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Analyse 2023-03

La crise est bien réelle pour les familles belges : la hausse du chômage, les coupes budgétaires de l'Etat ou le manque d'investissements productifs ont un impact direct sur la vie des gens. Le pouvoir d'achat des ménages chute depuis 2021 déjà1.

La précarité, une réalité vécue par tant de familles

Un salarié sur quatre travaillant à temps complet touche aujourd'hui environ 1 500€ nets par mois2 . De ce fait, près d’un tiers des foyers vivent sous le seuil de pauvreté3 .

Le chômage de masse, l'effondrement du pouvoir d'achat, l'érosion des services publics expliquent le déclin de la confiance en l'avenir de la plupart des citoyens et citoyennes du pays. Dans leur ensemble, 61% des Belges jugent que leur pouvoir d’achat va encore diminuer l’an prochain4 . Face à ces faits, il est compliqué pour les familles de rester optimistes voire...soudées.

Crise économique : les impacts sur la vie des familles

La crise financière mondiale fait des ravages au niveau économique. Elle touche donc forcément la vie familiale à différents niveaux.

Cela peut aller jusqu’à inciter l’un des parents, voire les deux, à chercher un second emploi. Une situation qui a un impact sur la santé du parent concerné, la prise en charge et l’éducation des enfants aussi bien d’un point de vue logistique que affectif.

Il arrive également que des couples qui ont pris la décision de se séparer se voient obligés de rester ensemble pour des raisons financières. Cela touche pas moins de 21% des couples en instance de séparation ou divorce5 . Ou, pire, qu’une personne se trouvant en situation de violence conjugale (cela touche quand même une femme sur sept6) ne peut quitter le conjoint maltraitant, du fait du coût de la vie lorsqu’on vit seul.e.

Au niveau des enfants, vivre dans une famille où les moyens financiers manquent impacte leur santé et leur scolarité. En Belgique, d’après l’Unicef, il y aurait 1 enfant sur 5 qui vit dans la pauvreté7. Avec la crise, ce chiffre risque d’augmenter. De nombreuses organisations apportent une aide, soutenues par des dons lors d’actions telles que Viva for Life organisées par les médias belges, mais tous les besoins ne sont pas couverts.

Les familles monoparentales : principales touchées

Cette situation de précarité est particulièrement présente dans les familles monoparentales. Ces dernières représentent un tiers des familles dont la majorité est gérée par une femme (plus de 80% des familles monoparentales8). Ce n'est pas nouveau, mais cela devient intenable.

Une des causes de la précarité provient des difficultés des mères de familles monoparentales de pouvoir exercer un travail à temps plein. Mais également du défaut fréquent de paiement des contributions alimentaires : selon le baromètre des parents de la Ligue des Familles, quatre parents sur dix ne perçoivent pas de manière régulière la contribution alimentaire à laquelle ils ont droit9.

Un organisme comme le Secal10 (Service des créances alimentaires) existe bel et bien mais peu d’information et de communication au sujet de son existence circule. D’autant plus que les règles ont changé : jadis il fallait être sous un certain niveau de revenus pour pouvoir y faire appel or, actuellement, le service est ouvert à tous et toutes.

L’aide ? Parfois peu connue

A court terme, les familles n’ont pas le temps d’attendre que les pouvoirs publics débloquent des fonds, proposent des primes… ou que l'indexation des salaires suive la hausse du coût de la vie. Pour 73 % des Belges, l’indexation automatique n’est pas suffisante pour compenser la hausse actuelle des prix11. De plus, l’ indexation, jugée insuffisante, arrive avec trop d’effet retard.

Parmi les solutions quand on se retrouve au bord des difficultés financières, les familles peuvent se tourner vers les services sociaux officiels tels que les CPAS. De nombreuses personnes ou familles sont dans les conditions d’obtention d’une aide à long terme ou temporaire mais, soit ne le savent pas soit n’osent pas y faire appel.

Il faut dire que peu de communication dans les médias parlent concrètement de toute l’aide que peut apporter un.e assistant.e social.e dans un tel centre. Non seulement, les travailleurs et travailleuses sociaux peuvent aider à accéder à un revenu d’intégration ou à un coup de pouce financier, mais également aider dans des démarches de récupération ou d’ouverture de droits auprès du chômage, de la mutuelle ou du Secal (quand un parent ne paie pas les contributions alimentaires).

On peut aussi y trouver de l’aide dans la gestion d’un budget, la médiation de dettes, un coup de main pour faire valoir ses droits et, en particulier, suite à des soucis de violence conjugale ou familiale.

A côté des CPAS, de nombreuses associations apportent également de l’aide aux parents et aux familles démunies : la Croix Rouge, les Restos du Coeur, les Maisons maternelles...On les retrouve sur le site de la Sécurité sociale12.

Des solutions individuelles ou collectives pour dépenser moins

A côté de l’aide publique, il va aussi parfois falloir se tourner vers des solutions individuelles ou collectives du domaine de la débrouille et de la solidarité.

Ainsi les familles peuvent réduire leurs dépenses en effectuant des achats dans les donneries ou le vaste marché de la seconde main (Petits Riens, Oxfam, Terre et les nombreux groupes sur les réseaux sociaux et les sites sur Internet) mais également vers des services de solidarité entre citoyens comme les Services d'Échanges Locaux13.

Dépenser moins est également possible en intégrant un groupe d’achats en commun (un GAC)14 . Il s’agit d’un regroupement entre plusieurs personnes ou familles pour acheter en gros des légumes, de la viande, etc...directement auprès des producteurs. De tels groupes existent aussi pour acheter d’autres biens comme du matériel pour rénover sa maison (panneaux photovoltaïques notamment)15 ou de l’énergie16.

Face à la crise, on pense aussi à des solutions émanant de la solidarité familiale, comme le fait d’héberger un frère ou un parent dans le besoin. Une solution parfois envisagée...mais pas toujours envisageable. Et en tout cas, souvent compliquée17 à long terme, notamment pour ce qui est de l’obtention de droits sociaux.

Une solution : accroître les revenus des familles

On ne peut pas passer sous silence le fait que toutes les femmes devraient pouvoir avoir accès à une carrière à temps plein, si elles le souhaitent. Cela peut avoir un impact positif sur les rentrées financières des familles. Aujourd’hui, 42% des femmes18 exercent un temps partiel cela veut dire que leur famille vit avec moins de moyens. Pour les femmes en couple, passer à un travail à temps plein signifie exiger une répartition égalitaire des tâches domestiques. Et pour les mères de famille, en couple ou seule, l’obstacle reste dans la rareté des lieux de garde d’enfants (préscolaires ou parascolaires) adaptés aux horaires du monde du travail.

Pour les familles monoparentales, résoudre le problème du non-paiement d’une contribution alimentaire pourrait se faire facilement. Il suffit de créer un système centralisé, à l’instar des caisses d’allocations familiales, qui jouerait intermédiaire entre débiteur et bénéficiaire de la contribution alimentaire. Face à un organisme externe, toute tentative d’intimidation ou décision unilatérale de ne plus payer serait plus compliquée.

Il est également dommage que les allocations familiales et les contributions alimentaires soient stoppées aux 25 ans des enfants. En effet, de nombreuses familles (couples ou mono) ont encore un jeune adulte à charge au-delà des 25 ans, encore aux études notamment. La fin du paiement de ces allocations familiales, une fois les 25 ans atteints par leur fils ou fille, représente une perte sèche pour le ou les parent(s).

Une lueur d'espoir ?

La situation de crise que nous traversons depuis des années devrait s'améliorer quelque peu à partir de 202419 , avec un retour à la croissance, une meilleure conjoncture internationale et une légère hausse du pouvoir d'achat.

En attendant, il serait judicieux que les personnes touchées par la précarité soient mieux informées sur leurs droits. Dans une certaine mesure, on peut comprendre que les pouvoirs publics ne peuvent pas aider tout le monde, mais ils ont quand même une certaine responsabilité dans l’information régulière du public sur les solutions existantes, qu’elles soient publiques ou...citoyennes20.

 


 

1 « Baromètre Test Achats : le pouvoir d’achat a baissé en 2021 », dans test-achats.be , 15/03/2022.  

2 « Voici le salaire moyen des Belges », dans Lesoir.be , 27 octobre 2022.

3 « Risques de pauvreté en 2021 », in Statbel , 19/09/2022.

4 « Grand Baromètre: pour les Belges, l’indexation ne suffit pas », in Lesoir.be , 05/12/2022.

5 Wilfried Rault, Arnaud Régnier-Loilier, « Continuer à vivre sous le même toit après la séparation », in Population & Sociétés 2020/10 (N° 582), pages 1 à 4 

6 « Chiffres sur la violence conjugale », in Amnesty international 

7 « Campagne contre la pauvreté infantile », in Unicef 

8 « Monoparentalité: femmes et enfants en danger » in La Ligue de lEnseignement et de lEducation permanente asbl   

9 « Face aux pensions alimentaires non payées » in En marche , 05/01/2023.

10 « Qu'est-ce que le SECAL? » in droits quotidiens , 16/08/2022.  

11 « Grand Baromètre: pour les Belges, l’indexation ne suffit pas », in Lesoir.be , 05/12/2022.

12 « Sécurité sociale / Citoyen », in social security 

13 « Système d’échanges local » in asblrcr   

14 « GAA / GASAP »  in asblrcr   

15 « Achats groupés en Wallonie » in ensemble moins cher   

16 « Un achat groupé d'énergie est-il intéressant? » in L’Echo , 10/05/2022. 

17 « Puis-je héberger qui je veux, comme je veux ? » in droits quotidiens  

18 « Un quart des salariés travaille à temps partiel », in Statbel , 31/03/2022.  

19 « Le pouvoir d'achat des ménages devrait repartir à la hausse en 2023 », in rtbf en ligne , 18/07/2022.

20 Analyse rédigée par Christine Hélin.

 

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