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Analyse 2016-18

 

Un processus de construction assez laborieux 

Le Pacte pour un enseignement d’excellence se construit lentement mais sûrement. Une de ses forces réside sans doute dans la méthodologie qui a été choisie quant à son élaboration. Effectivement, en y ayant inclus les acteurs de terrain, on peut penser que cela augmente la probabilité d’un ancrage réussi du Pacte dans la réalité du paysage scolaire. 

C’est en janvier 2016 qu’a débuté le processus participatif avec la mise en place d’ateliers pédagogiques, de focus groupes, de grandes enquêtes et de conférences citoyennes. [1]

Les résultats de cette procédure participative révèlent que les suggestions des acteurs de terrain vont dans le même sens que les recommandations émises par le Groupe central dans l’avis N°2. Parmi celles-ci, on peut citer la mise en place d’une école plus ouverte, l’approche éducative de l’orientation, etc. En outre, les enseignants ont fait connaitre l’importance qu’ils accordent à l’enseignement des langues étrangères par exemple. [2]

De plus, dans la synthèse globale des ateliers pédagogiques intitulée « Les enseignants ont la parole » et disponible sur le site de l’Institut de la Formation en cours de Carrière (IFC), il est question de penser à la mise en place d’un partenariat avec les parents dans le but d’optimiser le suivi de l’enfant. Les parents ont un rôle clé à jouer dans le parcours scolaire de leur progéniture. Dès lors, il semble indispensable de renforcer leur implication en favorisant le dialogue à propos des modes d’apprentissage utilisé dans l’école, ou encore, sur les travaux accomplis par leur enfant (seul ou en groupe). Cette implication des parents pourrait être d’autant plus intense et concrète si ceux-ci acceptaient de mettre leurs compétences – tant professionnelle que personnelle – au service de projets scolaires. Les enseignants font également remarquer que l’école est un lieu privilégié de rencontre entre familles, et donc, amener l’interculturalité au sein de l’école favoriserait la création de liens avec toutes les familles [3].

Depuis novembre, l’Institut de la Formation en cours de Carrière propose de nouveaux ateliers pédagogiques aux enseignants ainsi qu’aux membres d’équipes pédagogiques. En plus d’apporter un éclairage sur ce qui les attend, ces ateliers sont également un lieu de parole où chacun a ainsi la possibilité de faire connaitre son opinion sur les orientations dégagées par le Groupe central. [4]

Six thématiques sont au programme ; le bien être à l’école, la revalorisation de l’enseignement qualifiant, la lutte contre l’échec scolaire, le tronc commun polytechnique et l’évaluation, la culture, et enfin, l’entrée dans le maternel et la transition maternel-primaire. [5]

Pour chaque thème, il est demandé aux participants de mener une réflexion quant aux changements qui pourraient résulter du Pacte, ou encore, en ce qui concerne le besoin des élèves et les orientations du Pacte par exemple. Un double objectif est visé par ces ateliers pédagogiques ; d’une part recueillir l’avis et l’analyse faite par la communauté éducative, et d’autre part, mettre en commun les pratiques pédagogiques des professionnels et les interrogations que les axes du Pacte peuvent susciter. [6]

Ce qu’en pensent les enfants

Quelles représentations les enfants du primaire ont-ils de l’école ? Que pensent-ils des orientations proposées par le Groupe central ? Pour le savoir, l’asbl Jeune et Citoyen a récolté les avis de plus de 3000 élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles et les a consignés dans un rapport en juin 2016. [7]

Il en ressort que pour les enfants, l’école est faite pour apprendre et pour s’amuser. Ainsi, les enfants sont demandeurs de pratiques pédagogiques qui se fondent sur cette « combinaison gagnante ». De plus, dans les réponses données par les élèves, l’importance de la cohésion de la classe est également mise en évidence ; dès lors, du temps qui peut être consacré au développement des relations que les élèves entretiennent entre eux mais aussi avec leur instituteur est toujours le bienvenu. Les enfants soulignent aussi les bienfaits d’un cadre scolaire agréable. Des chaises confortables, de la végétation, la présence d’espaces où l’on peut se défouler et d’autres plus calmes, etc. sont des éléments qui agissent indubitablement sur le bien être des élèves ; et un enfant qui se sent bien s’avère être plus disposé à apprendre. [8]

Pour ce qui est des propositions du Groupe central, les élèves ont donné leur avis sur certaines thématiques. En ce qui concerne la promotion de la réussite, le Groupe central préconise une nouvelle organisation de la remédiation. Pour les élèves, celle-ci devrait prendre la forme d’un rendez-vous, en individuel, avec le professeur pour que celui-ci réexplique une matière incomprise. Cela pourrait se faire soit pendant une pause, soit après les cours. Au niveau du renforcement des activités sportives, culturelles, artistiques et citoyennes, les enfants émettent des arguments aussi bien favorables que défavorables. Par exemple, les sorties culturelles permettent d’enrichir ce qui a été enseigné en classe ; mais à côté de ça, les élèves redoutent de s’ennuyer, de perdre du temps, ou encore d’agacer leur professeur car les élèves ont tendance à être moins disciplinés qu’en temps normal lors de ce type d’activité. Remarquons qu’il est signalé dans le rapport que certains élèves préfèrent rester à l’école plutôt que de s’aventurer en extérieur – en particulier dans les grandes villes – suite au sentiment de peur qu’ont générés les attentats terroristes de Bruxelles et de Paris. Nous pouvons aussi évoquer la promotion de la santé. Dans cette matière, le Groupe central recommande aux écoles de promouvoir la santé en touchant – entre autres – aux thèmes de l’alimentation, de l’hygiène, de la vie affective, etc. Cet apprentissage à l’alimentation est perçu positivement par certains élèves qui pointent l’importance de savoir comment varier leur alimentation alors que d’autres estiment qu’il est du rôle des parents de s’atteler à cette tâche. [9]

La question du rythme scolaire 

Quel est l’avis des enfants quant à l’agencement du calendrier scolaire et de leur « agenda » quotidien ? Le rapport de l’asbl Jeune et Citoyen montre que beaucoup d’enfants estiment que l’école commence trop tôt. Ainsi, 9h leur semblerait un bon moment pour commencer la journée ; et pour la terminer, 15h30 semble une bonne heure. Les enfants soulignent l’importance d’avoir du temps pour leurs activités extrascolaires, leurs devoirs, mais aussi pour leur famille. Toutefois, certains enfants accepteraient de rester jusqu’à 17h30 car soit ils aiment l’école, soit cela leur éviterait la garderie. Pour ce qui est des congés, 67% des enfants trouvent qu’il devrait y en avoir davantage, mais environ un tiers des enfant interrogés ne vont pas dans ce sens car ils estiment qu’il est important d’avoir du temps en classe pour travailler. [10]

Bref, les avis divergent quant à la réorganisation de l’emploi du temps des élèves et outre l’impact au niveau des écoles, un bouleversement du rythme actuel aurait sans doute pas mal de conséquences sur le planning familial, et appellerait des ajustements au sein du fonctionnement des familles.  

Réactions d’autres acteurs

Le Groupe central est évoqué à de multiples reprises dans cette analyse ; mais de qui exactement est-il composé ? « Co-présidé par la représentante de la ministre de l’Education et le Secrétaire général de la Fédération Wallonie-Bruxelles (…), le Groupe central est composé d’un représentant détaché de chaque PO, de chaque syndicat d’enseignant, de chaque fédération de parents, de représentants de l’administration générale de l’Enseignement, d’un représentant du ministre de l’Enseignement Supérieur et d’un représentant de la ministre de l’Enseignement de Promotion sociale. » [11]

Actuellement, l’avis n°3 du Groupe central est « soumis à l’approbation de chacune des organisations représentatives (PO, syndicats et associations de parents). » [12]

Les réactions de différents acteurs se sont déjà faites connaître sur les propositions du Groupe central. Ainsi, la Ligue des familles paraît enthousiasmée par le projet étant donné – entre autres – que la gratuité de l’école semble enfin réellement être envisagée et que l’enseignement maternel est totalement englobé dans le projet de réforme. [13]

Quant aux différents partis politiques, on peut évoquer la réaction de Françoise Bertieaux, chef de groupe MR, qui qualifie le Pacte d’excellence de « consensus remarquable » [14] mais qui évoque tout de même une inquiétude. Elle craint que le gouvernement ne pioche que certaines mesures parmi celles présentées dans le Pacte. Or, si celui-ci n’est pas mis en œuvre dans sa globalité, la réforme perdrait de sa cohérence. Pour ce qui est d’Ecolo, même si Barbara Trachte, chef de groupe, trouve regrettable que le projet se soit construit sans l’ensemble des formations politiques, l’amélioration de l’enseignement maternel et l’idée d’un tronc commun sont des aspects que le parti salue. [15]

Pour conclure

L’approche participative revendiquée pour la conception du Pacte est certes louable mais dans les faits, l’ensemble du corps enseignant n’a tout de même pas toujours eu l’opportunité de donner son avis. Ainsi, c’est seulement un échantillon de la communauté éducative qui a été associé à la démarche. En outre, le Projet d’Avis N°3 du Groupe central s’étale sur plus de trois cents pages [16] et touche à de multiples facettes de l’enseignement. Il semble dès lors légitime de s’interroger sur la faisabilité de la concrétisation de l’ensemble de ces recommandations, qui sur papiers semblent pleines de promesses. La réalité du Pacte sera-t-elle à la hauteur de ses fondements réflexifs ? [17]

 

 


 

[1] Les « ateliers pédagogiques » du Pacte pour un Enseignement d’excellence – Programme 2016, www.joellemilquet.beConsulté le 14 décembre 2016.

[2] Synthèse du projet d’Avis N°3 du Groupe central, Pacte pour un enseignement d’excellence, 2 décembre 2016.

[3] IFC – Synthèse des ateliers pédagogiques, www.ifc.cfwb.beConsulté le 14 décembre 2016.

[4] « Pacte pour un Enseignement d’excellence : des décisions cet automne ». In : PROF. Fédération Wallonie-Bruxelles, n°31, septembre 2016, p.11.

[5] Nouveaux ateliers pédagogiques : Les enseignant(e)s et les équipes pédagogiques ont la parole !, www.pactedexcellence.be. Consulté le 14 décembre 2016.

[6] IFC – Détail de formation, www.ifc.cfwb.beConsulté le 14 décembre 2016.

[7] L’école idéale selon les élèves du primaire – Pacte pour un Enseignement d’excellence, www.pactedexcellence.be. Consulté le 14 décembre 2016.

[8] L’école idéale selon les élèves du primaire – Pacte pour un Enseignement d’excellence, www.pactedexcellence.beConsulté le 14 décembre 2016.

[9] L’école idéale selon les élèves du primaire – Pacte pour un Enseignement d’excellence, www.pactedexcellence.beConsulté le 14 décembre 2016.

[10] L’école idéale selon les élèves du primaire – Pacte pour un Enseignement d’excellence, www.pactedexcellence.beConsulté le 15 décembre 2016.

[11] Quels sont les acteurs et les structures du Pacte ?, www.pactedexcellence.beConsulté le 15 décembre 2016.

[12] VAN DE WERVE, Conrad. « Pacte pour un enseignement d’excellence – Vers un aboutissement ». In : Entrées libres. Bruxelles, n°114, décembre 2016, p.4.

[13] Le pacte pour un enseignement d’excellence suscite bien des réactions – Belgique – www.levif.be. Consulté le 15 décembre 2016.

[14] Le pacte pour un enseignement d’excellence suscite bien des réactions – Belgique – www.levif.be. Consulté le 16 décembre 2016.

[15] Le pacte pour un enseignement d’excellence suscite bien des réactions – Belgique – www.levif.be. Consulté le 16 décembre 2016.

[16] Les documents du Pacte – Pacte pour un Enseignement d’Excellence, www.pactedexcellence.be. Consulté le 16 décembre 2016.

[17] Analyse rédigée par Audrey Dessy 

 

 

 

 

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