Analyse 2006/22

L’apprentissage de la gestion du temps est affaire de grands principes comme de petits trucs.


Une réflexion au départ de récits de vie


Cette analyse est le fruit d’un travail d’animation avec un groupe de personnes qui émargaient à un CPAS [1] d’une petite ville de Wallonie, en vue de chercher des pistes pour dépasser les difficultés de gestion du temps auxquelles étaient sont confrontées.


Construit sur le même schéma que l’animation [2], le texte ci-dessous propose tout d’abord des récits de vie, pour les analyser et en tirer quelques lignes de force utiles pour chacun.


Première étape : un récit de vie


« Il y a bien longtemps déjà, j’étais un enfant rêveur. Est-ce à cause de cela ? Toujours est-il que j’étais aussi terriblement lent, passablement désordonné et, du moins certains me le disaient parmi mes instituteurs puis parmi mes professeurs, je manquais de volonté et j’étais plutôt paresseux. J’entendais dire cela autour de moi mais, honnêtement, je constatais bien moi-même que des choses n’allaient pas. Quand nous allions à la piscine avec l’école, je sortais de ma cabine que les autres étaient déjà aux douches. Quand je retrouvais ma cabine, je retrouvais aussi tous mes vêtements, pèle mêle, ne retrouvant plus une chaussette ou passant ma chemise avant ma chemisette, obligé que j’étais ensuite de recommencer. Quand je m’y retrouvais enfin, l’instituteur était déjà venu frapper deux ou trois fois à ma porte, et les autres élèves poirotaient dans le couloir à m’attendre. J’oubliais livres et cahiers à l’école quand je rentrais chez moi et je les oubliais chez moi quand je regagnais l’école. Mes cahiers n’étaient pas des chefs d’Å“uvre de propreté et en classe, les nuages qui traversaient le ciel m’intéressaient autant que l’instituteur. Celui-ci en était souvent jaloux d’ailleurs. Pourtant, je n’étais pas trop mauvais élève, mais sur mes bulletins se trouvaient souvent des phrases du style : « Peut mieux faire ». Grâce à Dieu, peut-être parce que mes parents et mes instituteurs m’encourageaient et que je sentais bien que ce qu’ils décrivaient de moi correspondait à ce que je ressentais moi-même, je crus aussi et même d’abord en cette phrase : « Je pouvais mieux faire ». J’en étais capable, puisqu’ils me le disaient. Ils croyaient donc en moi. Mais tout allait beaucoup trop vite. Ou plutôt, le temps filait toujours trop vite, ne me laissant jamais la possibilité de faire les choses à l’aise et donc de les soigner, de les perfectionner. Je me rendis compte peu à peu toutefois, que ce n’était pas ce que j’avais à faire qui me prenait du temps, mais que c’était le temps que je prenais ou que je devais prendre pour faire autre chose que ce avec quoi j’étais occupé qui me valait d’être toujours après les autres. C’est que je rêvais à un tas de choses que j’aimerais faire ou que je voulais faire. C’était comme dans la cabine de bain. Quand j’y revenais, je devais m’y retrouver dans tous ces vêtements en désordre, parce que j’avais rêvé lorsque je les avais enlevés, puis que j’avais dû me dépêcher pour ne pas être trop en retard. Peut-être avais-je même rêvé que j’étais le plus rapide de la classe. Comme j’étais conscient qu’il me fallait changer quelque chose mais que ne savais trop quoi, je faisais de réels efforts, mais ils n’étaient pas toujours reconnus par les autres. Je mis donc assez longtemps à m’améliorer. Lorsque je fus en humanités, certains de mes professeurs crurent devoir me dire que je manquais de volonté. Je ne comprenais pas - et je ne comprends toujours pas d’ailleurs -, ce dont ils me parlaient. Ils me donnèrent des livres que je commençai à lire avec courage et même avec détermination, - je pense bien en avoir encore l’un ou l’autre dans ma bibliothèque -, mais cela n’allait jamais très, très loin. Je ne m’y reconnaissais pas. Je me serais plus facilement senti paresseux que manquant de volonté, mais c’est aussi parce que je trouvais très tôt qu’il valait mieux faire moins d’efforts pour réaliser quelque chose. C’est ainsi probablement que les humains ont inventé la roue afin de ne plus devoir porter les choses à dos et plus tard pour ne plus devoir marcher. Je me suis dit dès lors assez vite que ma paresse, si c’était cela la paresse, était peut-être une vertu plutôt qu’un défaut. Je découvris alors progressivement comment mieux gérer ce temps qui sans cesse m’échappait, grâce à une série de petits points de règlement du collège. Nous étions obligés de nous y présenter tôt pour une étude que nous avions avant les cours proprement dits. En début d’étude, il nous fallait nous concentrer dix minutes, en silence, sur un texte de quelques lignes que nous pouvions choisir et que nous devions déposer sur notre bureau, vide de tout autre chose. Souvent, mon esprit s’en allait ailleurs, mais de moins en moins toutefois. Quand le texte m’intéressait, je parvenais même à ne penser qu’à lui. Inconvénient parfois, j’y pensais encore pendant les cours que nous avions ensuite dans la matinée. Je parvenais donc à me concentrer bien mieux, notamment aussi dans tout ce que je faisais. C’est ainsi qu’une amélioration se fit également jour dans mon ordre. Je rangeais et classais de plus en plus convenablement tout ce que j’avais à faire et c’est ainsi que, dans ma cabine de bain au sortir de la piscine, je retrouvai peu à peu beaucoup plus facilement mes chaussettes et je n’oubliai plus de passer ma chemisette avant de revêtir ma chemise. C’est ainsi que progressivement, je gagnai du temps. Il ne s’était pas allongé bien sûr, mais je le structurais de mieux en mieux et, là où il m’avait fallu un quart d’heure pour réaliser quelque chose, j’y parvins bientôt en quelques minutes. J’appris aussi bientôt que cette capacité à gérer mon temps m’apportait un autre bienfait : celui de structurer ma pensée, de construire préalablement, très concrètement parfois, mais souvent dans ma tête, mon occupation du temps en fonction de mes priorités. Il me suffisait alors à les faire dans l’ordre, les unes après les autres, chacune bien à leur place dans mes occupations. Quand je me mis au travail après la fin de mes humanités, lorsque j’allais à la piscine avec des copains, j’étais à la douche en même temps qu’eux et j’étais rhabillé ensuite aussi rapidement qu’eux. Il ne tarda pas trop - à l’armée notamment, car le service était encore obligatoire alors - j’avais 19 ans -, pour que je sois le premier dans l’eau et déjà dans le hall, prêt à partir quand arrivait le suivant. Quand je repense à ce parcours, je le compare un peu à quelqu’un qui apprend à jongler. Au début, même quand les balles, les cerceaux ou les massues son correctement lancées, il manque de temps pour en relancer avant qu’il ne faille en attraper d’autres. Les balles, cerceaux et massues semblent avoir une autre relation au temps que nos mains. Peu à peu, sans que les agrès n’aient pourtant perdu de leur vitesse, les gestes se structurent, se font de plus en plus précis, et finissent par être les plus rapides, précédant juste du peu de temps qu’il leur faut, pour saisir et relancer, balles, cerceaux ou massues qui auparavant nous échappaient. Me voilà aujourd’hui à l’approche de mes 70 ans et ne croyez pas que je sois pour autant très différent de ce gamin que j’étais jadis. Comme un athlète, comme un jongleur, je sais que si le devais ne plus m’entraîner, je retomberais, et peut-être plus vite que je ne le crois moi-même, dans certains travers d’alors. Assez curieusement, outre un certain nombre de « bonnes habitudes » que j’avais déjà prises, par exemple de noter de manière assez précise l’utilisation de mon temps, chose que je fais chaque jour aujourd’hui encore, j’ai été aidé par un accident qui aurait pourtant pu me laisser paralysé, d’une jambe tout au moins. Il y a 25 ans en effet, il a fallu m’opérer du dos, avec tous les risques que cela comportait. J’en suis fort bien sorti heureusement, mais avec l’obligation, si je ne voulais pas retomber dans le même mal, de m’astreindre à une gymnastique spécifique chaque jour au lever et à nager régulièrement si possible. Tant que j’étais occupé professionnellement, je n’eus pas l’occasion de nager souvent, mais depuis 25 ans, il faut des circonstances exceptionnelles pour que je ne commence pas ma journée par cette gymnastique et, depuis que je suis à la retraite - cela fait maintenant près de neuf ans -, ma gymnastique faite, je pars pour la piscine, à deux minutes de chez moi il est vrai, et je nage 500 mètres, samedi et dimanche compris. Pour 9h, je suis rentré chez moi pour prendre mon petit-déjeuner. »


Un exercice de mémoire


Faisant suite à ce récit, l’animatrice de « Couples et Familles » en retient essentiellement deux éléments :

  • d’abord, que la régularité d’un certain nombre d’activités influence l’ensemble de la gestion de notre temps ;
  • ensuite, que rien n’est jamais acquis une fois pour toutes. Ainsi, lorsque les circonstances obligent pendant plusieurs jours à renoncer à une activité régulière structurante, le pli pris se perd rapidement et il faut, pour que le rythme en soit à nouveau intégré, deux ou trois jours à vouloir reprendre cet exercice de régularité qui force à gérer son temps de manière optimale, du moins aux yeux de celui ou de celle qui se l’est choisi. En effet, il appartient à chacune et à chacun de trouver, pour gérer son temps, les moyens qu’elle ou il trouve les meilleurs, mais il faut vouloir les trouver, les essayer, les améliorer et même les changer peut-être, mais toujours et encore les vouloir.


L’animatrice propose ensuite aux participants un exercice de mémoire : en dix minutes, noter rapidement et pour eux seul, les occupations qui avaient été les leurs, de minuit à minuit la journée de la veille. Consigne supplémentaire : « Ne pas laisser pas de plages de temps vide, quitte à y écrire que vous êtes à certains moments sans rien faire, à vous ennuyer ou à rêver ». Cet exercice permettra de prendre conscience de la difficulté de reconstituer ce que l’on a vécu, si le temps de ce vécu n’a pas été pris en charge préalablement par une projection de ce que l’on veut faire et, postérieurement, par une réappropriation des événements par la mémoire ou, mieux encore, par une certaine forme d’évaluation.


Après cet exercice, il est demandé aux participatns de partager aux autres ce qui, dans leur vécu, a fait le plus problème sur le plan de la gestion du temps et/ou ce à quoi ils aspireraient le plus dans ce domaine, que ce soit ou non basé sur les idées venues à l’esprit suite à la rédaction de l’emploi du temps de la veille.


Récits de vie des participants [3]


Carine a 27 ans. Elle vit seule avec son petit garçon de deux ans et demi. Elle est divorcée et son ex-mari a été incarcéré pour avoir tenté de l’étrangler sous les yeux de l’enfant. Elle en est restée six semaines en clinique. Elle est, depuis, en dépression, suivie médicalement et psychologiquement et son enfant également. Pour elle, la gestion du temps est un cauchemar. Elle tente bien de se confectionner un planning et de maintenir sa maison en ordre, mais elle court sans arrêt, sans parvenir à faire tout ce qu’il faudrait. Par ailleurs, elle espère être retenue pour une période de formation à l’emploi, car elle vit de l’allocation reçue du CPAS. C’est le repassage qui lui cause le plus de difficultés. Les mannes se remplissent sans qu’elle ne parvienne à s’y mettre. Sa mère, qui heureusement n’habite plus aussi près, la couve et ne parvient pas à lui laisser vivre sa vie. « Elle téléphone même pour savoir si j’ai enfin avancé dans mon repassage » confie-t-elle. Par ailleurs, il y a également l’enfant qui demande du temps, mais qui surtout l’empêche de dormir, car il refuse de s’endormir si elle n’est pas auprès de lui, et cela peut prendre une heure. Pendant ce temps-là, elle ne peut rien faire d’autre. Il semblerait que cela pourrait venir de ce que le petit se souviendrait de la tentative d’étranglement qui s’est déroulé devant lui, et qui l’a écarté de sa mère une aussi longue période. Peut-être ... Elle éprouve enfin beaucoup de mal à se lever le matin, surtout lorsque la fatigue s’est accumulée, mais c’est souvent l’enfant qui l’oblige à se mettre en route


Irène, femme d’une bonne quarantaine d’année est célibataire. Elle vit des allocations de chômage. Elle aussi espère pouvoir être reprise dans une formation à l’emploi. Par le passé, elle tenait un planning de son temps, mais devant l’impossibilité de s’y tenir, elle l’avait « bazardé ». D’une part, elle estime que la vie moderne est trop trépidante et se refuse à suivre le mouvement. D’autre part, et c’est ce qui l’interpelle le plus dans ce thème, c’est qu’il ne sert à rien, à son avis, de chercher à gérer son temps, parce qu’il y a trop d’imprévus qui viennent ensuite bousculer le programme que l’on s’est fait. « Il y a toute une série de copines qui m’appellent et qui viennent se plaindre chez moi de tout ce qui leur arrive, et ces imprévus, je voudrais bien savoir comment faire pour m’en débarrasser » précise-t-elle.


Latifa est en étape terminale de divorce. Femme battue et soumise pendant des années, elle a eu quatre enfants dont deux sont mariés et elle est grand-mère d’un petit-fils. Sans emploi, elle cherche, à 51 ans, à se former pour trouver un emploi. Elle n’a jamais éprouvé personnellement de difficulté particulière avec la gestion de son temps tant qu’elle était femme d’intérieur comme elle dit, mais à présent, les deux filles qui approchent les 20 ans et vivent encore avec elle lui posent des problèmes d’ordre et de gestion de leur temps, ce qui rejaillit sur ses propres occupations. Ses filles ne comprennent pas qu’elle ne s’occupe plus de tout dans la maison et a des occupations à l’extérieur. Le week-end, elle fuit d’ailleurs le plus souvent dans sa famille pour échapper aux tensions qui s’en suivent. Reste que pour elle-même, elle a « une horloge dans le ventre », et que ce n’est pas de ce côté qu’elle éprouve des difficultés. « Moins j’en fais, et plus je suis fatiguée » dit-elle, mais je dois quand même dormir suffisamment, ce que je ne fais pas toujours. Elle s’estime toutefois dans une période charnière. « J’étais toujours culpabilisée. J’ai beaucoup changé et je continuerai à me battre pour donner à ma vie un sens ». Elle s’estime dans une traversée de tempête et a besoin d’être rassurée. Elle précise que sur ce point, elle a heureusement trouvé sur son chemin un groupe de « Vie Féminine » qui la soutient et sur lequel elle peut s’appuyer.


Alfred espère encore trouver du travail bien qu’il approche 50 ans et n’a pas de qualification particulière. Il vit avec un fils de 20 ans. Â ses yeux, il a bien des problèmes de temps, mais pas sur le plan de la gestion de ses horaires. Il a pris beaucoup d’engagements bénévoles, trop dit-il, et s’estime ponctuel dans ses engagements et dans la gestion de son temps. Ces engagements l’ont même vraisemblablement aidé à gérer son temps et à structurer ses journées. « Et puis, ajoute-t-il, j’ai un chien qui est une véritable horloge et qui est co-gestionnaire de mon temps. Il lui faut ce qu’il lui faut, quand il lui faut. Et c’est toujours aux mêmes heures ». Par contre, il en fait tant qu’il n’a plus de temps pour lui. Il aimerait et même devrait faire des choses pour lui, mais il dit trop facilement oui à tout ce qu’on lui demande et dès lors le temps lui manque. Il a toutefois pris conscience de cela et croit être sur la bonne voie. « Je crois que je vais à présent parvenir à prendre du temps pour moi » dit-il.


Gabriel, 30 ans, est célibataire, sans emploi et sans qualification. Il est au chômage et vit chez son père, pour qui il fait de temps à autre de petits travaux. Il ne manque de rien, parce que Papa répond à ses attentes. De toute évidence, Gaby manque totalement de structuration et pas seulement en matière de gestion de son temps. « Je n’ai pas d’horaire dit-il, mais quand je veux quelque chose, je le veux tout de suite, sinon je m’énerve ». Il dit cela sans agressivité et comme avec un rien de moquerie vis-à-vis de lui-même. Il n’a aucune formation et, de son comportement, il ne semble pas impossible que seul un atelier protégé pourrait lui offrir une occupation. Le sens de la discussion semble d’ailleurs lui échapper dans une large mesure.


Francine est veuve et approche les 60 ans. Ses deux filles sont mariées et elle a toujours avec elle un garçon lourdement handicapé de 31 ans. Sa maison est impeccable dit-elle, mais elle a des ennuis perpétuels avec la gestion du temps. Le matin, elle ne parvient pas à se lever, s’estime très lente et précise par ailleurs qu’elle a horreur de devoir courir. Résultat, elle n’est jamais à l’heure et cela lui pose problème. Elle aimerait pouvoir trouver des moyens d’évoluer pour avoir plus de temps à elle et parce qu’elle enrage sur elle-même d’être comme ça. C’est que de ce fait, elle est aussi souvent en retard pour des questions administratives et il lui arrive de ne plus savoir où elle en est dans certaines affaires.


Ginette, proche de la quarantaine est divorcée et vit avec ses trois enfants une semaine sur deux. Elle est en recherche d’emploi. Elle se reconnaît dans ce qu’a vécu Latifa. Elle n’avait non plus jamais de temps pour elle. Elle n’a jamais éprouvé de difficultés particulières avec le temps. Elle aime prendre note de ce qu’elle doit faire et de ce qu’elle a fait. Elle est bien organisée et apparemment fière de l’être. Depuis son divorce et cette garde alternée, elle a beaucoup plus de temps pour elle et s’en trouve beaucoup mieux.
Jeannine, célibataire de 35 ans environ ne partagera que très peu de ce qu’elle vit. Sur le plan de la gestion du temps, elle éprouve des difficultés pratique de suivre un planning, de sorte qu’elle se trouve parfois dans des situations où elle ne sait plus très bien ce qu’elle doit faire.


Nathalie enfin, 30 ans, qui participe au groupe alors qu’elle vient de perdre un emploi suite à la faillite de son entreprise. Elle est mariée, a un enfant et bientôt un second. Elle explique qu’elle éprouve elle aussi beaucoup de difficulté à se lever, mais qu’il le fallait bien, car sans cela, elle n’aurait pas été à l’heure à son travail et que cela ne lui aurait pas longtemps été autorisé. Elle en a gardé l’habitude de mettre son réveil un quart d’heure avant qu’elle ne doit se lever, mais c’est encore difficile, et elle doit faire attention à ne pas se rendormir. Heureusement, son mari lui sert alors de second réveil. Elle dit aussi son inquiétude face à la lenteur de son enfant.


Que retirer de ces récits ?


Les notes prises par les deux animateurs au fur et à mesure de l’exposé de ces réalités vécues plus ou moins difficilement, conduisirent à une discussion sous leur conduite. Les participants mirent successivement en exergue un certain nombre de points qu’ils souhaitaient garder en mémoire comme pistes pour tenter de mieux se situer par rapport au temps et à la manière qu’ils avaient de le gérer.


Sans ordre de préséance d’une piste par rapport à l’autre, se sont dégagés les points suivants :

  • savoir s’imposer des règles et s’y tenir ;
  • trouver un juste équilibre entre les besoins de sommeil, qui varient de personne à personne, et le temps de veille. Il arrive que des personnes dorment peu d’une traite, mais qu’elles ont besoin d’une courte sieste en cours de journée pour effacer un coup de pompe, mais il faut se faire aider médicalement en cas d’une insomnie qui s’installe ;
  • être attentif et généreux vis-à-vis de ses proches, mais savoir dire non quand les choses ne sont pas possibles ;
  • essayer de faire les petites choses au fur et à mesure qu’elles se présentent : tout ce qui est fait n’est plus à faire ! Ainsi par exemple de classer immédiatement le courrier administratif. Mille petites choses qui ne demandent qu’une minute et qui n’ont pas été faites sur le champ et c’est mille minutes qu’elles demanderont d’un seul coup. Mille minutes, c’est plus de 16 heures, soit deux jours de travail ininterrompu ;
  • quand une quantité importante de travail est à exécuter, qui ne nous plaît pas trop - le repassage par exemple -, au point d’en être découragé avant de s’y mettre, ne pas chercher à tout réaliser d’une fois. Se programmer un temps pour s’y consacrer, une heure par exemple, et arrêter effectivement cette activité à la fin de ce temps ;
  • savoir se récompenser lorsque nous avons tenu un engagement pris vis-à-vis de nous-mêmes. Ainsi, après un temps de repassage accompli, s’offrir une dizaine de minutes ou un quart d’heure, ou même toute la soirée de temps pour soi, mais en veillant toutefois à en respecter également la durée prévue ;
  • trouver des trucs ou de petites récompenses pour se forcer à se lever le matin lorsque l’exercice en est pénible, mais là aussi s’y tenir. Au bout d’une certaine période d’ailleurs, le lever journalier, en fonction de ces trucs ou de ces récompenses, se fera plus aisément ;
  • tenir un planning : jour, semaine, mois et même année, afin d’éviter le stress de l’oubli. Se forcer à le tenir, à savoir dire non aux imprévus qui n’exigent pas son bouleversement, à le respecter, et à y noter au fur et à mesure les nouvelles échéances auxquelles nos activités nous ont conduits. Prendre la peine de consacrer journellement quelques minutes à la consultation du planning et même de vérifier en quoi nous nous y sommes tenus et à quoi nous avons consacré nos temps libres. Souvent, nous manquons de bien moins de temps que nous n’en perdons ;
  • mettre de manière bien classé tout ce dont nous pouvons avoir besoin, notamment sur le plan administratif : documents de l’administration, factures, garanties, modes d’emploi etc. Une minute « perdue » à classer correctement un document et c’est parfois des heures gagnées à ne pas devoir le chercher quelques mois voire quelques années plus tard ;

Une pensée d’une participante à retenir au passage et qui va bien plus loin que la boutade : « Ce qui fatigue, c’est à perdre son temps à rêver à ce qu’il faudrait bien faire, plutôt que de le faire ! ». On serait tenté d’ajouter : « Ce qui de plus nous empêche de vraiment rêver à ce qui nous ferait plaisir ».


Et les intervenants de « Couples et Familles » ont conclu cet exercice de réappropriation du temps par deux conseils :

 

  • prenez des « trucs » qui vous entraînent à structurer peu à peu vos journées. Commencez par exemple par votre mise en route et ne la laissez pas au hasard des occupations qui seront les vôtres ;
  • quelle que soit l’heure à laquelle vous vous êtes endormis, mettez votre réveil toujours à la même heure et commencez votre journée par quelques occupations, de votre toilette au petit-déjeuner, toujours dans le même ordre, et en portant attention de rendre vos gestes de plus en plus efficaces. Vous vous rendrez bientôt compte, non seulement que cela vous demandera de moins en moins de temps, mais qu’en outre, comme en écho, vous aurez tendance à mieux structurer également vos autres plages de temps et à être plus précis et plus efficace dans toutes vos activités.


Et de conclure


Il ne s’agit évidemment pas de faire de toutes nos journées des copies conformes les unes aux autres. Ce serait un non sens. Il s’agit d’en privilégier quelques points incontournables - comme de se laver ou de manger -, ou que nous nous rendons incontournables - une petite gymnastique matinale par exemple ou une marche d’une demi-heure chaque jour, choses qui sont de plus excellentes pour la santé -. Ces moments de « concentration » sur la qualité et la régularité de ces quelques activités rejailliront sur l’ensemble de la gestion de notre temps, comme sur le jugement que nous portons sur nous-mêmes.


A l’occasion d’une telle rencontre, apparaissent, au-delà du thème abordé, de nombreuses autres préoccupations d’ordre personnel, parental, éducatif ou de vie en société. Ont notamment été soulevés à cette occasion :

  • le temps de sommeil nécessaire tant aux adultes qu’aux enfants ;
  • la lecture comme moyen de formation, de délassement mais aussi d’éducation, notamment ce qui peut être lu lors de la mise au lit des enfants ;
  • le rôle des avocats dans les procédures de divorce ;
  • l’estime de soi ;
  • la relation aux parents une fois qu’on a quitté leur toit, et les difficultés de prendre la distance nécessaire à une réelle autonomie.

 

 


[1] Couples et Familles a déjà collaboré à plusieurs reprises dans les années antérieures avec l’équipe d’assistantes sociales de ce CPAS pour des démarches de formation et dd’animation d’adultes en situation précaire, fragilisée, voire déstructurée
[2] La démarche a consisté en un travail en deux temps, avec deux animateurs de « Couples et Familles ». Le premier de ceux-ci - s’exprimant d’une part comme témoin et par la suite comme « personne ressource », s’appuyait sur un récit de vie avec, pour objectif, de cerner et d’appréhender le thème au travers un vécu, mais aussi de balayer, s’il était nécessaire, les craintes que les participants auraient pu avoir de partager leur propre récit de vie.
[3] Si les récits reprennent effectivement des récits de personnes ayant participé aux formations, les prénoms sont, eux, fictifs

 

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