordre du jour", les femmes ont pris pour tâche de bousculer et même déconstruire l’échafaudage du sexisme, d’écouter "la chose même", de laisser l’espace interrogatif pour que l’énonciation devienne "annonciation" d’un commencement où chacune peut parler. Car on ne peut parler ensemble que si chacun est quelqu’un ou quelqu’une. Et la singularité radicale peut devenir porteuse d’universel. Puis le temps des premiers émois passés, les paroles premières ont été relayées, passant par les filtres habituels : journaux, maisons d’édition, institutions diverses. Le caractère post-moderniste du féminisme s’est ensuite essoufflé et il y a eu une période de relative somnolence au début des années 90 pour reprendre voici quelques années avec les notions de "parité politique" et de "genre" qui réveilleront le féminisme de son provisoire ensommeillement.


Politique, éthique, esthétique : une approche nouée


Le politique se pense en termes de juste et d’injuste, l’éthique en termes de bien et de mal, et nous décidons, pour cette approche, d’opter pour caractériser l’esthétique en termes de jouissance et distance critique. Dans le féminisme, les connotations propres au monde masculin ont été souvent identifiées au mal, à l’injustice, à la rationalité critique, tandis que les connotations propres au monde féminin ont souvent été identifiées à la solidarité, au bien, à la beauté. La dénonciation de la structure de domination d’un sexe sur l’autre a dévalorisé les valeurs caractéristiques du sexe dominant pour leur opposer les valeurs du sexe dominé, crédité quant à lui, de toutes les vertus. Objectivation et violence sont donc opposées à la sensibilité et à l’intuition, voie sans issue qui repose sur une vision passée. Et en effet, la réintroduction de la question éthique dans la lecture politique du monde s’est faite d’abord du côté du rapport des femmes entre elles. Dans ce courant, le rapport entre femmes est souvent pensé sur le mode du rapport maternel, pris pour paradigme idéal de tout rapport. "Prendre soin de" est l’attitude prônée non seulement envers l’autre femme, mais érigée en conception du monde dans une visée écologique de l’univers qu’il faut protéger de la brutalité technologique. Mais ce n’est pas en substituant à la parole singulière et multiple des femmes un discours ou un mythe, mais en prenant acte des disparités entre les femmes elles-mêmes, que peut se dessiner le chemin d’une éthique. Celle-ci inclut la responsabilité (et non un retrait dans l’innocence), et la responsabilité personnelle pour le bien et pour le mal tout à la fois. C’est à ce prix, que "je" advient. Renvoyant au vestiaire des caricatures la fausse alternative entre l’éthique dite "féminine" ou "maternelle" (caring) et l’éthique qualifiée de "libérale" où l’autonomie individuelle prévaut sur l’altruisme, Françoise Collin propose une "éthique du dialogue pluriel" qui éclaire d’abord "le rapport que chacun, chacune entretient avec soi et dans lequel s’enracine la possibilité du dialogue avec l’autre. Il n’y a de réceptivité à l’autre qu’à partir d’une obscure certitude de soi, d’un lieu où recevoir" [6] . "Reconnaître mon égocentrisme essentiel (nul ne peut vivre ni mourir à ma place) me permet d’accepter l’égocentrisme essentiel de l’autre". Pour exemple, cette inscription d’une jeune femme sur un panneau lors de la première journée des femmes, le 11 novembre 72 [7] "Croyez-vous vraiment pouvoir rendre les autres heureux sans être heureuse vous-même ? Croyez-vous vraiment pouvoir changer le monde sans vous changer vous-même ?" Très pertinemment, cette manifestante proposait tout simplement une culture de soi, sorte de boîte de Pandorre, il est vrai, que les femmes n’arriveront plus à refermer. L’ouverture à une culture de soi et à l’individualisme rendent plus difficiles aussi bien les devoirs quotidiens que le saut vers la citoyenneté ou la solidarité... Les femmes auront gérer quotidiennement le dilemme moral "ou bien... ou bien". Et c’est faisable.


Michel Foucault [8] estime que sous le terme "individualisme", on mêle des réalités tout à fait différentes. Il distingue d’abord : l’attitude individualiste ; ensuite la valorisation de la vie privée ; et enfin, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, "l’intensité des rapports à soi, c’est-à-dire des formes dans lesquelles on est appelé à se prendre soi-même pour objet de connaissance et domaine d’action, afin de se transformer, de se corriger, de se purifier, de faire son salut". Attitude éthique s’il en est, mais qu’on doit rapprocher d’une option plus esthétique qu’appelle Michel Foucault en convoquant régulièrement divers ouvrages de Sénèque. Ainsi, nous ne nous priverons pas de ce merveilleux extrait repris par Foucault [9] : "l’accès à soi est susceptible de substituer une forme de plaisir que, dans la sérénité et pour toujours, on prend à soi-même. « Disce gaudere, apprends la joie », dit Sénèque à Lucilius ; « Je veux que tu n’aies jamais manqué d’allégresse. Je veux qu’elle foisonne en ton logis. Elle foisonnera à condition d’être au-dedans de toi-même... Elle ne cessera jamais quand tu auras trouvé une fois d’où on la prend... Tourne ton regard vers le bien véritable ; sois heureux de ton propre fonds (de tua). Mais ce fonds, quel est-il ? Toi- même et la meilleure partie de toi. » [10]


Entre raison et imagination


Le féminisme a surgi dans et par la parole et doit encore imposer sa redescription du réel. Il a compris que "ce qu’on prend pour un savoir éternel n’est qu’une narration, une manière d’arranger les faits" [11] Nous rejoignons encore Rorty quant il explique très pertinemment : "L’idée, chère aux Romantiques, que la faculté centrale de l’homme est, non pas la raison, mais l’imagination, fut en fait la découverte que le principal instrument du changement culturel est la faculté de parler différemment, plutôt que celle de bien argumenter". La raison nous semble congénitalement mal prise de ne pouvoir se ressourcer que dans la séparation cartésienne corps/esprit où la raison ne peut jamais "surgir", créer, et a donc toutes les peines à contribuer au changement. Tandis que l’imagination peut concocter cet époustouflant emmêlement qui conjoint l’approche esthétique et éthique dans une vie de femme. Emmêlement toujours imprévisible car provenant d’une chimie faite de présent et d’ultime, de jouissance et de dépassement, d’instant et de temps, de répétition et de récréation. Quel bonheur, quelle stimulation d’expérimenter que presque toute la réalité est maîtrisable par l’imagination... !


Mais autant pour les femmes que pour les hommes, il n’y a de liberté que s’il y a une possibilité de parole pour tous, de communication non piégée de chacun avec chacun dans la rencontre et le choc des différences. Dans l’histoire personnelle de chaque être humain, la première différence à laquelle il a à se confronter est la différence sexuelle. "Je ne suis pas tout et ne peux rejoindre l’autre de façon immédiate". Le sujet se constitue en acceptant de ne pas réduire l’autre à lui-même, et à le rencontrer. L’autre me décentre de moi, de mes émotions, de mon vécu, de mes conditionnements et m’ouvre à ma propre liberté. Nous sommes loin des considérations de Nietzsche que nous ne résistons pas à évoquer en relevant cette énormité : "la femme se donne, l’homme s’augmente d’elle... [12]" Que les femmes soient libres intéresse aujourd’hui la liberté de tous ! Et même si, comme le soupçonne Chantal Jacquet, "la femme singulière se fait toujours doubler par l’Eternel féminin [13] ", les femmes recherchent toujours le lien entre le particulier et l’universel, entre la similitude et la différence, entre l’identité et l’altérité, toujours interrogatives et partant de leur essentielle et insaisissable différence, qui n’est pas une essence...


Entre raison et émotion...


On reproche souvent aux femmes de se laisser mener par l’émotion, c’est une façon de nier leur manière d’apprendre qui prend en compte les savoirs expérimentaux ou pratiques dans un mode d’être où la proximité avec autrui est privilégiée. J’appelle au secours de mon propos quelques philosophes ou écrivains qu’on ne peut soupçonner de faiblesse affective. Ainsi Bergson dans "Les deux sources de la morale et de la religion" : "En dehors de l’instinct et de l’habitude, il n’y a d’action directe sur le vouloir que celle de la sensibilité. Et il ajoute plus loin : ...l’émotion est un stimulant, parce qu’elle incite l’intelligence à entreprendre et la volonté à persévérer. Il faut aller beaucoup plus loin. Il y a des émotions qui sont génératrices de pensée : et l’invention, quoique d’ordre intellectuel, peut avoir de la sensibilité pour substance."


Conclusion


L’humain ne coïncide jamais avec les politiques et les objectifs qui viennent de la tête de ceux qui croient savoir pour les autres. Les femmes ont souvent eu à subir ce virus de maîtrise et ce danger d’autoritarisme, elles y ont souvent cédé de guerre lasse. Pourtant, ce n’est pas faute de répéter aux hommes que la vie n’est pas toute dans l’extériorité mise à plat, dans les raisons et la logique, dans l’explicité et dans la mesure. L’analyse factuelle est trop courte, la parole personnelle n’est pas forcément émotive ou platement sentimentale. Simplement elle est. Cela vaut donc toujours son pesant d’or d’écouter autrui, l’étranger, le différent dans la parole qu’il donne de lui-même. De laisser une ouverture aux possibles et faire place à l’être désirant, à l’émergence, à l’inattendu. Nous préférons donc avec Rorty un "répertoire en expansion de descriptions alternatives plutôt que l’Unique Description Juste" [14].


Je ne céderai pas au piège de répondre aux petites questions qui ont lancé ce travail. Mon propos ne visait pas à décider une fois pour toutes, ne fut-ce que pour moi-même de la pertinence des questions sur l’habiter, l’apprendre, le s’engager, le s’amuser propre ou non aux femmes. La réponse ondule dans toute ma recherche car elle dépend du regard qui regarde, des oreilles qui écoutent ou de la main qui touche.


Je termine par une considération plus personnelle. Etant arrivée à la soixantaine, je regarde souvent avec tristesse les hommes et les femmes ne guère progresser pour se comprendre et ne parvenir à construire durablement ni leur bonheur particulier ni la paix sociale ensemble. J’observe que ce n’est pas en démontant les mécanismes relationnels au niveau de la vie privée ou en bâtissant des stratégies de management au niveau professionnel que nous trouverons un nouvel art de la vie bonne. Celle-ci est peut-être à rechercher autour de la combinaison forcée ou l’emmêlement du "Ou bien... ou bien" sans cesse en interrogation dans la vie ordinaire, et plus particulièrement dans une vie de femme. La phrase de JJ Rousseau : "Si c’est la raison qui fait l’homme, c’est le sentiment qui le conduit" est à partager également entre les hommes et les femmes. Les apparentes oppositions sont peut-être dramatisées du fait d’être trop visibles à la surface des choses. Personnellement je voudrais contribuer à faire remonter un peu de l’invisible qui permet de croire obstinément que sur cette planète, le vrai bonheur fait de jouissances et de responsabilités est celui que l’on partage à égalité et en commun dans la séduction et l’estime réciproque. N’est-ce pas ce que communément on appelle "la solidarité".


Ce texte est une des bases de réflexion proposée par Godelieve Ugeux-Rulmont pour les animations que Couples et Familles organise suite à la sortie du livre "Est-ce ainsi que les femmes vivent ?". Voir à ce propos la rubrique "Conférences et animations" sur ce site.

 

 


[1] Kierkegaard S., "Ou bien... ou bien", traduit du danois par Piotr F. et O et Guignot MH, Introduction, p. XIII
[2] Soeren Kierkegaard. "Ou bien... ou bien. Le journal du Séducteur", Traduit du danois par F. Et O. PRIOR et M.H. GUIGNOT, 1943, Gallimard, NRF
[3] Marie Denis et Suzanne Van Rokeghem Le féminisme est dans la rue. Pol-His, Paris, 1992.
[4] Nous entendons ici savoir dans la même conception que J.F.Lyotard. "Par le terme de savoir on n’entend pas seulement, tant s’en faut, un ensemble d’énoncés dénotatifs, il s’y mêle les idées de savoir-faire, de savoir-vivre, de savoir-écouter, etc. Il s’agit alors d’une compétence qui excède la détermination et l’application du seul critère de la vérité, et qui s’étend à celles des critères d’efficience (qualification technique), de justice et/ou de bonheur (sagesse éthique), de beauté sonore, chromatique (sensibilité auditive, visuelle), etc. Ainsi compris, le savoir est ce qui rend quelqu’un capable de proférer de « bons » énoncés dénotatifs, mais aussi de « bons » énoncés prescriptifs, de « bons » énoncés évaluatifs... Il ne consiste pas dans une compétence portant sur telle sorte d’énoncés, par exemple cognitifs, à l’exclusion des autres. Il permet au contraire de « bonnes » performances au sujet de plusieurs objets de discours : à connaître, à décider, à évaluer, à transformer... De là résulte l’un de ses principaux traits : il coïncide avec une « formation » étendue des compétences, il est la forme unique incarnée dans un sujet que composent les diverses sortes de compétence qui le constituent. La condition Postmoderne. Les Editions de Minuit. p.36.
[5] la notion de neurones du souvenir. D. Nasio, Le livre de la douleur et de l’amour. Ed. Payot & Rivages. Paris,1996.
[6] Françoise Collin, Les langues sexuées de l’éthique. Ethica, 1994. Vol. 6, n° 2, p. 19.
[7] Marie Denis et Suzanne Van Rokeghem Le féminisme est dans la rue. Pol-His, Paris, 1992, p.103-104.
[8] Michel Foucault, Histoire de la sexualité 3. Le souci de soi. NRF Gallimard. p. 56.
[9] en p. 84 de l’ouvrage cité
[10] Lettre à Lucilius.
[11] Richard Rorty, Contingence, ironie et solidarité, Traduit de l’américain par P.E. Dauzaut. Ed. Armand Colin.p. 51.
[12] Nietzsche, Le gai savoir, Gallimard. NRF 7ème édition, p. 363
[13] Chantal Jaquet, Le désir. Quintette, Paris, 1996, p.51.
[14] R. Rorty, idem. p.68

 

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