Analyse 2009/08

Les enfants sages peuvent être rassurés, saint Nicolas et le Père Noël se portent bien. La crise affecte de nombreux secteurs économiques, mais pas le secteur du jouet. Faut-il s’en réjouir ? Quelques éléments d’analyse.


Après les dépenses de la rentrée des classes, les parents le savent, il faut se préparer à mettre à nouveau la main au portefeuille. Saint Nicolas n’est pas loin. En octobre dernier, alors que les premiers catalogues de jouets arrivaient dans les boites aux lettres, plusieurs médias annonçaient une hausse des prix variant de 5 à 15% par rapport à l’année précédente. Le temps qu’un vent de panique souffle sur les familles comptant encore des enfants en âge de vénérer le grand saint… et le secteur du jouet réfutait les chiffres avancés. Sauf cas particuliers, les prix seraient plutôt à la baisse. « Sur les 15000 jouets référencés chez nous, affirme Cédric Haleng, responsable marketing chez Broze, on constate, en moyenne, une diminution de 3%. »

 

Les ventes progressent


Ce qui semble sûr, c’est que la situation économique n’affecte pas le marché du jouet. « Notre branche est relativement stable, et à peine touchée par la crise », a souligné Rolf Burri, président de l’association suisse des jouets, lors de l’ouverture à Berne du dixième salon Swiss Toy, qui est un peu l’équivalent du Salon de l’auto, mais pour les jouets. Il a ajouté que le secteur s’attendait à une croissance de 3 à 4% en 2009, estimant que les familles épargnaient plutôt dans d’autres domaines que celui des jouets de leur progéniture. C’est ce qui fait dire à Camille Foutz, conseillère spécialisée chez NPD (1), que le marché du jouet affiche en Belgique « une santé insolente. Sur les six premiers mois de 2009, le chiffre d’affaires est en hausse de 6,7% par rapport à la même période en 2008 ».Bref, malgré la crise qui s’insinue dans tous les secteurs depuis plus d’un an, Saint Nicolas ne devra pas licencier. Non seulement les familles se priveraient de beaucoup d’autres produits de consommation avant de toucher aux jouets de leurs enfants, mais il semble même que la crise accentue la tendance à investir dans le jeu. En période économique plus difficile, les familles diminuent les loisirs extérieurs et renforcent les loisirs domestiques, généralement moins coûteux : une soirée de Trivial Pursuit, c’est moins cher qu’une soirée au cinéma et on peut y rejouer le lendemain.  


Bon signe pour les enfants ?


Que penser de cette bonne santé du secteur du jouet ? Face aux difficultés rencontrées par d’autres secteurs économiques, il serait difficile de regretter que ce secteur ne semble pas touché par la crise. Il faut sûrement se réjouir également de la priorité accordée par les parents au bien-être de leurs enfants. Dans une société de consommation, en effet, on a l’habitude de marquer son attachement aux autres par des objets : « qui aime bien offre des cadeaux ». Mais on peut peut-être porter un regard critique sur cette habitude de comportement. Aimer ne veut pas nécessairement dire acheter. Certains font remarquer que de nombreux parents soignent leur culpabilité de ne pas consacrer assez de temps à leurs enfants en leur achetant davantage de jouets. C’est l’effet des longues heures consacrées au travail professionnel, mais cela se marque aussi dans les situations familiales où les parents sont séparés et s’efforcent de marquer leur attachement à leurs enfants qu’ils ne voient plus aussi souvent de cette manière. L’augmentation des chiffres de ventes n’est donc pas nécessairement une bonne nouvelle pour les petits.La bonne santé du secteur du jouet, c’est peut-être surtout le signe de la grande efficacité des campagnes de marketing, qui redoublent d’originalité pour actionner la corde sensible de l’amour parental. Les publicités colorées pour jouets qui se déversent en grande quantité dans les boîtes aux lettres dès le mois d’octobre commencent déjà d’éveiller les désirs des plus jeunes comme des aînés. Puis les campagnes promotionnelles (moins 10% cette semaine sur tous les jouets, alors que nous affichons les prix les moins chers) tentent de convaincre les indécis. Et puisqu’une grande chaîne de distribution (Carrefour) propose désormais sa propre carte de crédit, il est même possible d’étaler ses payements sur le reste de l’année. Avec un intérêt au passage, bien sûr, et un risque d’endettement accru… Cela non plus n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les familles, en particulier celles que la crise a précarisées.


Quels jouets ?


Mais il n’y a pas que l’argent dépensé qui entre en ligne de compte. Un jouet n’est pas l’autre et tout dépend aussi de ce que l’on achète. Les jouets ont d’abord pour but le développement harmonieux de l’enfant et ils ne s’évaluent pas uniquement en termes de volumes de ventes ou de chiffres d’affaires. Entre le « n’importe quoi » marqué à l’effigie du personnage de BD à la mode ou du dernier succès de l’industrie du cinéma, et un jeu éducatif qui pourra durer de longues années, il y a des différences. L’un des efforts du marketing est d’ailleurs d’orienter les achats vers des produits renouvelables. Ainsi, dans ce secteur en plein santé, les peluches poursuivent leur dégringolade (15% de ralentissement des ventes). « On est là dans le jouet traditionnel qui a bien du mal à se renouveler, observe Camille Foutz. Non seulement c’est très difficile d’innover, mais en plus c’est l’un des principaux secteurs d’attachement pour l’enfant. Autrement dit, il se séparera plus difficilement de ses peluches que de ses autres jouets, ce qui ne favorise pas les ventes. » En d’autres mots, pour qu’un jouet soit un bon produit commercial, il faut qu’il attire l’enfant… mais que celui-ci ne s’y attache pas trop. Pour qu’il paraisse dépassé l’année suivante et que l’on puisse vendre autre chose. C’est une caricature un peu cynique, mais elle rappelle que les parents qui veulent marquer leur attachement à leurs enfants par le biais des jouets sont donc peut-être floués dans la manÅ“uvre : l’intérêt économique du vendeur est parfois en opposition avec l’objectif poursuivi par le parent lorsqu’il offre un jouet à son ou ses enfants.


Des alternatives


Aussi, les parents ont sans doute intérêt à porter un regard critique sur le phénomène, à analyser leurs motivations, les motivations de l’enfant qui demande un jouet plutôt qu’un autre… et les motivations des marchands. Cela permettra déjà un premier tri entre les envies uniquement motivées par la publicité et celles qui répondent aussi un à objectif plus éducatif, étant entendu que le simple divertissement est lui aussi être éducatif. Cette première sélection effectuée, pour ceux qui veulent gâter leurs enfants sans y sacrifier leur budget, des alternatives existent. Dans les semaines qui précèdent la saint Nicolas, des bourses ou brocantes aux jouets sont organisées un peu partout par la Ligue des Familles ou d’autres associations, certaines écoles ou associations de parents. Certains jeux et jouets sont très intéressants mais ne correspondent qu’à une tranche d’âge bien précise (un peu comme les vêtements). Passée cette étape du développement de l’enfant, il y a peu de chance qu’il y revienne. Ce sont donc parfois des jeux et jouets quasi neufs qui sont proposés à la vente dans ces bourses aux jouets. Autant en profiter !Pour ceux qui veulent acheter du neuf, l’analyse des prix d’un même jouet dans différents magasins permet parfois des économies substantielles : une même table d’activités musicales se vendait fin octobre 2009 à 39,95 € ou à 53,95 € selon qu’on l’achetait chez Broze ou Maxitoys (2), deux chaînes de magasins spécialisées dans le jouet. Cela fait tout de même une différence de plus de 25%, dans des chaînes de magasins qui basent peurs publicités sur leurs bas prix.Reste aussi l’achat via internet. Pour ceux qui veulent recourir à ce mode de recherche et d’achat, il existe des comparateurs de prix (Ciao, Kelkoo) qui vous orientent vers les meilleurs offres. Cela peut aussi aider à faire quelques économies.Pas de souci donc, que l’on soit plutôt dépensier ou économe, plutôt ludique ou éducatif, fan du jouet à la mode ou alternatif, saint Nicolas en a pour tous les goûts et son action ne cesse de grimper.  


En bref


L’important est de ne pas se laisser (trop) influencer par la publicité, de faire une de ses motivations comme de celles de ses enfants, et de ne pas hésiter à recourir aux achats intelligents ou alternatifs.Après ces quelques précautions, restera la magie des fêtes et le regard émerveillé des enfants découvrant leurs cadeaux dans la cheminée ou sous le sapin(3).     

 


 


(1) Groupe international d’étude des habitudes d’achat des consommateurs.
(2) Sondage réalisé par le groupe Vers l’Avenir, 24/10/2009.
(3) Cette analyse, rédigée par José Gérard, a été publiée sous une forme différente dans le magazine L’Appel de décembre 2009.

 

 

 

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