Analyse 2020-21

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Le confinement qui s’est instauré du jour au lendemain en mars 2020 et ce, durant un certain temps, n’est pas sans conséquences pour nos relations sociales. Certains se sont retrouvés en famille, ensemble, comme ils ne l’avaient plus été depuis longtemps, d’autres, au contraire, étaient seuls. Quel a été l’impact du confinement sur nos amours ?

Des personnes ont vécu ce confinement en partageant leur quotidien avec leur partenaire. Tout à coup, la routine a été bouleversée : chômage technique, télétravail ou, au contraire, une surcharge de travail pour les personnes exerçant un métier de première nécessité. Et si enfant(s) il y a, les parents ont fait face à l’absence de l’école, de la crèche, ainsi que de l’internat. Tout ce petit monde s’est retrouvé à la maison, ensemble, au même moment. Chose qui, pour certaines familles, est devenue rare. On cherche à s’occuper, à innover sans cesse pour éviter que les enfants s’ennuient, on en profite pour davantage cuisiner, jardiner (si nous avons la chance d’avoir un jardin), ou encore se consacrer à quelques travaux dans la maison. Mais dans tout cela, comment préserver un temps pour se consacrer à son couple ? D’autant que cette période particulière est susceptible de mettre les nerfs à rude épreuve. On a le sentiment d’étouffer, de se marcher dessus, etc. Se voir plus que d’ordinaire peut rapprocher, mais peut aussi se révéler délétère. On peut tendre à remarquer chaque petit défaut, on est agacé, on a besoin d’air. Et c’est normal ! Dans cette atmosphère atypique, nous devons réapprendre à communiquer avec l’autre mais aussi à savoir s’écouter soi. Ce qui, évidemment, n’est guère aisé. Donc, parfois, des conflits éclatent. À titre d’exemple, on constate qu’en Chine, premier pays à connaître le confinement, les demandes de divorces sont en hausse1. Cependant, ces dernières sont majoritairement faites dans l’émotion et l’immédiateté, les couples parfois regrettent, annulent la procédure ou se remarient.

Ce changement de rythme affecte notre vie relationnelle, affective et sexuelle. Des couples vivant ensemble, confinés et donc constamment en duo font face à des représentations de la sexualité qui peuvent être vécues comme déstabilisantes : « Le sexe trompe l’ennui », « être juste à deux, c’est la bonne occasion pour raviver la flamme », etc. Pourtant, certains couples éprouvent plutôt un sentiment de désinvestissement, et c’est également compréhensible : le désir, on le ressent par l’absence, mais lorsque nous sommes ensemble 24 heures sur 24, difficile de ressentir le manque de l’autre. Le climat ambiant est anxiogène, notamment par le biais des médias qui ne semblent jamais s’arrêter de réitérer des propos alarmistes, ce qui bien évidemment n’aide pas à apaiser une angoisse qui, par essence, tend déjà à vouloir se répéter indéfiniment. Le point de vue hormonal entre également en action : en effet, de nombreuses femmes ont affirmé que leur cycle menstruel s’est retrouvé perturbé depuis la quarantaine (syndromes prémenstruels plus forts, retards ou absences de règles, etc.2). Ce chamboulement n’est pas anodin en ce qui concerne la libido. Pour les parents avec enfant(s), ce sont les questions du temps et de l’intimité qui posent question. Les occasions de faire couple sont devenues rares, voire inexistantes. Les représentations, principalement véhiculées par les réseaux sociaux, mettent certaines personnes à mal, qui s’infligent une pression à devoir assumer une vie sexuelle plus « trépidante » pendant le confinement. « Nous devons faire l’amour, encore plus qu’avant, sinon ce n’est pas normal », alors que c’est justement en s’imposant cette pression que l’envie d’intimité est susceptible de diminuer. Bon nombre d’articles en ligne et de magazines web proposent des idées pour pimenter sa vie de couple lors de la quarantaine, ils suggèrent que « c’est l’occasion idéale pour expérimenter ses fantasmes », etc.  Mais bien sûr, ces images véhiculées sont très éloignées des réalités vécues, encore moins lorsqu’on travaille d’arrache-pied en ce temps de crise dans, par exemple, le secteur médical : « l’occasion idéale » ? Tout porte à croire que c’est loin d’être le cas. De plus, il est important de rappeler que ce n’est en rien la fréquence des relations sexuelles qui définit notre relation amoureuse, mais bien leur qualité, et moins en termes de performance qu’en matière de bénéfice communicationnel et émotionnel entre les partenaires. Certains couples, eux, ne constatent pas de changement dans leur relation depuis le confinement. D’autres encore expliquent que cela a permis un rapprochement3. Finalement, il apparaît que le confinement n’atténue en rien la très grande variabilité avec laquelle les couples appréhendent leur sexualité.

Il y a des couples qui, eux, ne vivent pas sous le même toit. Il est alors souvent impossible de se retrouver. C’est une situation parfois pénible. Il y a certes les réseaux sociaux et les appels vidéo pour maintenir des contacts mais ceux-ci ne remplacent pas les contacts physiques. Heureusement, se déplacer pour voir son partenaire est considéré comme un besoin essentiel ; cependant, des règles strictes sont à respecter et, surtout, il faut limiter son cercle de contact4. Là où ça coince radicalement, c’est lorsque le couple est séparé par des frontières. Les vols d’avions sont annulés et nombreux sont les pays où voyager est devenu proscrit. Pour certains, les relations à longue distance ne sont pas une nouveauté, pour d’autre, cela bouleverse leur couple. Des partenaires y voient l’occasion de mettre de l’ordre dans leur relation, de remettre les choses au clair et, surtout, du sens. Ce qui rend cette séparation forcée d’autant plus difficile, c’est l’incertitude : quand cela prendra-t-il fin ? Quand pourra-t-on se retrouver ? Pour les personnes soumises à cette séparation forcée, il s’agit d’une période contraignante qui met à mal leurs repères dans des moments où, précisément, elles voudraient peut-être, davantage encore, le soutien de leur partenaire. Lorsque cela s’avère impossible, c’est une frustration mêlée d’inquiétude pour le bien-être de l’autre si éloigné. Nous pouvons également citer les couples adultères qui eux aussi sont séparés par la mise en place de la quarantaine. Chacun reste à la maison avec son partenaire respectif. D’autres personnes encore, étouffées par la situation, font des rencontres virtuelles en cachette, appellent leur ex-conjoint, etc.5. Toutes les facettes du couple sont ainsi impactées.

Le confinement, c’est aussi devoir se passer des activités, des rassemblements et autres festivités qui tous sont mis au placard. Cela concerne donc aussi les mariages, et c’est le projet de nombreux couples qui s’envole… Bien sûr, ce mariage si symboliquement important pour beaucoup, il est toujours possible de le reporter ou de le faire en plus petit comité depuis les mesures de déconfinement progressif. Cependant, rien n’indique que ce soit facile à vivre pour les personnes concernées.

Célibataire

Être célibataire ne signifie pas forcément que l’on a passé le confinement seul, car peut-être a-t-on bénéficié de l’accompagnement de colocataires, ou de la famille. Mais s’il y a bien une chose qui est empêchée par le fait de devoir rester chez soi, c’est de faire des rencontres. C’est pourquoi les inscriptions sur des sites et des applications de rencontres virtuelles ont explosé. Cependant, ces personnes découvertes à distance, avec qui des liens se créent, se trouvent derrière un écran. Il n’est alors pas toujours facile de faire la part des choses. La représentation que l’on se fait d’une personne n’est pas toujours conforme à la réalité. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une éventuelle déception. De plus, généralement, le destin de ces rencontres, au départ à distance, est de par la suite se transformer en rendez-vous concret. Ce qui est bien évidemment impossible lors du confinement. D’où le sentiment de faire du surplace, d’être coincé, qui peut laisser un goût amer. Un sentiment de solitude peut s’ensuivre, et du découragement. La peur irrationnelle « d’être seul pour toujours » s’installe, renforcée par une autre peur : celle de prendre un risque de contamination en se rendant à un rendez-vous galant en cette période de déconfinement6. D’autres célibataires voient ce confinement comme une libération des normes de société : pendant ce temps, il n’est plus besoin de justifier préférer vivre seul, de se forcer à faire des rencontres, etc. C’est l’occasion de se distancier de l’injonction d’être en couple pour celles et ceux qui n’y aspirent pas7.

Adolescents amoureux

Les enfants, notamment les adolescents, sont également cloîtrés à la maison. Il n’est plus question d’aller à l’école, laquelle se pratique à minima par des exercices réalisés à domicile. On sait que les relations amicales et amoureuses sont particulièrement importantes lors de cette période charnière de la vie. Elles sont parfois plus intenses, plus impulsives et donc parfois plus éphémères. À cet âge, être éloigné de son amoureux ou de son amoureuse peut être difficile à vivre. « Et si il ou elle ne m’aimait plus ? » Concevoir l’amour à distance n’est évidemment pas la même chose à l’âge de 15 ans qu’à l’âge de 30 ans. En tant que parents, ce n’est pas forcément facile d’expliquer cette situation à leur(s) ado(s), de le(s) réconforter, et parfois d’encaisser les crises de nerfs. Certains ados avouent être prêts à braver les interdits pour retrouver leur petit(e) ami(e). Bien sûr, il faut y être vigilant mais également se montrer compréhensif. Comme l’explique la psychologue Mireille Pauluis, sollicitée par la Ligue des parents, beaucoup d’adolescents sont dans une phase où l’on a tendance à se sentir plus fort que le danger, que la mort elle-même8. Ils peuvent se sentir invincibles ; le virus, dit-on, touche les plus fragiles, et eux sont les plus forts. « De toute façon, cela ne concerne que les personnes âgées » peut-on entendre. Par ailleurs, à cet âge, le besoin de socialisation est très fort, il fait partie intégrante d’un processus de maturation naturel et nécessaire, c’est pourquoi apprendre l’importance du confinement et des distances de sécurité est susceptible de générer des tensions. Il est indispensable de rassurer les enfants, de les écouter, de dialoguer avec les ados sans pour autant les infantiliser. C’est aussi l’occasion de réfléchir avec eux, sans jugement, aux valeurs qu’ils souhaitent exprimer : individualisme, solidarité… Chacun vit le confinement et le déconfinement à sa manière, selon ses propres ressources. Cette drôle de période vient une fois de plus nous rappeler que la dimension du couple est en perpétuelle évolution9.

 

 

 

 

 

 


 

1. « Coronavirus: les demandes de divorce en hausse après le confinement en Chine », 18/03/2020 : https://www.rtbf.be/ (consulté le 13/05/2020).
2. « Comment le confinement impacte le cycle menstruel ? », 10/04/2020 : https://www.lamaisondesmaternelles.fr/ (consulté le 18/05/2020).
3. « Comment le confinement a transformé la vie sexuelle de ces couples », 26/04/2020 : https://www.huffingtonpost.fr/ (consulté le 18/05/2020).
4. « Confinement : que peuvent faire les couples qui ne vivent pas sous le même toit ? », 06/04/2020 : https://www.rtbf.be/ (consulté le 13/05/2020).
5. « Les couples à l’épreuve de la distance », 28/03/2020 : https://www.lemonde.fr/ (consulté le 19/05/2020).
6. « Comment être amoureux au temps du Covid-19 ? », 23/03/2020 : https://www.courrierinternational.com/ (consulté le 18/05/2020).
7. « Le confinement solo, rêve ou cauchemar ? », 12/04/2020 : https://cheekmagazine.fr/ (consulté le 18/05/2020).
8. « Ados : l’amour au temps du corona », Le Ligueur, 27/03/2020 : https://www.laligue.be/ (consulté le 19/05/2020).
9. Analyse rédigée par Violette Soyez.

 

 

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