Analyse 2009-01

La coéducation, ou coopération entre les parents et les autres intervenants de l’éducation, se préoccupe du développement de l’enfant. Parents et enseignants se posent ensemble les questions nécessaires à sa bonne évolution.

 


La coéducation offre à l’enfant la possibilité d’être éduqué dans deux milieux différents : l’école (ou les autres lieux d’éducation pré ou para-scolaire) et la famille. Ces deux espaces sont distincts et fonctionnent selon des règles qui leur sont propres. Mais ils doivent être complémentaires, ou tout au moins harmonieux. Ils doivent coexister selon des règles et des fonctionnements spécifiques, mais qui ne se contredisent pas mutuellement. Les mécanismes mis en place par la coéducation ne doivent en aucun cas amener l’enfant à devoir faire un choix entre ces deux milieux. L’école lui offre une éducation en suivant un certain modèle, et la famille en privilégie peut-être un autre. Pour travailler dans ce double espace, le respect des différences est donc primordial. Pour permettre la coéducation, toutes sortes d’activités sont mises en place par les enseignants. Ces procédures peuvent être très simples. Par exemple, une enseignante qui commence à lire une histoire en classe aux enfants et qui leur propose de la ramener chez eux et de terminer la lecture avec leurs parents, fait de la coéducation. Les deux espaces que sont la famille et l’école deviennent ainsi des espaces éducatifs complémentaires. En fait, la coéducation se pose une question essentielle : « Que peut-on faire pour qu’un enfant se développe, non seulement avec ses parents et sa famille, mais aussi avec l’ensemble de la communauté éducative ? ». Car l’objectif principal que devraient poursuivre aussi bien les parents que les enseignants, c’est le développement de l’enfant. D’une part, la communauté éducative donne un sens à ce que les parents mettent en place, sans les juger. D’autre part, elle participe à l’éducation de l’enfant. Certains parents ont peur de l’école et se démobilisent lorsqu’ils perçoivent le début ou le risque d’un échec scolaire. Mais malgré les apparences, aucun parent ne se désintéresse de l’évolution de son enfant. Il est donc capital que parents et enseignants puissent échanger à propos du développement de l’enfant.   


Comment se construit la coéducation ?


La parentalité parfaite n’existe pas. Il n’y a pas de parents parfaits. Un parent est nécessairement défaillant, limité. Ce sont d’ailleurs ses lacunes qui aident l’enfant à se construire. Si un parent est nécessairement imparfait, il en va de même pour l’enseignant. Les enseignants comme les parents doivent pouvoir reconnaître et accepter leurs limites respectives. Et c’est dans cette reconnaissance de la nécessaire imperfection éducative que la coéducation va pouvoir se construire.Les éducateurs doivent se poser ensemble les mêmes questions, et ne pas chercher à apporter systématiquement une réponse à l’autre. Un autre mécanisme est indispensable à la coéducation : le professionnel doit renoncer au jugement, même si le parent qui se trouve en face de lui ne correspond pas exactement à ce qu’il attend d’un parent idéal. En fait, l’éducateur ne peut pas être un modèle parfait. C’est parfois en cherchant à répondre aux mieux aux besoins de l’enfant que les parents provoquent le plus de dégâts. Ainsi, quand le parent est à l’affût des moindres besoins de son enfant et qu’il y répond en permanence, il y a de grands risques à ce que cela produise un enfant totalement incapable de vivre des frustrations.  L’enfant se construit dans le manque. L’éducation étant incomplète, l’enfant a la possibilité de mentaliser tout ce qui lui manque, et d’ainsi se poser des questions. Les parents doivent accepter l’idée que parfois, il peut leur arriver d’être injustes. Car c’est de cette manière que l’enfant se rendra compte que l’injustice existe. Si le parent tente de persuader son enfant que l’injustice n’existe pas, le jour où il y sera confronté, il ne saura même pas y mettre un nom. Comment nommer quelque chose que l’on n’a jamais conçu ? L’éducation est donc nécessairement imparfaite et il ne s’agit pas seulement d’une limite, mais parfois d’une occasion de réagir positivement. Elle peut toutefois être balisée par un certain nombre de repères, de référentiels, qui sont fixés par le professionnel. Ils permettent de savoir vers où l’on va dans l’éducation. Lorsqu’un parent demande à un professionnel d’analyser sa manière d’éduquer, le spécialiste doit pouvoir déterminer en quoi ce que le parent fait est profitable, ou non, au développement de l’enfant.  


La coéducation n’est pas toujours évidente


Les relations entre l’école et la famille ne sont pas toujours évidentes. Il est fréquent d’entendre des enseignants se plaindre des familles et, réciproquement, d’entendre les griefs des parents vis-à-vis des enseignants. Souvent, les uns et les autres vivent dans une sorte de paix armée : pour les parents, l’enfant se comporte mal en famille à cause de l’école (mauvaises fréquentations, manque de discipline et d’exigences, etc.). Pour les enseignants, si l’enfant rencontre des difficultés à l’école, c’est à cause des parents, qui ne soutiennent pas les démarches éducatives des enseignants. Les mécanismes de coéducation ne sont donc pas toujours faciles à mettre en place.  Ce n’est pas simple d’éduquer ensemble et la coéducation comporte de nombreux pièges. De plus, dans les établissements scolaires, les initiatives de coéducation sont malheureusement souvent prises par un enseignant isolé, et se réduisent à une seule classe, qui se développe un peu comme une île. Bien souvent, en termes de coéducation, la communication entre enseignants est mauvaise. Habitués à un certain individualisme, parce qu’ils doivent assumer seul le groupe classe dont ils ont la charge, les collègues ne prennent pas souvent le temps de se raconter ce qu’ils font et mettent en place dans leurs classes respectives. La coéducation est donc pratiquée de manière isolée. Une autre grande difficulté réside dans le fait qu’il n’existe pas de diplôme de parent. Dans les sociétés traditionnelles, c’était les parents qui lançaient leurs enfants dans la vie, par une multitude de rituels. C’est eux qui déterminaient si leurs enfants avaient été de bons ou mauvais fils ou filles. Aujourd’hui, ce processus est inversé. Il n’y a plus de rituels, et ce n’est plus le parent qui est considéré comme le détenteur du « savoir », comme celui qui juge si l’enfant est valable ou non. C’est l’enfant qui détermine si ses parents ont été – ou non – acceptables. Et les personnes extérieures jugent les parents selon le comportement de leurs enfants. Conséquence : la parentalité est devenue terriblement difficile à mettre en jeu dans les relations avec les autres, et notamment avec les professionnels de l’éducation.   


Comment mettre la coéducation en place ?


Les espaces de coéducation devraient être des endroits dans lesquels on se rencontre et on échange, et qui permettent d’avancer ensemble. Ce n’est pas nécessairement en expliquant ce qu’est la coéducation qu’on la favorise. C’est plutôt en mettant en place des initiatives qui permettent aux parents de la vivre, au travers de différentes expériences, en partenariat avec les professionnels. Et les moyens à mettre en Å“uvre sont souvent très simples et existent déjà, même s’ils ne sont pas utilisés dans cette logique. Lorsque l’enseignant met certains médias scolaires en place - comme le bulletin, le journal de classe ou le devoir, par exemple - il fait de la coéducation. Il doit ensuite expliquer aux parents le fonctionnement de ces différents médias. Prenons l’exemple du bulletin scolaire. Tant que les parents utiliseront les bulletins scolaires comme des thermomètres pour vérifier l’état de santé ou l’intelligence de leurs enfants, ils passeront à côté du sens même des médias scolaires, dont l’objectif premier est de faire participer la famille au développement de l’enfant. Lorsque l’on est arrivé à s’entendre, dans les deux espaces, sur la définition du média scolaire, et qu’on a banni le jugement de l’autre, on a mis en place les conditions nécessaires à la coéducation, pour le plus grand bien et développement de l’enfant(1).      

 

 


 

(1) Analyse rédigée par Isabelle Bontridder (Couples et Familles) au départ d’une rencontre-débat animée par Bruno Humbeeck, travailleur psychosocial, dans le cadre des Midis de la Famille organisés par l’échevinat de la Famille de la Commune d’Ixelles, en partenariat avec diverses associations, dont Couples et Familles.    

 

 

 

Masquer le formulaire de commentaire

1000 caractères restants