Analyse 2020-18

Coming out

Le « coming out of the closet » ou « sortir du placard » se traduit au départ par l’annonce de son orientation sexuelle. Avec les années, le terme s’est étendu et peut aussi faire référence à l’annonce de son identité de genre. Mais d’où provient ce besoin de faire cet « aveu » ? Est-ce encore utile aujourd’hui, dans une société qui s’estime ouverte d’esprit et tolérante ? Est-ce seulement réellement le cas ?

Cette annonce peut concerner les proches, comme la famille et les amis, mais peut aussi se réaliser de manière davantage « publique », sur les réseaux sociaux par exemple. Il n’est d’ailleurs pas rare d’apprendre via la presse people que telle célébrité a fait son coming out récemment, ce que d’aucuns désignent, la plupart du temps, comme un coup médiatique plutôt qu’une déclaration honnête et désintéressée. Difficile de savoir ce qu’il en est réellement.

Les origines

L’expression « coming out » s’est popularisée dans les années 70. Au départ, ce terme se voulait émancipateur. Il a été imaginé par un défenseur des droits des personnes homosexuelles, Karl Heinrich Ulrichs, qui voulait lutter contre le phénomène d’invisibilité dont la communauté homosexuelle souffrait1. Il recommandait donc aux personnes qui se sentaient concernées de se révéler au grand jour, ce qui est bien sûr plus facile à dire qu’à faire, d’autant que nous étions, à l’époque, en 1869… À travers l’Histoire, plusieurs militants ont revendiqué l’importance que l’entourage d’une personne connaisse son orientation sexuelle. Il n’était pas encore question d’identité de genre. De plus en plus d’auteurs se sont confiés à leurs lecteurs, expliquant à quel point se cacher et s’efforcer de convenir aux normes pouvait être douloureux.

Aujourd’hui, la journée internationale du coming out se célèbre le 11 octobre et ce depuis 1988, après que la marche « Pour les droits des gays et des lesbiennes », rassemblant près de 500 000 manifestants à Washington DC, a fait parler d’elle à grande échelle.

L’importance

Pourquoi le coming out est-il si important au sein de la communauté LGBT2 ? Car le partage de cet aspect si intime de soi avec ses proches joue un grand rôle dans l’acceptation de soi. La personne doit se sentir prête, c’est une décision qui vient du plus profond d’elle-même. Le révéler aux autres est une étape importante, tout comme se l’avouer à soi-même… C’est pourquoi ce qu’on appelle « l’outing », c’est-à-dire révéler l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de quelqu’un sans son accord, est violent pour la personne concernée qui peut se sentir exposée, voire fragilisée face à l’éventuelle intolérance de son entourage. La confiance en la personne qui a dévoilé le secret hors consentement est alors mise à mal, mais c’est surtout la confiance en soi qui peut se retrouver ébranlée.

La « sortie du placard » est-elle une étape obligatoire ? Pour les personnes concernées, le coming out est avant tout pour soi, et non pour les autres. Certaines personnes homosexuelles affirment se sentir cloisonnées par cette notion. Par exemple, elles se sentent obligées de l’expliquer à chaque nouvelle personne rencontrée3. Certaines personnes ressentent le besoin de sortir du placard, d’autres non. Les personnes qui ne sont pas sorties du placard auprès de leurs proches se désignent, au sein de la communauté, comme étant « in ». C’est-à-dire qu’elles sont encore « in the closet » ; donc, encore dans le placard. Parfois, il arrive que des personnes aient besoin de prendre leur temps, ou qu’elles n’aient pas eu l’occasion de se réaliser plus tôt : c’est ce qu’on appelle le coming out tardif4. En général, on parle de « tardif » en ce qui concerne les trentenaires et plus, même s’il convient de relativiser fortement les catégories d’âge. Certaines personnes découvrent leur homosexualité assez jeunes, d’autres plus tard, il n’y a pas de règle. « Tardif » désigne donc un individu qui se sait homosexuel depuis longtemps et qui s’est dissimulé jusqu’à son coming out, ce qui entraîne de la souffrance. Sortir du placard est alors associé à un immense soulagement. Néanmoins, sortir du placard lorsqu’on a déjà construit sa vie et qu’on s’est donc engagé (mariage, enfant, etc.), c’est différent que lorsqu’on le fait à 18 ans. Cela demande une grande remise en question, cela impactera aussi la famille, dont les membres peuvent parfois se sentir trahis. C’est ce qui pourrait expliquer le fait que certains choisissent de mener une double vie. Néanmoins, vivre dans le secret, ou même le mensonge, est dommageable. Et si cela signifiait passer à côté du bonheur ? Se cacher est frustrant, douloureux parfois, mais arrive un jour où des personnes décident de faire leur coming out, à la grande surprise – ou non – des proches. Si ces personnes franchissent le pas, c’est notamment parce qu’il est moins difficile d’être LGBT aujourd’hui. Le monde change, doucement.

Le coming out peut également être perçu comme un geste militant, comme il l’était à l’origine. C’est à double tranchant, car cela peut, chez certains, renforcer l’idée d’une différence notable entre les hétérosexuels et la communauté LGBT, puisque les hétéros, eux, n’ont pas besoin d’en sortir, du placard. Néanmoins, ce combat pour l’inclusivité et le droit des personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres, etc. doit continuer à être mené. Chaque jour des personnes sont discriminées, voire victimes de violence. Ce combat a encore lieu d’être. Dans l’ensemble, sortir du placard est un événement éprouvant pour la personne concernée. Souvent, le fait d’être en couple, statut qui apporte une certaine légitimité, donne la force d’en parler. De plus, la personne bénéficie du soutien de son partenaire. Il n’est pas rare que, aux yeux de l’entourage, la dimension du couple et donc des sentiments amoureux que cela évoque, rende la situation plus acceptable. Cependant, tout le monde n’a pas la chance d’être entouré, c’est la raison pour laquelle il existe des associations venant en aide aux personnes de la communauté LGBT éprouvant des difficultés.

Dans la sphère familiale

Si se confier à son entourage est encore si difficile, c’est bien par peur du rejet et par crainte que les proches éprouvent des difficultés avec la nouvelle représentation fournie. Se confier implique parfois le fait d’être confronté à des visions étriquées de la part de personnes que l’on pensait ouvertes, bienveillantes. La famille occupe une place centrale dans le processus d’acceptation de soi, un rejet peut être synonyme de crise identitaire. La bienveillance, elle, peut signifier l’épanouissement. Ledit processus au sein de la famille se caractérise par trois étapes, selon des études de thérapie familiale : la sensibilisation, la découverte et, pour finir, le renouveau5. L’annonce de son orientation ou de son identité sexuelle, peut se comparer à une « crise » d’un point de vue familial. Chaque membre doit opérer un réajustement. La personne ayant fait son coming out devient le centre des préoccupations. Si bien que, parfois, les autres membres, notamment les frères et sœurs, peuvent être mis de côté. Généralement, ce sont les parents qui prennent leur position vis-à-vis de l’enfant qui se confie. Pourtant, l’estime que la fratrie ressent pour la personne est importante, tout autant que celle des parents. C’est même parfois plus aisé de se confier à ses frères et sœurs qui, dans la majorité des cas, font partie de la même génération. Leur reconnaissance est prépondérante psychologiquement, mais ce sont rarement eux qui prennent les décisions ou fournissent un point de vue central au sein de la famille. Ce rôle est réservé aux parents, qui, hélas parfois, rejettent l’enfant « sacrilège » et vont même dans certains cas jusqu’à le mettre dehors. De nombreux témoignages ont été déposés quant aux discours extrêmement violents portés par certains parents dans de telles circonstances. Il existe d’ailleurs des centres spécialisés dans l’accueil de jeunes mis à la porte par leurs géniteurs, suite à leur coming out. En moyenne, c’est vers l’âge de 18 ans que les jeunes font leur coming out auprès de leur famille6. Si la situation dégénère et que le jeune est rejeté, à moins de pouvoir compter sur des amis ou des proches, il se retrouve sans autres ressources que celles, limitées et dangereuses, de la rue. Ce n’est pas le genre de scénario qui motive à sortir du placard… Ce type de risque existe encore aujourd’hui, alors que, il est important de le rappeler, l’homosexualité n’est pas un choix.

Dans la sphère professionnelle

Il s’agit du milieu où sortir du placard est le plus délicat. Le monde du travail reste, encore aujourd’hui, un vecteur de discriminations, notamment à l’embauche. Que les collègues ou le directeur connaissent l’orientation ou identité sexuelle, cela effraie. Certaines personnes craignent de se faire rejeter, ou pire, renvoyer. Ce sont ainsi les réactions négatives potentielles qui freinent un éventuel coming out. Au-delà des sempiternelles plaisanteries de mauvais goût qui se répètent à n’en plus finir sur le lieu de travail, des personnes, interviewées dans le cadre d’études, rapportent des situations où elles ont été mises à l’écart de projets, voire même d’équipes, en raison de leur orientation sexuelle7. Les discriminations pourtant, si elles prennent des formes et intensités variables, devraient être toutes proscrites. La loi belge qui lutte contre la discrimination date de 20038. La même année, il est devenu officiel que les personnes de même sexe puissent se marier et, en 2006, adopter et fonder une famille. Les textes légaux ne correspondent, hélas, pas toujours aux mentalités.

Les réactions négatives se retrouvent également dans les lieux publics : par exemple, un couple homosexuel hésitera bien plus à se balader main dans la main qu’un couple hétérosexuel. Certes, il est nettement plus rare d’entendre les médias nous informer qu’une agression hétérophobe a une fois de plus été perpétrée… Nous sommes en 2020 et il y a encore du travail à faire en matière de tolérance et d’ouverture d’esprit9.

 

 

 

 

 


 

1. ADHEOS, « Coming-out », 2020 : http://www.adheos.org/ (consulté le 05/05/2020). 
2. Lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre. Cet acronyme représente une vaste communauté.
3. MEERSMAN M., « Et si le coming-out n’était plus un passage obligé quand on est gay ? », 06/02/2020 : https://www.flair.be/ (consulté le 29/04/2020).
4. Maison arc-en-ciel, « Coming out tardif », 2016 : http://www.lgbt-lux.be/ (consulté le 05/05/2020).
5. HAXHE S. et D’AMORE S., « La fratrie face au coming out », Thérapie Familiale, 2013/2 (vol. 34).
6. Ibid.
7. PARINI L. et LLOREN A., « Discriminations envers les homosexuel·le·s dans le monde du travail en Suisse », Travail, genre et sociétés, 2017/2 (n° 38).
8. CEPAG, FGBT Wallonne, « Non à l’homophobie au travail ! Lutter ensemble contre les discriminations », 2016 : https://www.cepag.be/ (consulté le 05/05/2020).
9. Analyse rédigée par Violette Soyez.

 

 

 

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