Analyse 2022-06

Depuis 2014, la Fédération Wallonie Bruxelles a entamé une importante réflexion quant à la réforme de l’enseignement. Elle se nomme « Le Pacte pour un Enseignement d’excellence1 ». 

Ce pacte a pour finalité d’aboutir à un système éducatif plus efficace et équitable, c’est-à-dire ;
- améliorer les savoirs et les compétences des étudiant·e·s,
- augmenter le taux des diplômé·e·s du secondaire supérieur,
- réduire l’écart entre les résultats des élèves les plus et les moins favorisé·e·s d’un point de vue socio-économique,
- réduire le redoublement et le décrochage scolaire,
- augmenter l’inclusion des élèves à besoins spécifiques au sein de l’enseignement ordinaire,
- améliorer le bien-être à l’école ainsi que le climat scolaire.

Lors de la rentrée 2022, la mise en œuvre des « rythmes scolaires » a débuté. En effet, de la maternelle jusqu’à la fin des secondaires, un nouveau calendrier adapté aux rythmes biologiques des enfants a vu le jour. L’objectif étant d’atténuer la fatigue et le stress, et donc, le décrochage scolaire.

Cette décision a été prise par la Ministre de l’éducation, la Ministre de l’enfance et de l’accueil temps libre et la Ministre de la jeunesse et du sport. Depuis 2021, elles ont organisé de multiples réunions afin de consulter les divers·e·s acteur·trice·s et organismes de l’enseignement. Elles ont rencontré 80 personnes, représentantes de 49 organismes différents2 .

Les changements liés à « la réforme des rythmes scolaires » n’impactent pas le nombre de jours de cours par année qui est maintenu à 1823 . Après 7 semaines de cours, les élèves auront droit à 2 semaines de congé4 . Les vacances de Toussaint et de Carnaval seront chacune rallongées d’une semaine. En contre-partie, les vacances d’été seront raccourcies de 2 semaines5 . Les élèves auront toujours leur rentrée prévue un lundi et termineront l’école un vendredi. À cela, il est prévu de limiter le nombre de « jours blancs6 » à 3 jours par année en primaire. En secondaire, cette réduction s’opèrera progressivement à partir de l’année scolaire 2025-2026.

L’enseignement étant une compétence communautaire, seule la Communauté française a concrétisé ces réformes. Les Communautés flamande et germanophone ne souhaitent pas poursuivre ces objectifs pour l’instant. Pour tempérer les différences de congés entre les Communautés, il y aura toujours 10 à 11 semaines de congés en commun sur les 14 à 15 semaines de congés. Malgré cela, la Communauté française peut imaginer perdre des professeur·e·s de néerlandais venant de la Communauté flamande. En effet, la Communauté française souffre déjà d’une pénurie d’enseignant·e·s qui s’aggravera certainement pour les cours de néerlandais et pour l’immersion. La Fédération Wallonie Bruxelles a entamé une grande réflexion pour contrer ce problème ; elle dévoile la possibilité de la reconnaissance de l’ancienneté pour ceux et celles qui choisiraient l’enseignement en deuxième carrière ainsi que la volonté de se tourner vers des profils de francophones bilingues plutôt que des professeur·e·s ayant pour langue maternelle le néerlandais.

Un calendrier adapté aux rythmes biologiques des élèves

Le principal argument avancé concernant le changement des rythmes scolaires est qu’il était nécessaire d’adapter le calendrier scolaire aux rythmes biologiques des enfants afin d’améliorer leurs capacités d’apprentissage et de réduire le décrochage scolaire. En terme d’apprentissage et de bien-être des enfants, le calendrier n’était pas idéal car il s’organisait par des périodes trop longues (vacances d’été) ou trop courtes (congés d’automne et de détente). De plus, le rythme scolaire est organisé depuis toujours par l’intérêt des adultes. En effet, s’il s’ajustait de la sorte, par de très longues vacances d’été, c’est parce qu’il y a un siècle, les enfants aidaient leurs parent·e·s à la récolte dans les champs. Aujourd’hui, il se veut adapté pour les enfants et non plus pour les adultes.

D’après Caroline Désir, Ministre de l’Éducation, l’important est de permettre aux enfants et aux enseignant·e·s d’obtenir plus de repos et de recharger les batteries. Elle raconte lors d’une interview7 que des observations ont déterminé qu’un grand pic d’absentéisme accablait les écoles lors des périodes de novembre et de mars. Dans le sens d’octroyer du repos, il est demandé aux professeur·e·s de ne pas inonder les élèves de travaux scolaires pendant les vacances et de ne pas prévoir d’examens à la rentrée afin que les congés ne prennent pas la forme d’un blocus.

Un temps d’adaptation pour être attentif·ve en classe

Hubert Montagnier, psychophysiologiste français dans le champ du développement, du comportement et des rythmes de l'enfant insiste sur l’urgence de parvenir à rendre l’école un « creuset de l’épanouissement affectif, cognitif, intellectuel, social, civique, imaginatif, créatif, humaniste pour tous les élèves, quelles que soient leurs particularités, y compris quand ils sont porteurs d’un handicap, quelles que soient les particularités de leur(s) famille(s) et celles de leur milieu social, culturel et ethnique... »8 .

Ensuite, il est urgent de reconnaitre que les êtres vivants sont traversés par des rythmes biologiques9 . La recherche assure que les capacités d’attention et la disponibilité de la mobilisation des ressources intellectuelles et donc des capacités d’apprentissage à l’école varient en fonction du moment de la journée. À certaines heures, elles sont plus faibles et à d’autres, plus élevées. C’est pour cela qu’il est important de faire coïncider ces temps forts et faibles avec les apprentissages qui demandent une mobilisation des ressources intellectuelles plus ou moins exigeantes10 .

Lorsque les enfants sont accueillis en classe, iels ont besoin d’un temps d’adaptation afin de devenir attentif·ve·s à recevoir la matière. Ces besoins varient en fonction de l’enfant. Pour être plus inclusif, il est important de prendre en considération ceux et celles qui souffrent de déficits ou de troubles du sommeil, ceux et celles qui ont un rythme veille-sommeil décalé par les rythmes de vie des parent·e·s, ceux et celles qui vivent au quotidien dans l’insécurité affective au sein d’une famille victimes de difficultés variées telles que la maladie, la pauvreté, la violence, les conflits… Selon Montagnier, pour un réveil entre 6h30 et 7h30 et une entrée en classe à 8h30, ce ne serait seulement qu’autour de 9h que les enfants ayant des difficultés parviennent à être disponibles pour l’apprentissage. Iels ont besoin d’un peu plus de temps que les autres, qui varient entre 10 à 20 minutes selon les enfants. C’est pourquoi, il est nécessaire que la première heure de cours soit consacrée à des activités intellectuellement peu exigeantes, permettant ainsi aux enfants « de libérer à leur rythme leurs processus cognitifs, de mobiliser progressivement leurs ressources cérébrales et de s’engager dans des traitements de l’information qui donnent sens et signification aux messages du maître »11 . Au contraire, la recherche scientifique montre qu’à partir de l’après-midi, les capacités d’attention, la réceptivité et la disponibilité des enfants augmente12 .

Pour un changement de rythme au sein de l’école

Le rythme ne concerne pas que les vacances, mais aussi le temps organisé au sein de l’école même. Les pauses au sein de la journée sont également essentielles. Il faudrait que l’espace de récréation soit prévu pour le défoulement des émotions, de l’imagination, de la motricité des enfants. Au contraire, le temps des cantines scolaires devrait dégager une atmosphère de détente, de lieu de pause et de décompression aux sièges confortables, loin des cantines anxiogènes, bruyantes, qui mélangent petit·e·s et grand·e·s, créant des situations hiérarchiques et intimidantes13 .

Les journées scolaires belges sont très longues (plus ou moins 7 heures). Elles produisent l’épuisement, le stress voire la démotivation pour les plus vulnérables. Dans ce cas, les temps après les cours devraient être dédiés à des activités librement choisies et non pas à des prolongements du temps académique. C’est pour cela qu’il est urgent d’organiser les remédiations pendant les heures de cours ordinaires et non pas après, et qu’il est nécessaire de ne pas inonder les étudiant·e·s par les devoirs à domicile. Le cas contraire, les élèves pourraient se sentir surmené·e·s, amenant ainsi un mal-être et l’absentéisme14 . En Finlande, les périodes de remédiation ou d’accompagnement ne sont pas prises en charge par les professeur·e·s mais par des assistant·e·s qui exercent cette activité en temps plein (iels sont généralement des professeur·e·s ayant un Baccalauréat mais pas encore un Master15 ). Un·e enfant peut aussi être assigné·e à un·e assistant·e personnel·le s’iel est porteur·se de grandes difficultés ou de handicap. Si ces périodes ne l’aident pas à s’améliorer, l’élève disposera d’une éducation à temps partiel, en articulation avec l’enseignement général. Si cela n’est pas suffisant, iel rejoindra une classe dite « spéciale » à temps plein avec un plan éducatif personnalisé. Les enfants sont ainsi toujours en contact avec les autres, peu-importe leurs difficultés qui seront travaillées individuellement avec un·e accompagnant·e. Cette ambiance sera alors bienveillante, non concurrentielle, inclusive pour tous et toutes16 .17

 


 

1 Pour obtenir plus d’infos sur le Pacte pour un Enseignement d’excellence, voir les analyses précédente écrites par Couples et Familles : Pacte pour un enseignement d'excellence : un projet (un peu trop) ambitieux ? Partie I : présentation, Pacte pour un enseignement d'excellence : un projet (un peu trop) ambitieux ? Partie II : participation des enseignants et des élèves.

2 La Ministre de l’Éducation a-t-elle pris le temps de consulter différents secteurs ? La réforme des rythmes scolaires - Foire aux questions par Enseignement.be

3 Avec une marge de manœuvre comprise entre 180 et 184 jours.

4 Pour obtenir le calendrier scolaire 2022-2023 : http://www.enseignement.be/index.php?page=23953.

5 Elles commenceront le 7 juillet 2023 et la rentrée sera prévue pour le 28 aout 2023.

6 Jours dédiés aux conseils de classe, aux évaluations, aux distributions de bulletins, aux rencontres avec les parent·e·s.

7 Rentrée scolaire : revivez l'interview de la ministre Caroline Désir par La Libre, 19/08/2022, page consultée le 4/10/2022.

8 Montagner, H. (2012). Des enjeux majeurs pour les enfants et l'école (seconde partie : l'aménagement des temps scolaires). Journal du droit des jeunes, 320, 36-45.

9 Pour en savoir plus, nous vous recommandons notre dossier 131 : Au rythme de l’humain… Aller vite, pour quoi faire ? 

10 Ibid.

11 Ibid.

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Ibid.

15 En Finlande, tous les enseignant·e·s disposent d’un diplôme universitaire de 5 ans.

16 Turkieltaub, S. (2011). Le modèle finlandais, la solution contre le décrochage scolaire ? Journal du droit des jeunes, 310, 37-45. 

17 Analyse rédigée par Amandine Bernier.

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