Analyse 2022-04

Les médias véhiculent de nombreux stéréotypes concernant la place des femmes et des hommes dans la société. Ces rôles ne vont pas souvent dans le sens d’une réelle égalité des genres. D’ailleurs, nous n’allons discuter ici uniquement de deux genres, tant les médias invisibilisent les minorités de genre1.

Les stéréotypes sont « un ensemble de croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d’un groupe de personnes2 ». Catégoriser fait partie du fonctionnement humain. Nous simplifions la réalité pour mieux l’appréhender. Classer les choses en les réduisant à certaines caractéristiques nous permet de comprendre réalité complexe, et de réagir. Par exemple, si nous voyons une personne avec des cheveux gris debout dans un bus, nous allons la caser dans la catégorie des ainés. Alors, la réaction appropriée serait de nous lever et de céder notre place. Nous n’allons pas prendre le temps d’analyser la personne grisonnante, de lui poser des questions pour savoir si elle est apte ou pas à rester debout.

Les stéréotypes et les médias

L’objectif des médias est de développer une idée qui sera comprise par tous et toutes très rapidement. L’utilité des stéréotypes dans les médias est donc la communication. Aussi, pour que les stéréotypes fonctionnent, il est nécessaire qu'ils soient partagés par la majorité de la population. Nous pouvons alors déterminer que les stéréotypes sont certes véhiculés par les médias, mais proviennent également de la société dans laquelle nous vivons.

Par contre, lorsque la répétition des stéréotypes empêche chacun·e de se rendre compte que cette image employée est une réduction et une simplification de la réalité, cela devient problématique car les stéréotypes enferment des individus complexes dans des cases très petites qui peuvent alors mener à des discriminations.

Les stéréotypes sexistes dans la pub

« Pop Modèles3 » relève 5 clichés4 féminins au sein de la publicité : la femme au foyer, la femme objet, la femme idiote, la femme animale et la femme au travail (attention, pas n’importe quel travail : travail de soin, de vente…). Finalement, la publicité est à l’image de notre société patriarcale.

Le patriarcat est un système omniprésent et évolutif de structures et de relations sociales dans lequel les hommes dominent et oppressent les femmes. Au sein des publicités, la femme est souvent soumise. Les petites voitures sont conduites par les femmes pour faire les courses ou se garer avec une relative aisance. Les hommes conduisent de grosses voitures, signes extérieurs de leur réussite sociale. Si un homme est présent dans une pub ménagère, il représentera celui qui sait, qu’il soit commercial ou réparateur alors que la femme sera assignée au service de l’homme et/ou de sa famille. Par les publicités, nous comprenons que la société assigne certains rôles aux femmes et aux hommes. L’instant où le stéréotype devient sexiste est lorsque les membres d’un groupe sont réduits à des caractéristiques perçues comme normales et courantes. Les hommes qui entrent dans le carcan de la virilité, eux, sont en position de domination dans la société, contrairement à ceux qui n’y entrent pas. Quant aux femmes, qu’elles entrent ou pas dans les cases conçues, elles ne seront quoi qu’il arrive, pas valorisées.

Dans ce sens, certains stéréotypes sont problématiques tant ils sont stigmatisants et dévalorisants. Ils amènent une vision de la société qui peut être violente et encouragent des effets de société dangereux. Par exemple, nous savons que les femmes s’occupent majoritairement des tâches ménagères. En effet, en 2020, en Belgique, 81 % des femmes font du travail ménager, contre 33 % des hommes5 . Alors, si les publicités exposent uniquement des femmes au sein des publicités ménagères, cela renforcera l’idée selon laquelle les tâches ménagères sont assignées aux femmes et n’encouragera pas les hommes à s’investir à leur tour.

Déconstruire les médias avec les enfants

Selon l’ONE6 , l’usage de la télévision doit être encadré et discuté. C’est en échangeant avec l’enfant qu’iel parviendra à différencier son monde interne du monde externe. En effet, lorsqu’un·e enfant regarde un dessin animé, iel comprend rapidement qu’il s’agit de fiction. Cependant, lorsqu’iel est face à une séquence où les personnages sont réels, cela peut l’amener à ressentir des difficultés de compréhension quant au monde qui l’entoure, le menant à la confusion entre le réel et l’imaginaire.

Lorsque la télévision est souvent regardée, elle affecte les représentations des enfants qui auront une vision plus stéréotypée des images, des personnages et de la réalité. Puis, les médias véhiculent des valeurs auxquelles les parent·e·s adhèrent ou non comme les stéréotypes du rôle de la femme et de l’homme, qui ne correspondent pas forcément aux valeurs que les parent·e·s souhaitent transmettre à leurs enfants.

Une solution serait de discuter avec l’enfant de ce qu’iel a vu afin qu’iel se forge une opinion, de ce qu’iel en pense afin qu’iel active son imagination, de ce qu’iel ressent pour qu’iel puisse gérer ses émotions ; de l’amener à la réflexion en lui demandant si cette situation se passe réellement dans la réalité s'iel trouve que c'est ainsi qu'il y a lieu de se comporter.

La sous-représentation des femmes dans les médias

Les femmes belges sont très largement sous-représentées dans les médias. Selon le rapport « Global Media Monitoring Projet7 » (2020), les femmes représentent 28% des sujets d’actualité en presse écrite, 26% en télévision et 20% en radio. Au sein des médias francophones sur internet, elles sont le sujet de 41% de l’échantillon francophone contre 16% de l’échantillon flamand. Les hommes représentent alors 75% des sujets de l’information. Quant à la production, l’inégalité homme-femme est tout autant présente. Les journalistes productrices d’informations (reportage, présentation, annonce) sont 41% contre 59% d’hommes. Les femmes journalistes belges disposent d’un pourcentage plus faible que la moyenne européenne qui est de 47%.

Cette sous-représentation est problématique car lorsqu’on n’est pas représenté·e·s, on a des difficultés à s’imaginer ailleurs qu’à la place que la société nous assigne. Cette sous-représentation des femmes se retrouve non seulement devant l'écran mais aussi derrière puisqu'il y a encore très peu de femmes qui sont réalisatrices, productrices, rédactrices en chef. La production des médias affiche un monde dominé par les hommes. Et lorsque ce sont toujours les mêmes personnes qui produisent les médias, cela amène forcément peu de diversité dans la représentation.

Il est donc important d’augmenter la représentation des femmes dans les médias qui peuvent être réellement une arme pour lutter contre le patriarcat. Aujourd’hui, des voix féminines se lèvent de plus en plus en plus. Elles entament des études dans les médias audiovisuels et/ou prennent la parole dans les médias. Nous pensons aux nombreux podcasts8 produits par des féministes qui nous invitent à repenser les rôles de genre, abordent la jouissance féminine, la façon dont les familles sont organisées, dont la société organise les rôles parentaux, etc. Il est indispensable de montrer l’exemple aux jeunes filles, de réserver des espaces « safe » aux femmes afin qu’elles valorisent leur force de pouvoir et de parole, tout en maintenant les groupes mixtes afin d’avancer ensemble.

Laisser la place aux jeunes

Finalement, les médias ne sont que le reflet de notre société patriarcale. Si nous souhaitons modifier les médias, il suffit de changer notre manière de voir et d’agir sur le monde. Il est indispensable de discuter avec les enfants des informations qu’iels reçoivent, et pas uniquement sur le genre, mais sur la société en général. Ainsi, iels développeront leur esprit critique, mais pas que. Cela permettrait de sensibiliser les jeunes aux problématiques sociétales actuelles et de développer la citoyenneté, l’empathie et la solidarité. Et donc, d’obtenir une génération médiatique sensibles aux valeurs libertaires, pacifistes, militantes, inclusives.

Nous pourrions penser qu’il est important de protéger les jeunes de l’état de notre monde, que la politique n’est dédiée qu’aux adultes car les jeunes sont encore ignorants. Et pourtant, la voix des jeunes compte. Iels sont loin d’être inactifs. Nous pouvons prendre pour exemple Mai 68, un des plus grands mouvement social français mené par des étudiant·e·s. À l’heure actuelle, nous avons comme figure militante écologique Greta Thunberg, jeune femme active depuis ses 15 ans contre l’inaction face au dérèglement climatique. Nous pouvons aussi mettre en avant les nombreuses actions et manifestations des jeunes pour le climat à travers le monde. Pourtant, les politiques n’écoutent pas assez. Alors, pourquoi ne pas laisser place à nos jeunes dans la réflexion de l’organisation de notre société ?9


1 Nous menons une réflexion sur le sujet des médias. « Média Animation » est une expertise reconnue que nous interrogeons dans notre recherche de point de vue documenté.

2 Antisexisme, « Qu’est-ce qu’un stéréotype ? ». dans Sexisme et Sciences humaines – Féminisme, 2011, page consultée le 29/08/2022 

3 « Pop Modèles » est un projet d’Éducation aux Médias qui met en débat les représentations et les stéréotypes exploités par la pop culture. Il est porté par Média Animation, ASBL d’Éducation Permanente et Centre de ressource en Éducation aux Médias pour l’enseignement.

4 IHECS, « Pop Modèles : 7 analyses et vidéos sur la stigmatisation des femmes dans la culture populaire ». dans IHECS Journalism & Communication, 2017, page consultée le 29/09/2022

5 Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes, communiqué de presse, La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale encore fortement marquée par le genre, 2020.

6 ONE. (2016). « L’enfance et la télévision, pour en savoir plus » (brochure). ONE: Bruxelles.

7 Global Media Monitoring Projet. (2020). « Who makes the news ? » (National Report). Belgium: Global Media Monitoring Projet.

8 Exemples : « Les couilles sur la table », « La poudre », « Quoi de meuf ? »...

9 Analyse rédigée par Amandine Bernier

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