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Analyse 2017-06

Un nouveau type de produit devrait apparaître sur le marché cette année : les robots, d’apparence humaine, destinés au sexe. C’est Abyss Creations, une société californienne, qui poursuit cet objectif plutôt controversé. [1]

D’autres sources affirment qu’il faudra encore attendre plusieurs années pour que ces « jouets sexuels » voient le jour [2] ; mais quoiqu’il en soit, que ce soit demain ou dans dix ans, la technologie finira par s’immiscer – allant jusqu’à parfois peut-être même s’imposer – dans le domaine sexuel, indéniablement ; mais aussi dans celui de l’intimité.

Le robot : un objet sexuel comme un autre ?

Quand il s’agit de sexualité, l’être humain peut se montrer très inventif. Il a ainsi déjà élaboré une pléiade d’accessoires destinés à satisfaire ses envies. D’ailleurs, l’acquisition d’objets à caractère érotique est même devenue monnaie courante dans notre société, où par exemple, à l’approche de la période de Pâques, ce ne sont pas des œufs en chocolat qui parsèment certains champs, mais des articles coquins qui attendent patiemment d’être déterrés par des milliers de femmes débordant d’énergie. Vu cet entrain pour la chasse aux sextoys, on peut dire que les « jouets pour adulte » se sont fait une place dans nos mœurs.

Les robots ne seraient-ils pas qu’une version plus sophistiquée de ces objets ? Si tel était le cas, leur arrivée sur le marché ne susciterait que peu de bruit. Les robots sexuels, à l’inverse des accessoires que nous connaissions jusqu’à maintenant, sont des objets à qui l’on conférerait pourtant davantage volontiers un statut de sujet ; autrement dit : d’humain.

La confusion peut être compréhensible étant donné que ces robots sexuels seront capables de se mouvoir tel que nous le faisons, que leur surface sera constituée d’une matière imitant la peau à la perfection [3] (capable de variation de température), que leur cage thoracique sera pensée de telle sorte qu’elle puisse imiter les mouvements induits par la respiration [4] ; et surtout, qu’ils seront peut-être même capables de copier des émotions humaines grâce à leur intelligence artificielle. [5]

C’est cette ambigüité qui pose problème et qui risque de mener à de véritables dérives, notamment au niveau de la représentation du couple et de la famille.

Focus sur le couple et la famille

S’il est possible de « configurer » une machine pour qu’elle corresponde à nos attentes (à tous niveaux), et qu’en plus cette machine ressemble à s’y méprendre à un être humain, pourquoi ne serait-ce pas possible d’en tomber amoureux ?

À partir du moment où une personne, faite de chair et d’os, tombe sous le charme d’un robot – qui à ses yeux détient le statut d’une véritable personne – on peut s’attendre à ce qu’elle aspire à bâtir son avenir à ses côtés.

Le mariage d’un être humain avec un robot est une hypothèse envisagée par M. Levy, auteur de « Love and Sex with robots ». Selon lui, les hommes pourraient commencer à penser à cette possibilité d’ici plusieurs dizaines d’années. [6] Il paraît totalement inconcevable pour Couples et Familles que l’institution du mariage – qui vise en principe à unir deux êtres amoureux jusqu’à ce que la mort les sépare – puisse en venir à célébrer, en toute normalité, l’union d’une personne vivante et d’un… objet.

Il ne faut pas aller jusqu’au mariage pour se rendre compte des dérives possibles que peut engendrer cette élévation des robots au rang d’humain ; surtout pour ce qui est de notre rapport au couple et à la famille.

Satisfaits de ces machines qui les comblent sur tous les plans, les humains qui les ont adoptées prendront-ils encore la peine d’aspirer à trouver des conquêtes (voir plus si affinités) parmi leurs pairs ? Et si tel est le cas, parviendront-ils à reléguer au placard le parfait petit robot ? S’habitueront-ils à ce que leur nouveau partenaire, bien vivant, ne soit pas disposé à satisfaire le moindre de leurs désirs vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? N’auront-ils pas oublié la réciprocité qu’implique une relation, de même que la confrontation à l’irréductible différence de l’autre ? À l’instar de la pornographie, l’utilisation des robots sexuels risque d’offrir sur un plateau d’argent une vision erronée de la sexualité qui ne peut qu’être nuisible si transposée à une relation bien réelle.

Le problème pourrait même revêtir une intensité beaucoup plus marquée auprès des générations futures qui, elles, se familiariseront peut-être d’abord avec les rapports sexuels robotisés avant les véritables relations sexuelles. Ce serait donc ces « rapports artificiels » qui serviraient de modèles à ces jeunes… Si notre société désire réellement aller dans cette direction, il est indispensable que des programmes d’éducation sexuelle de qualité soient mis en place dans les écoles. D’ailleurs, même actuellement ce type d’enseignement ne serait pas du luxe. Pourquoi ne prendrions-nous pas exemple sur le Royaume-Uni où l’éducation à la sexualité et aux relations amoureuses commencera dès le primaire ? Au programme :  reconnaître les relations abusives, la question du consentement, le harcèlement sexuel, etc. ; et plus globalement les bases d’un couple épanoui. [7]

Bref, revenons-en aux robots : ne risquent-ils pas de porter atteinte aux liens qui nous unissent les uns les autres, nous, humains ? Sans s’attarder sur le fait que si les robots sexuels supplantent les vrais partenaires, qui eux sont équipés pour donner la vie, un impact sur le nombre de naissances pourrait se faire ressentir…

Les robots sexuels : l’avenir de la prostitution ?

Comme ces robots sont conçus pour pratiquer des activités sexuelles, pourquoi ne pourraient-ils pas être utilisés dans le cadre de la prostitution ?

Ian Yeoman, spécialiste de l’industrie touristique, et Michelle Mars, sexologue, développent cette idée dans un papier intitulé Robots, men and sex tourism [8] publié dans la revue Futures du mois de mai 2012. Celui-ci fait par ailleurs aussi l’objet d’un article sur le site Les inrocks. [9] 

Selon ces deux chercheurs, l’entrée des robots dans le champ de la prostitution va de pair avec toute une série d’avantages. D’abord, cela permettrait de diminuer considérablement le trafic des êtres humains. Ensuite, les maladies sexuellement transmissibles ne devraient plus préoccuper les clients de la prostitution. En effet, résistant aux bactéries, le robot devrait simplement être correctement nettoyé après chaque utilisation pour qu’aucune transmission ne soit possible. [10] Enfin, les chercheurs pensent aussi que le recours aux robots permettra la suppression du sentiment de culpabilité [11] chez les « usagers ». Ils expliquent que comme les « clients » n’ont pas eu de relations sexuelles avec une personne réelle, ils n’ont pas à mentir à leur partenaire. [12]

Néanmoins, il paraît peu probable que les utilisateurs de ces robots confient à leur épouse qu’ils se livrent à ce genre d’activité. Il semblerait plus réaliste de penser que – comme dans le cas de la prostitution « classique » – les hommes espèrent que leur épouse n’aura jamais vent de leur « passe- temps ».

La question de l’infidélité peut certainement se poser avec ce genre de pratique. Effectivement, même si certains considèrent qu’un rapport sexuel avec un robot n’équivaut pas à tromper son/sa partenaire, le fait est que ces personnes – quoi qu’on en dise – « vont voir ailleurs » …

Dès lors, on ne peut pas vraiment parler d’un effacement du sentiment de culpabilité.

Ajoutons aussi que ces robots seraient en concurrence avec les prostituées qui, elles, comptent sur cette activité pour subvenir aux besoins de leurs familles.

En cas de failles ?

Dans les œuvres de science-fiction, il n’est pas rare que l’homme perde le contrôle des robots qu’il a pourtant lui-même élaborés… Il semblerait qu’aucun système ne soit infaillible. Si ces robots, aux proportions humaines, en venaient à subir un « bug » ou à « être déréglés », cela ne risquerait-il pas de porter préjudice à l’intégrité physique de son « utilisateur » qui, en plus, sera probablement en tenue d’Adam face à la machine (ou encore plus dangereux : « dans » celle-ci) hors de contrôle…

Un futur qui laisse perplexe

Pourquoi l’être humain s’obstine-t-il à concevoir des robots qui lui ressemblent de plus en plus ? Pourquoi vouloir cohabiter avec des machines – qui nous ressemblent trait pour trait – alors que nous ne sommes pas capables de cohabiter pacifiquement entre hommes et de nous soutenir mutuellement ?

Mais surtout, pourquoi s’évertuer à vouloir faire passer un acte sexuel unilatéral pour une véritable relation ? Avons-nous oublié comment interagir entre nous, humains ? Est-ce le fruit de notre société ultra-individualiste ?

Certes, nous n’en sommes pas encore là et de telles « relations » avec un robot paraissent sûrement inconcevables pour beaucoup de monde. Néanmoins, des chercheurs en sont quand même venus à travailler sur ce type de projets. La science et les avancées technologiques n’auraient-elles pas d’autres chats à fouetter ?

L’appât du gain n’est probablement pas étranger à un tel investissement de la part de la recherche scientifique dans ce domaine peu orthodoxe. Effectivement l’industrie du sexe pèse lourd : chaque seconde, plus de 28 000 internautes fréquenteraient des sites internet pornographiques dans le monde ; la pornographie rapporterait environ dix milliards de dollars aux Etats-Unis par an ; en France, les films pour adultes représentent un marché qui s’élèverait à pas moins de deux-cent millions d’euros annuels ; et pour terminer, nous pouvons évoquer le chiffre du marché mondial des sextoys, à savoir vingt-deux milliards de dollars. [13] Ce montant vertigineux motive sans nul doute pas mal d’innovations scientifiques. Mais est-ce vraiment pour l’argent que doit œuvrer la science ?

Plutôt que de jouer à Dieu en créant des machines à notre image, ne serait-il pas plus opportun d’œuvrer pour que celles-ci soit employées, non pas pour supplanter l’homme, mais pour favoriser ses interactions avec ses semblables ? [14]

 

 

 

 


 

[1] Le sexe avec les robots, « c’est pour 2017 ». In : http://www.lalibre.be/. Consulté le 13 mars 2017.
[2] Quand la fiction devient réalité : les premiers robots destinés au sexe devraient voir le jour dans une dizaine d’années environ. In : http://www.demotivateur.fr/. Consulté le 13 mars 2017.
[3] Quand la fiction devient réalité : les premiers robots destinés au sexe devraient voir le jour dans une dizaine d’années environ. In : http://www.demotivateur.fr/. Consulté le 13 mars 2017.
[4] Femme robot : le fantasme devient réalité. In : http://www.marieclaire.fr/. Consulté le 13 mars 2017.
[5] Quand la fiction devient réalité : les premiers robots destinés au sexe devraient voir le jour dans une dizaine d’années environ. In : http://www.demotivateur.fr/. Consulté le 13 mars 2017.
[6] Le sexe avec les robots, « c’est pour 2017 ». In : http://www.lalibre.be/. Consulté le 13 mars 2017.
[7] Au Royaume-Uni, l’éducation sexuelle va devenir obligatoire dès 4 ans ! In : http://www.madmoizelle.com/. Consulté le 14 mars 2017.
[8] Robots, men and sex tourism. In : http://www.sciencedirect.com/. Consulté le 14 mars 2017.
[9] Et si des robots remplaçaient les prostituées ? In : http://www.lesinrocks.com/. Consulté le 14 mars 2017.
[10] Et si des robots remplaçaient les prostituées ? In : http://www.lesinrocks.com/. Consulté le 14 mars 2017.
[11] Femme robot : le fantasme devient réalité. In : http://www.marieclaire.fr/. Consulté le 13 mars 2017.
[12] Sex machines : How robotic prostitutes could turn a crime-ridden industry into a respectable 'guilt free' business. In : http://www.dailymail.co.uk/. Consulté le 14 mars 2017.
[13] Les 5 chiffres clés de l’industrie du sexe. In : http://economyandco.com/. Consulté le 17 mars 2017.
[14] Analyse rédigée par Audrey Dessy.

 

 

 

 

 

 

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