Analyse 2016-03

 

Les grandes vacances touchent à leur fin pour les écoliers. Pour de nombreuses familles, cette période a été l’occasion de s’évader quelques jours. Les vacances sont une occasion de se couper du train-train quotidien. Mais s’en coupe-t-on vraiment ?

Les modes de vacances sont multiples et variés : à la mer, à la campagne, à la montagne, en ville, en camping, en gîte, à l’hôtel. Départ à pied, en voiture, en train, en avion. En famille restreinte ou élargie, entre amis, en solitaire. Le temps des vacances est surtout une occasion de se libérer des contraintes ordinaires que sont le travail, l’école et les charges domestiques habituelles. Les vacances sont une brèche dans le quotidien qui ouvre à un autre rythme, à d’autres horizons. Cependant, si pour beaucoup de personnes, c’est effectivement l’effet recherché, beaucoup ne parviennent pas à profiter du temps et de l’éloignement des vacances pour réellement prendre distance.

Les congés payés : un droit qu’il faut préserver

Pour les adultes, les vacances pourraient être une bonne occasion de s’éloigner un temps du travail. Cependant, ce n’est pas chose aisée. On est souvent tenté d’emporter un dossier, de continuer à lire son courrier électronique, de rester joignable par téléphone. Les nouvelles technologies de la communication permettent désormais de rester connecté à distance sans difficulté. Ordinateur portable, téléphone portable et connexion internet sont des outils dont on a un usage à la fois privé et aussi professionnel. Par facilité, pour ne pas multiplier les accès et les appareils, certains ne font pas de distinction entre le privé et le professionnel. Ainsi, l’adresse e-mail professionnelle sert aussi pour les échanges de courrier personnels. Ou le téléphone portable associé à son numéro d’appel sert également sur les deux plans. Idem pour l’ordinateur. Lorsque les outils technologiques font partie des avantages extralégaux offerts par l’employeur et qu’il est permis d’en faire aussi un usage privé, la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle n’est pas évidente à trouver. Lorsqu’on est indépendant et responsable de sa propre affaire, difficile de ne pas s’en inquiéter même le temps des vacances.

Pour certains, la charge de travail est telle qu’il en devient presque pénible d’envisager de plus longues périodes de congé. Anticiper la période d’absence occasionne une surcharge de travail antérieure aux congés. De même, le retour au boulot peut être très rude tant le rattrapage est difficile. On préfère alors rester actif à distance afin de maîtriser davantage ou on pousse jusqu’à abandonner tout ou partie de ses congés. 

Pourtant, faire une pause est nécessaire et bénéfique à la santé et au bien-être des travailleurs. Les rythmes et charges de travail sont intenses. Dans de nombreux secteurs, le stress généré par la pression au travail met le corps et l’esprit à l’épreuve. Dans le courant de l’année, une fois rentrés à la maison, les tracas nous poursuivent parfois. Il peut être difficile de relâcher la pression en peu de temps. Les périodes de vacances, un peu plus longues, peuvent jouer ce rôle pour autant qu’on parvienne à déconnecter.

Comme justification à cette situation, beaucoup avancent que le monde du travail a évolué. Que désormais, il est nécessaire d’être réactif, flexible et disponible. Cette idée s’impose de manière grandissante dans différents secteurs professionnels. N’être pas connecté et joignable à tout moment passe pour un manque de sérieux, un manque de professionnalisme. 

Travailler occupe une grande part du temps des individus. C’est gratifiant, porteur de sens et utile… du moins si l’équilibre entre la vie professionnelle et privée est atteint. On peut se réjouir que de nombreuses personnes soient heureuses de travailler et s’attèlent à la tâche avec plaisir. Les vacances peuvent devenir alors un temps pour vivre des moments particuliers en famille, pour prendre le temps de vivre les relations familiales selon un rythme différent.

Dans le passé, les luttes sociales et collectives ont contribué à obtenir des avancées significatives en matière de congés payés, de durée de travail, de temps de repos, etc. Aujourd’hui, certaines situations alertent et font penser que ces droits sont menacés. La pression est ressentie de manière individuelle par les salariés qui ont intégré les nouvelles exigences du marché du travail et qui se sentent coupables de ne pas pouvoir y répondre. Le nombre de burn-out se multiplie.

Du côté des salariés, on pourrait considérer que parvenir à profiter des congés sans maintenir de lien avec son emploi est une forme de résistance au mouvement ambiant, une manière de défendre les droits acquis. Du côté des employeurs, il est impératif d’organiser le travail et de trouver des solutions afin de garantir ses droits à chacun : anticiper les moments de vacances en termes de charge de travail, répartir les tâches, planifier les absences, accepter de laisser partir et ne pas solliciter les travailleurs pendant leurs congés, etc.

Pour les enfants : vacances studieuses ou vacances oisives ?

Et les plus jeunes ? Parviennent-ils à décrocher de l’école durant les vacances ? Leur en laisse-t-on l’occasion ? Avant l’été, les rayons des libraires se parent de cahiers de vacances et cela a du succès. Les parents craignent parfois que le « niveau » baisse le temps des vacances. Les cahiers de vacances seraient une méthode pour maintenir voir renforcer les apprentissages de l’année et ne pas perdre l’habitude de travailler. Parfois, quelques faiblesses ont été mises en avant lors des bulletins. Les cahiers de vacances seraient alors une opportunité de faire du rattrapage et de se remettre à niveau pour la rentrée. Plus rarement, certains parents anticipent le programme de l’année qui suit et entament durant les vacances de véritables apprentissages scolaires.

Il est toujours délicat pour un parent de prendre la place de l’enseignant (même quand le parent est enseignant lui-même). Les parents ne sont pas toujours compétents au niveau de la méthode ou de la matière. Et même s’ils le sont, entrer dans une relation d’apprentissage avec son enfant est une posture particulière qui peut générer des tensions. D’ailleurs, de nombreux parents témoignent souvent des crises qui émanent des devoirs et du travail à domicile dans le courant de l’année scolaire. Or, il est inutile de créer ce type de tension pendant les vacances. Ce serait contre-productif. Travailler ou étudier sous la contrainte ne contribue pas à éveiller l’intérêt de l’enfant, sa curiosité ou son désir d’apprendre.

La mission d’éducation de la famille est différente de celle de l’école. La famille est une source de découvertes et d’expériences tout aussi enrichissante que l’école et où dans les activités de la vie quotidienne, sans trop sans rendre compte, on applique forcément les notions apprises à l’école. Les deux milieux sont forcément liés car les apprentissages scolaires sont utiles dans la vie de tous les jours, en famille, dans la société. Les vacances sont une opportunité de se servir de ce que l’on a appris à l’école ailleurs que dans des cahiers.

Ne dit-on pas que « les voyages forment la jeunesse » ? Voyager, même proche de chez soi, permet de découvrir d’autres lieux, d’autres paysages et curiosités naturelles, d’autres villes et villages avec une autre histoire, une autre architecture, d’autres cultures et traditions, d’autres manières de cuisiner et de manger, etc. Peut-être même que les enfants pourront voir en vrai et fouler de leurs pieds des endroits dont ils ont appris des choses à l’école ? Peut-être ce sera l’occasion de situer sur une carte les endroits visités ?

A la maison, vivre le quotidien à un rythme moins effréné ouvre de nouvelles possibilités. Simplement à travers le jeu, on sait combien l’enfant apprend et tente des expériences par lui-même. Cela peut-être aussi l’occasion de confier quelques tâches ou responsabilités aux enfants selon leur âge : réaliser seul un gâteau, depuis la lecture de la recette jusqu’à la mesure des ingrédients et la mise en œuvre des étapes ; construire un objet avec de vrais outils pourquoi pas ? ; entretenir une parcelle du potager ou d’un parterre de fleurs ; se rendre en vélo chez un ami et établir l’itinéraire sur la carte ; aller seul jusqu’à la boulangerie chercher le pain ; etc. Les vacances peuvent être aussi l’occasion de donner plus de liberté et d’autonomie aux enfants. Et puis, c’est aussi un temps pour flâner, pour lire des lectures non obligatoires, choisies selon ses propres goûts.

Pour de nombreuses familles, les vacances sont aussi le moment des stages. Tout en s’amusant, sans spécifiquement que des apprentissages précis soient visés, les enfants y ont l’opportunité de découvrir un nouvel environnement, de nouvelles personnes, de nouvelles activités sportives ou culturelles [1].

Pour vivre de cette manière les vacances, qu’il s’agisse des petits ou des grands enfants, il sera difficile de faire l’économie de la question des nouvelles technologies et écrans divers qui captent toujours plus nos jeunes. Si la déconnexion est utile aux adultes, elle est aussi bénéfique pour les enfants. L’exercice risque peut-être de susciter des disputes dans les familles, mais au bout d’un moment, il sera profitable aux relations entre les uns et les autres. Si l’on n’ose pas supprimer totalement leur utilisation, pour une période définie, pourquoi ne pas réfléchir à quelques règles simples pour réduire l’usage des tablettes, télévisions, ordinateurs, smartphones et autres consoles de jeux le temps des vacances ?

Enfin, pour les plus grands des enfants, déjà en secondaire, l’été rime parfois avec travaux de vacances ou seconde session. La pression sur leurs épaules peut être lourde. Au stress du jeune s’ajoute celui des parents et l’ambiance des vacances s’en trouve ternie. Depuis plusieurs années, le milieu enseignant s’interroge sur la pertinence des secondes sessions en secondaire. Lorsqu’il s’agit d’une petite erreur de parcours de l’élève (notamment en raison de situations particulières vécues durant l’année, comme un décès, un divorce, un chagrin d’amour, une maladie…), la seconde session est généralement légère et la réussite est souvent à la clé. Cependant, pour les élèves dont la moyenne est très faible, dont la seconde session est lourde et qui doivent repasser cinq ou six examens, le cap est autrement plus compliqué à franchir. Si les compétences et les connaissances n’ont pas pu être acquises dans l’année, pourquoi le seraient-elles avec un sursis de deux mois ? En cas de sursaut « miraculeux », celui-ci est généralement de courte durée et ne fait que repousser le moment de l’échec à l’année qui suit. Entretemps, le jeune poursuit son parcours scolaire peu brillant et continue de creuser ses faiblesses et lacunes. Le risque encouru pour l’élève est de perdre le goût d’apprendre et l’estime de lui-même.

Ce débat sur le maintien ou non de secondes sessions dans l’enseignement secondaire mériterait d’être poursuivi et creusé afin de clarifier la situation des jeunes, de repérer au plus tôt leurs difficultés afin d’y remédier sans délai et efficacement [2].

 

 

 

 

 


 

[1]  Voir à ce sujet Accueil extrascolaire, dossier n° 116, Nouvelles Feuilles Familiales.

[2]  Analyse rédigée par Laurianne Rigo.

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