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Analyse 2019-24

À l’heure actuelle, les jeux vidéo sont généralement, dans les médias, associés à la violence. Pourquoi le seraient-ils davantage que certaines histoires, films ou autres programmes télévisés ? Une récente étude déclare que ce lien entre violence chez les plus jeunes et jeux vidéo est obsolète [1]. Cette peur des effets néfastes est principalement issue de stéréotypes. Par exemple, lors d’actes dramatiques commis par des adolescents, les médias sont à l’affût : à quels jeux jouaient-ils ? Ces derniers étaient-ils violents ? Ce sont les questions les plus mises en avant, aux dépens du récit de vie de l’adolescent. Un autre aspect que Couples et Familles veut aborder est la place des femmes dans ce milieu. Le jeu vidéo : bon ou mauvais ? Et si on creusait cette question ?

Aujourd’hui, nombreux sont les jeux qui défendent, explicitement ou non, des causes. Toutefois, il convient de différencier les jeux indépendants, comparables au cinéma d’auteur, des jeux ultra-médiatisés, créés pour être consommés en masse [2] et qui laissent peu de place aux valeurs telles que la compassion, le respect, l’empathie... « Si l’immoralité fait vendre, pourquoi s’en priver » semble penser certains concepteurs. Il existe par exemple plusieurs jeux, où le héros que le joueur incarne, peut se rendre dans des bars de strip-tease, ou même se procurer les services d’une prostituée. Dans un célèbre jeu dont nous ne citerons pas le nom, frapper des prostituées afin de leur voler leur argent est considéré comme une « astuce » afin de progresser plus facilement dans l’aventure. Drôle de morale.

Dans le même ton qui laisse une amertume, un jeu s’est heureusement vu supprimé peu de temps avant sa sortie officielle. Ce jeu se nommait Rape day, ou Jour de viol. Le but était de se mettre dans la peau d’un violeur. Le jeu a évidemment été accusé de faire l’apologie du viol. Les plateformes permettant la distribution de jeux en ligne, tel Steam, ont décidé de ne pas distribuer le jeu en raison des effets possibles « inconnus et risqués ». La question de la censure s’impose : les développeurs de jeux ont le droit d’exprimer pleinement leurs idées mais dans ce cas de figure, les limites ont été dépassées. Une situation tout aussi délicate a déjà eu lieu auparavant lors de la sortie du jeu Active Shooter, qui mettait en scène une fusillade dans une école. Nombreuses ont été les pétitions et les plaintes pour lutter contre la promotion de ces jeux. Les producteurs de ces créations se sont défendus en jouant la carte de l’humour, en affirmant que ces thématiques sont à prendre au second degré… Cela n’a pas fonctionné et c’est le soulagement général. L’appât du gain est parfois de mauvais augure comme peuvent l’illustrer ces deux jeux controversés. Cependant, il est important de faire la part des choses, toutes les compagnies de jeux vidéo ne prônent pas des actes immoraux. Des polémiques, il peut en exister parmi chaque média.

Des bienfaits souvent oubliés

Le jeu vidéo représente un loisir mais aussi un support à l’éducation, comme pourrait le faire un film par exemple. Tout dépend de son utilisation et de la communication qui gravite autour. L’univers des jeux vidéo est en évolution constante et s’enrichit de plus en plus. Certaines sociétés se consacrent même au développement de jeux à vocation pédagogique destinés aux enfants. Les artistes y voient également un excellent moyen de s’exprimer. Des compagnies de jeux vidéo indépendantes existent d’ailleurs. C’est une opportunité de raconter une histoire, d’y partager des idées et même de militer.

Jouer aux jeux vidéo stimule la créativité pendant la partie, mais aussi après. En effet, la découverte d’un univers durant le temps de jeu donne envie à certains de se le réapproprier. C’est ce qu’on peut constater dans les dessins et les peintures nommés fanart mais aussi avec des écrits, les fanfictions. De tout cela s’étend une communauté de passionnés. Des conventions, des salons du jeu vidéo deviennent des rendez-vous incontournables pour les amateurs. Le jeu vidéo est alors perçu comme une passion. Nous sommes loin du cliché de la personne isolée face à son écran d’ordinateur.

Pour le grand public, jouer aux jeux vidéo se rapporte bien souvent à la dimension addictive. Cependant, tous les joueurs ne sont pas sous cette emprise. Il est important de mettre en lumière la dédramatisation. En effet, il est possible de positiver l’usage des jeux vidéo ! [3] Une séance de jeu peut par exemple contribuer à réduire l’anxiété. De plus, comme il existe différents types de jeux vidéo, il existe par conséquent différents types de capacités mises à l’épreuve. Lorsqu’un jeu demande de la stratégie, des compétences cognitives se développent via la résolution de problèmes ainsi que la prise de décisions rapides. Jouer peut également avoir une incidence positive sur la mémoire mais aussi sur le processus d’acquisition des compétences. On parle alors de serious game, un jeu considéré comme sérieux, dont le but est l’enseignement de certaines notions [4]. Le champ des thématiques des jeux se diversifie avec le temps, et des problématiques actuelles, telles que la pollution et le souci de l’environnement, sont mises en avant [5]. Des jeux, dits de simulation, permettent de se confronter en douceur à des faits tels que ceux-ci. La tendance est également aux jeux stimulant la créativité, qui suggèrent donc la création dans son ensemble et éveillent l’imagination. Cela va de la création de son propre univers, à la construction d’un parc animalier ou bien même d’une maison. Dans le domaine des émotions et du récit de vie, nous pouvons parler des jeux narratifs, où chaque choix opéré par le joueur a des conséquences sur le monde dans lequel il évolue, ainsi que sur les personnages. La psychologie et le relationnel y sont mis en avant, ce qui développe des compétences émotionnelles, comme l’empathie. Afin de s’assurer que ces bienfaits soient de mise, il importe que les parents s’intéressent aux jeux que leurs enfants / adolescents se procurent, qu’ils en discutent ensemble… Et pourquoi pas y jouer en famille ?

Des genres et des jeux

Ces dernières années, ce sont les voix féminines, jusqu’alors plutôt sous-représentées et assignées à des titres perçus comme plus féminins, qui s’élèvent pour dénoncer les clichés sexistes qui prolifèrent tant dans les contenus de jeux eux-mêmes que dans les espaces d’interactions. L’image de la femme a évolué au cours des années, dans les jeux vidéo aussi. Aujourd’hui, des joueuses sont mises à l’honneur dans des compétitions professionnelles. Les personnages que le joueur peut incarner sont de moins en moins stéréotypés (mais il y a encore un long chemin à parcourir !). Les scénarios se font plus construits et la notion de diversité s’épanouit. Il n’est pas rare aujourd’hui de croiser des personnages virtuel(le)s homosexuel(le)s par exemple. Quand bien même, il est difficile de nier que de nombreux jeux vidéo ont longtemps présenté quantité de personnages hypersexualisés [6], et, dans une certaine mesure, les présentent encore. Les hommes de pixels sont musclés et machos alors que les femmes doivent se contenter d’être jolies. Dans les mentalités passées, les jeux vidéo étaient créés par et pour les hommes et la remise en question était loin d’être évidente. Lorsque personnage féminin il y avait, c’était dans le but de séduire le joueur et donc le consommateur. Est-ce pour autant que le jeu vidéo rend les hommes machos, considérant la femme comme un objet ? Il est d’abord utile de rappeler que l’hypersexualisation de l’image féminine n’est pas propre à ce support médiatique. À vrai dire, on retrouve ce phénomène partout dans notre société (cinéma, publicité, clips musicaux etc.). La déconstruction des stéréotypes est encore et toujours de mise, que l’on consomme des jeux vidéo ou non.

Dans la création de jeux vidéo, les femmes ont aujourd’hui leur place, bien qu’elles soient encore largement sous-représentées. Dans le milieu de la haute technologie, le sexisme est hélas particulièrement présent et les femmes ne bénéficient pas souvent d’un accueil adéquat. Jusqu’à récemment du moins, car les langues se délient. On constate via des témoignages que les femmes trouvent leur place dans l’aspect artistique : le graphisme, le dessin, etc. mais c’est dans le game design (la conception des mécaniques de jeu) et le codage que cela se corse. Dans le développement d’un jeu vidéo, les femmes sont minoritaires même si on peut constater une évolution. Une association de professionnel(le)s a vu le jour en 2017 sous le nom de Women in Games. Elle organise des ateliers pour accompagner les femmes dans leur parcours professionnel et milite pour développer la parité dans l’industrie du jeu vidéo [7]. On ne s’arrête pas là. Girls games : les femmes se réapproprient l’espace du jeu vidéo ! Une des plaintes principales de la gent féminine concernant les jeux vidéo, c’est la sous-représentation de personnages féminins intéressants. Par le mot intéressant, nous désignons ce qui ne se rapporte pas à une demoiselle en détresse ou à une jolie chose à regarder sans un quelconque but. Aujourd’hui, on compte parmi les joueurs de nombreuses femmes, elles constituent la moitié de cette population passionnée ! Pourtant, une fâcheuse tendance persiste à catégoriser des jeux comme étant davantage destinés aux filles, plus mignons, plus faciles. Rien n’implique qu’ils soient uniquement réservés aux filles ! Un garçon pourrait tout aussi bien, lui aussi, aimer s’occuper d’un chiot virtuel. D’un autre côté, il n’est pas rare d’entendre que les jeux vidéo, « c’est un truc de garçon ». Mais le marketing genré concerne l’ensemble du marché, en passant des vêtements aux jouets pour enfants. D’où le projet Girls games : un documentaire privilégiant les rencontres avec celles qui se battent contre les clichés et les discriminations de genre dans le milieu du jeu vidéo [8]. Et le constat est là : lentement mais sûrement, des femmes indépendantes et originales font leur place dans l’univers vidéoludique, que cela soit derrière l’écran ou à l’intérieur [9].

 

 

 



 

 

 

 

 

[1] TEXIER K., « Pas de lien entre les jeux vidéo violents et l’agressivité des adolescents selon une étude d’Oxford », 15/02/19 : https://www.rtbf.be/ (consulté le 07/10/19).
[2] BONVOISIN D., « Jeux vidéo : les effets sociaux d’une diffusion planétaire », novembre 2014 : https://media-animation.be/ (consulté le 07/10/19).
[3] BARABE D., Positiver le jeu vidéo, 2019.
[4] ERHEL S., Les jeux vidéo nous rendent-ils plus performants ? Quelques travaux scientifiques évaluant les effets des jeux vidéo sur le développement des compétences cognitives des individus, mai 2017 : https://hal.archives-ouvertes.fr/ (consulté le 08/10/19).
[5] « Les jeux vidéo ont aussi des effets bénéfiques », 21/03/13 : https://www.lexpress.fr/ (consulté le 08/10/19).
[6] MAMERI H., FOUCAULT J., ARTUS K., « Les femmes dans les jeux vidéo », 19/11/14 : https://culturenum.info.unicaen.fr/ (consulté le 07/10/19).
[7] DUMAIN A., « Des femmes font bouger les choses dans l’industrie du jeu vidéo et prouvent que nous y avons notre place », 13/12/18 : https://www.franceculture.fr/ (consulté le 07/10/19).
[8] LISE F., « "Girls game" déconstruit les clichés sur les femmes dans le jeu vidéo », 07/04/16 : https://www.madmoizelle.com/ (consulté le 07/10/19).
[9] Analyse rédigée par Violette Soyez.






 

 

 

 

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