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Analyse 2016-10

 

La Belgique, comme ses pays voisins, voit fleurir une nouvelle forme d’éducation, de nouvelles écoles dites alternatives, qui sortent des sentiers battus de l’enseignement traditionnel et proposent de nouvelles méthodes d’apprentissage mieux adaptées à la génération actuelle.

On peut se poser la question de savoir si l’école, telle que nous la connaissons aujourd’hui en Belgique, répond aux attentes de la population. Est-ce que le climat scolaire permet aux enfants et aux jeunes de trouver leur épanouissement et de développer leur personnalité ? Faut-il chercher à procurer à la génération de demain des outils plus adaptés à notre système économique et à la complexité de la compétition professionnelle, en dépassant le cadre des programmes scolaires traditionnels ?

Notre pays a connu de nombreuses réformes de l’enseignement au fil du temps, dont la dernière en date en Fédération Wallonie-Bruxelles le « Pacte d’Excellence [1] ». Notons également l’étude faite sur le système scolaire par Bernard Delvaux, dont les résultats ont fait l’objet d’un livre « Une tout autre école [2] » qui s’inscrit dans la suite du colloque du Girsef « L’École bientôt hors-jeu ? ».

Il n’y a cependant jamais eu de changements aussi majeurs que ceux qui sont proposés de nos jours par ces alternatives.

Quelles sont ces méthodes d’un nouveau genre ?

Suppression des notes 

De nombreuses études ont été réalisées à ce sujet et le débat reste intense. Les partisans du bulletin traditionnel diront que les notes sont un repère et permet aux parents de suivre aisément l’évolution et la progression de leur enfant, alors que d’autres soutiendront que le remplacement des notes par des référentiels de compétences ou autres systèmes alternatifs évite aux élèves de devoir se mesurer aux autres, d’avoir cette obsession du classement qui engendre souvent une démotivation des élèves les plus faibles.

L’école sans classes

Dans cette approche éducative, les matières sont étudiées globalement à travers des projets collectifs de groupe, par exemple l’organisation d’une braderie pour financer un projet ; la création d’une épicerie ; la prise en charge du goûter, etc. Le but est de développer l’autonomie des enfants, de les motiver et de leur faire acquérir des compétences pratiques plus facilement, puisqu’ils apprennent à argumenter, à s’exprimer et à respecter d’autres points de vue.

L’école sans chef

Dans ce principe éducatif il n’y a pas de figure d’autorité. Les tâches sont gérées par des groupes composés d’enseignants et d’élèves, que ce soit au niveau pédagogique, administratif, culinaire ou ménager, ce qui crée un lien humain différent et établit un climat de confiance. 

Les cours sont préparés de commun accord avec les élèves qui choisissent leur propre emploi du temps. Une pédagogie coopérative et innovante faite de groupes de base d’une vingtaine d’élèves et trois membres de l’équipe éducative.

L’école sans école ou l’instruction en famille

Très répandue aux Etats-Unis, l’école à la maison prend de plus en plus d’ampleur dans nos pays européens. Devons-nous y voir là un signe que l’école est en décalage avec les besoins et attentes des parents ? Les arguments-clé des partisans de l’école à la maison est qu’ils peuvent s’adapter au mieux aux besoins et rythmes d’apprentissage de leurs enfants ; que le travail scolaire prend ainsi nettement moins de temps, ce qui les libère pour d’autres activités ; qu’il est aberrant d’apprendre la même chose aux enfants sous prétexte qu’ils ont le même âge, sans respecter leur rythme biologique d’apprentissage.

Aux opposants à ce système qui avancent le risque d’un déficit de socialisation, on met en avant les nombreux réseaux qui sont mis en place (sports, culture, loisirs, etc.) pour favoriser la rencontre et l’échange entre les enfants scolarisés à la maison.

L’apprentissage coopératif 

C’est devenu la norme au Canada dans l’enseignement primaire : les élèves travaillent ensemble par groupes de quatre. Ils s’interrogent et expliquent ce qu’ils n’ont pas compris. L’enseignant analyse les besoins de chaque enfant et leurs centres d’intérêt dans le but de former des groupes avec des personnalités complémentaires.

Autres concepts : mises en situation, orientation scientifique, orientation littéraire

Au Japon, l’accent est mis sur les mises en situation. Les élèves travaillent en petits groupes et exposent ensuite le résultat de leurs recherches aux autres.

Singapour privilégie un enseignement lent qui débute dès l’âge de 4 ans avec une orientation scientifique basée sur le jeu.

Dans certains pays anglo-saxons, c’est l’enseignement littéraire qui sera mis à l’honneur avec des ateliers d’écriture très développés.

Et chez nous ?

La Belgique, elle aussi, connaît un développement de l’enseignement alternatif.

Citons par exemple l’ouverture, en 2016, d’une école autonome à Genval [3] où les classes sont des espaces de vie modulables en fonction des envies des enfants. Cette école veut impliquer les élèves dans leur éducation en créant un environnement naturel pour l’auto-éducation. Ici le programme d’enseignement est établi par les élèves qui expriment leur désir d’apprendre telle ou telle matière.

Un autre exemple est celui d’une école à Lonzée près de Gembloux, qui se veut démocratique collaborative. Les parents et les enfants sont associés à la gestion de l’école, à sa comptabilité, à son entretien et à ses budgets. Bien que l’école base la plupart de ses concepts sur la pédagogie Freinet, elle veut aussi combiner les avantages de toutes les pédagogies.

Ces deux exemples d’écoles alternatives en Belgique illustrent que le malaise éducatif est bien réel dans nos pays dits civilisés et qu’il existe un décalage entre les besoins et le système d’apprentissage traditionnel proposé.

Attendons-nous trop de l’école ? Quelle école voulons-nous pour nos enfants ? Quel rôle voulons-nous donner à l’école ? Est-ce que nos enfants subissent l’école ou y trouvent vraiment leur place ? Voilà toute une série de questions que tout parent devrait se poser.

Quel que soit le système scolaire que nous mettons en place, il devrait permettre une réelle égalité des chances pour chaque enfant, quelle que soit son origine sociale, raciale et culturelle.

Le fait que des écoles alternatives voient le jour est le résultat d’une réflexion sur la nécessité de réveiller le désir d’apprendre chez nos enfants et de trouver des moyens de les motiver à l’apprentissage. Nous savons tous qu’il n’y a rien de tel que la motivation et l’intérêt pour nous rendre capables de retenir une quantité impressionnante d’informations et de savoir-faire. Les enfants sont d’un naturel curieux et cette curiosité doit être exploitée comme outil de motivation, en la nourrissant et en la développant.

Tout beau, tout rose

Devons-nous voir ces nouvelles écoles alternatives comme la réponse idéale aux questions éducatives dans notre pays ? Bien qu’on puisse y voir de nombreux avantages, ces écoles présentent aussi des inconvénients de taille qu’on ne peut négliger.

• Les écoles autonomes ne sont pas reconnues par la Fédération Wallonie-Bruxelles ; les enfants doivent s’inscrire en « instruction en famille » pour satisfaire l’obligation scolaire. Ils pourront passer le « jury central » pour obtenir un « Diplôme d’Aptitude à accéder à l’Enseignement Supérieur » (DAES) ou un  « Certificat d’Enseignement Secondaire Supérieur » (CESS) ou encore passer un examen d’entrée pour accéder à certaines écoles supérieures.

• Les écoles alternatives ne sont pas subventionnées et sont donc financées par les familles. Il faut compter environ 5.000 euros par an, par enfant pour l’inscription, ce qui est nettement moins que certaines écoles privées, mais représente toutefois un budget que toutes les familles ne sont pas en mesure d’assumer. Néanmoins, on constate que de plus en plus d’écoles publiques commencent à s’inspirer de ces formations différentes.

Pour tous ?

Le système éducatif dit « autonome » est-il adapté à tous les enfants ? Bien que les statistiques soient très positives au niveau des résultats obtenus dans d’autres pays, on est en droit de se poser la question si l’on considère qu’on fait appel aux facultés d’un enfant pour exprimer ses besoins, pour intégrer un groupe communautaire et pour se prendre en main de manière autonome.

L’école alternative est-elle LA solution aux décrochages scolaires, aux échecs, au manque d’épanouissement de l’enfant, à la démotivation, l’absentéisme, etc. ? Difficile de répondre à cette question, mais on peut toutefois affirmer que l’école autonome n’est pas un concept vraiment récent, mais plutôt le fruit d’études et de réflexions collectives, ainsi que d’expériences menées sur le terrain durant de nombreuses années.

On peut, en tout cas, penser que ce serait une solution positive pour certains enfants qui éprouvent des difficultés à se couler dans le moule de l’école traditionnelle.

Par ailleurs, les études menées sur la méthode Freinet [4] ont montré que ces élèves réussissaient au moins aussi bien que les autres sur le long terme, si ce n’est un peu mieux.

A ce stade, ici en Belgique, chaque famille devra peser le pour et le contre des possibilités éducatives qui lui sont offertes [5].

 

 

 


 

[1] www.pactedexcellence.be

[2] www.uclouvain.be

[3] www.ecole-autonome.be

[4] Pour plus d’information www.icem-pedagogie-freinet.org

[5] Analyse rédigée par Joëlle Richir

 

 

 

 

 

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