Analyse 2007-30

Le Centre PMS est l’un des points de rencontre entre les parents et l’école. Cette analyse décrit les différences entre l’univers familial et l’univers scolaire, afin de montrer comment le Centre PMS peut jouer son rôle entre l’enfant, la famille et l’école et dans quelles circonstances les parents peuvent y avoir recours.
Qu’est-ce qui différencie la famille et l’école ?


L’école et la famille sont des lieux éducatifs fondamentaux pour l’enfant, pour lui permettre de construire son identité, pour grandir, acquérir des savoirs et des compétences. Le passage de la famille vers de l’école et de l’école vers la famille est une aventure pour chaque enfant. Pourquoi ? Parce que l’on part d’une famille que l’on pourrait représenter comme quelque chose de rond, parce que c’est une communauté, et que l’on va vers quelque chose de carré, l’école, qui est une institution. Quelles sont les différences fondamentales entre ces deux milieux ?


La famille fonctionne à l’affectif [1] . Cet affectif est basé sur un attachement unique et immuable entre deux êtres humains, qu’il s’agisse de liens conjugaux ou filiaux. Même si la personne disparaît, même si les personnes sont séparées physiquement, cet attachement existe pour l’éternité. Dans la famille on est soit dans l’antipathie, soit dans la sympathie. L’affectif a aussi une grande place à l’école, mais il n’est pas mis au premier plan. L’école fonctionne d’abord sur le mode du cognitif, de ce qui se passe dans la tête : la capacité de se comprendre soi-même, de comprendre les choses, de comprendre le monde. A l’école, il s’agit beaucoup moins de s’aimer que de se comprendre. Les instituteurs ne fonctionnent pas tellement sur le mode de la sympathie, mais plutôt de l’empathie : ils doivent avoir la capacité de comprendre ce que fait l’enfant, ce qu’il ressent, ce qu’il pense. C’est un processus cognitif de compréhension. Une grande part du métier des enseignants est de comprendre ce qui se passe lorsqu’ils tentent de transférer un savoir vers l’enfant.


Autre différence : le personnel et le professionnel. La famille se situe au niveau du personnel, de l’individu. L’individu occupe la place centrale. Tous les membres de la famille sont irremplaçables, en raison de ce qu’ils sont. A l’école, on a à faire à des professionnels. C’est moins ce qu’ils sont que ce qu’ils font qui est important. Si on supprime la fonction d’enseignant, on supprime l’école. Par contre, les personnes peuvent être remplacées. Par exemple, les enfants montent d’année, quittent l’école, d’autres prennent leur place et l’école continue. La famille est dans l’individuel et le personnel, alors que l’école est dans le professionnel et dans le collectif.
Dans les familles on est dans la gratuité. Dans la famille, la relation s’établit de manière inconditionnelle. L’amour n’est pas soumis à conditions. C’est tout à fait différent à l’école : la relation est basée sur l’évaluation. Il est indispensable que l’école évalue le travail des élèves comme des enseignants. L’école est aussi chargée de la certification : en donnant un diplôme, elle certifie que tel enfant possède telles connaissances et compétences. L’école est chargée par la société de sélectionner des personnes pour les former dans les domaines qui leur conviennent le mieux.


Du coté de la famille on est dans le particulier, dans le spécifique. Chaque famille se construit avec des assemblages tellement différents qu’il est impossible de trouver deux familles les mêmes. Chaque famille crée une culture particulière. Bien sur, la sociologie permet de décrire des grands types de familles, mais dans la réalité, chaque famille est toujours particulière, elle est unique. L’école, elle, doit agir sur des enfants qui proviennent de milieux et de cultures différentes. Dans notre système belge, toutes les écoles ont les mêmes objectifs, elles sont régies par une seule loi, un seul décret (1997) qui définit les missions de l’école de manière claire. Quels sont ces objectifs ? Produire des enfants qui soient des personnes épanouies, des travailleurs capables de construire leur savoir et de trouver leur place dans la société et des citoyens qui soient responsables et actifs dans une société qui solidaire et démocratique. L’école doit viser l’égalité entre tous les enfants. L’école vise donc l’universel. Les écoles sont des institutions qui sont chargées par la société de remplir des missions, de produire le même type d’enfant, même si chaque école définit au niveau local un projet d’établissement, une manière particulière d’atteindre les objectifs généraux.


Comment se nouent les contacts entre familles et PMS ?


Entre cet univers plutôt rond de la famille et l’univers carré de l’école, le PMS doit se situer. Entre des parents qui ont accouché d’un enfant et des enseignants qui ont inscrit un élève, c’est la même personne ! Voici 3 histoires de PMS pour illustrer le positionnement du PMS entre l’école et les familles.


Vendredi 30 juin, 15h45. Une famille sonne à la porte du centre PMS. Ce sont deux parents et deux ados de 15 et 17 ans énervés, tristes, déboussolés. Ils ont échoué. On leur a dit à l’école : « Il s’agit sans doute d’une mauvaise orientation, allez voir le PMS ! ». On a écouté leur désarroi, on les a apaisé, on a essayé de comprendre, on a relu les notes que l’on avait prises au conseil de classe et on a fixé un rendez-vous au lundi suivant à 9h pour chercher avec eux des solutions.


Le téléphone sonne. Coup de fil de l’ambassadeur de Belgique à Berlin qui a devant lui une maman américaine anglophone. Les parents diplomates vont être réaffectés en Belgique. Ils ont un enfant autiste, anglophone, scolarisé selon la méthode TEACCH ( Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped CHildren - Traitement et Education d’Enfants Handicapés avec Autisme ou Désordres de la Communication) est un programme universitaire d’État développé dans les années 1970 en Caroline du Nord. Ce programme s’adresse aux personnes se développant avec autisme de la naissance à la mort ) en allemand et ses parents voudraient trouver une école germanophone qui pratique la même méthode. Ils vont habiter Bruxelles. Deux jour plus tard, la maman atterrissait à Zaventem et venait expliquer leur situation, munie d’un gros dossier. Nous avons discuté en anglais avec cette maman des procédures, car l’entrée en enseignement spécialisé n’est pas facile. Il y a du choix, des écoles à visiter. Ils n’imaginaient pas un internat à Eupen. Finalement, ils n’ont pas été réaffectés à Bruxelles...


Troisième sonnerie. C’est la maman d’une petite fille de 3ème maternelle, scolarisée en école privée, moitié en néerlandais et moitié en français. Pour l’entrée en primaire, les parents se demandent ce qui convient le mieux à leur petite fille. Comme ils ont eu leur enfant tard, ils sont un peu perdus face aux changements et demandent des conseils.
Ces exemples montrent que les parents consultent le centre PMS, qu’ils prennent l’initiative de prendre contact, et cela de toutes les manières possibles. Les équipes des centres connaissent bien le terrain de l’école, connaissent bien les enfants et les suivent depuis leur entrée en maternelle jusqu’à la sixième primaire, parfois même dans le secondaire si l’école reste attachée au PMS. Les équipes PMS travaillent aussi en partenariat avec tous les intervenants autour de l’école : le ou la logopède, le SAJ, les thérapeutes du développement, toutes les personnes qui gravitent autour des enfants. La force des centres PMS, c’est d’être sur le terrain de l’école mais en même temps d’avoir une autonomie de travail, la liberté de choix d’une méthodologie dans lesquel l’école n’intervient pas, d’être soumis au secret professionnel et de pouvoir aussi rencontrer les parents en dehors de l’école. Les parents n’ont aucun compte à rendre sur le fait qu’ils consultent le centre PMS. De même, aucune école ne peut leur imposer de venir au centre PMS. Les avis du centre PMS sont légalement tout à fait consultatifs, ce sont les parents qui décident. L’équipe du PMS transmet une position qui est le résultat d’une concertation entre collègues. Les PMS ont un rôle d’orientation, en particulier avec des enfants ou des jeunes qui ont été exclus de l’école, ou qui passent d’une école à l’autre parce qu’ils ne savent pas que faire. Ils agissent pour maintenir les possibilités les plus larges possibles, en proposant de l’information, des activités de guidance, des tests, etc. Tout le monde ne peut pas être champion olympique, mais tout le monde peut pratiquer du sport. Il existe un niveau pour chacun et la pratique peut être diversifiée. La diversité existe dès le départ. Les familles sont singulières. Les centres PMS ne jugent pas, ils soutiennent la singularité des projets des familles pour leurs jeunes et en même temps ils essaient de créer du lien social, d’expliquer aux familles qu’il est bon de ne pas s’enfermer dans son propre projet, qu’il faut pouvoir s’inscrire dans un cadre, même s’il paraît parfois un peu trop carré.


A quoi servent les contacts entre familles et PMS ?


L’école est un lieu carré et le PMS aide parfois à arrondir un peu les angles.


Premier exemple. Une maman arrivait tous les matins en retard à l’école avec ses enfants. Il y a une période d’accueil limitée et il est important pour le bien de l’enfant et pour ses apprentissages qu’il rentrer dans la journée en même temps que tout le monde. Des membres du personnel de l’école, dont une éducatrice, et des membres du PMS se sont réunis. Ils se sont dit qu’il était important de rencontrer les parents pour leur expliquer l’importance d’être le matin à l’école à la rentrée et aussi pour leur donner l’occasion d’expliquer les raisons de ces retards : peut-être le temps n’a-t-il pas d’importance pour eux, peut-être sont-ils confrontés à des difficultés particulières... L’idée de cette rencontre était de permettre une rencontre et un contact entre les deux, de donner des clés de lecture aux uns et aux autres. Malheureusement, cela n’a pas fonctionné. A la première réunion, il n’y avait personne. Simplement parce que l’on n’avait pas utilisé les bons canaux pour transmettre l’invitation. Il faut souvent repérer les voisines et les voisins qui viennent ensemble à l’école et faire transiter l’invitation par le bouche à oreille. Pour certains parents qui ne vivent pas dans la culture de l’écrit, recevoir un petit mot ne veut pas dire grand chose.


Autre exemple : les cafés des mamans. C’est un moment d’accueil le matin, où les mamans peuvent déposer leur sac, s’arrêter un peu et poser éventuellement des questions. C’est l’occasion de parler parfois de l’alimentation, de l’importance du sommeil, et surtout de permettre aux uns et aux autres de dire : « Chez moi, c’est comme cela que cela se passe ». C’est tout un travail d’éducation. Le centre PMS est une plaque tournante, un interface entre l’école, l’enfant ou l’ado et ses parents. Cet interface peut donc fonctionner dans tous les sens. De l’école vers les parents, mais aussi des parents vers l’école. Il arrive que des parents demandent l’aide du PMS pour expliquer à l’enseignant dans quelle situation ou quelles difficultés particulières se trouve une famille. Le PMS a différentes missions d’information, d’orientation, de guidance. Les deux moment clés auxquels les parents sont confrontés par rapport aux choix de leurs enfants, c’est la fin du premier degré de l’enseignement secondaire (fin de deuxième année), quand il faut choisir une option pour la suite ; et la fin de la sixième année du secondaire, moment où le jeune doit se demander vers quel métier il veut s’orienter. A ces moments clés, les parents ne doivent pas hésiter à interpeller les membres du PMS, qui connaissent les décrets, les filières, les pistes possibles et peuvent réfléchir en prenant de la distance, en aidant chacun à aller à son rythme, avec ses difficultés propres, et à trouver l’orientation qui lui convient le mieux. En outre, la consultation du centre PMS est gratuite et garantie par le secret professionnel.


En conclusion


Le PMS occupe une place particulière. Il se trouve entre le rond de la famille et le carré de l’école. Et on pourrait dire que les professionnels qui y travaillent sont bilingues : ils parlent et comprennent à la fois le langage rond de la famille et le langage carré de l’école et ils peuvent traduire de l’un à l’autre. Cela est essentiel car de nombreuses études montrent qu’il existe beaucoup de malentendus entre les familles et l’école, en particulier lorsque les parents ont été eux-mêmes heurtés, blessés par le langage de l’école et en gardent une image négative. L’école est considérée comme un monde ennemi par ceux qui ont connu l’échec scolaire. C’est donc important qu’ils y aient des traducteurs.


Mais des initiatives comme les cafés des mamans doivent aussi permettre de tirer les « ronds » familiaux vers les « carrés » de l’école, plutôt que d’arrondir les angles de l’école. Il ne faut pas exiger de l’école qu’elle s’arrondisse, qu’elle travaille à l’affectif. Elle doit continuer à viser l’universel. Il faut aussi éviter que la famille ne devienne carrée. Cela signifierait que l’école n’arrive pas à faire complètement son travail et qu’elle reporte sur la famille les manquements de son travail. Les familles ne sont pas les enseignants. Sinon, cela ne fait que renforcer les inégalités [2] .

 

 



[1] voir à ce propos l’analyse L’entrée à l’école maternelle : un passage délicat mais essentiel
[2] cette analyse a été rédigée par José Gérard, suite à l’animation qui a eu lieu dans le cadre des Midis de la Parentalité organisés par l’échevinat de la famille de la ville de Bruxelles. Les intervenants étaient Danièle Mouraux, Benoît Fiévet et Myriam Gabrielle, tous deux directeurs d’un centre PMS.

 

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