Analyse 2021-10

La crise de la Covid a eu et a toujours des répercussions sur nos vies, quel que soit notre âge et nos situations. Mais force est de constater que certains en souffrent plus que d’autres, comme les personnes psychologiquement fragiles, malades, âgées, en précarité financière… Dans cette analyse, Couples et Familles à voulu se pencher sur l’impact de la pandémie sur les jeunes. 

Cette période de pandémie et de confinement est vécue de façon différente par chaque individu. Certains y trouveront une période de tranquillité et de méditation tandis que d’autres la subiront comme un désastre absolu humainement ou professionnellement. Les réalités des uns et des autres sont très différentes selon les situations de chacun. 

La Covid-19 a un impact sur le plan physique, mental et social. Les impacts directs sont liés aux conséquences de la maladie tandis que les impacts indirects sont les conséquences des réponses sociales qui ont dû être prises suite à la pandémie, comme la distanciation sociale, le confinement, la quarantaine, le port du masque… L’Organisation Mondiale de la Santé – OMS – rappelle qu’il n’y a pas de santé sans la santé mentale. Celle-ci correspond à l’état psychologique ou émotionnel de la personne, à un moment donné. Elle est affaire d’équilibre. Si l’équilibre se rompt, des troubles peuvent apparaître, tout d’abord caractérisés par un mal-être : la personne peut se sentir irritable, souffrir d’ennui, sombrer dans le pessimisme, souffrir de troubles du sommeil… Si ce mal-être n’est pas pris en considération et s’aggrave, on se dirige alors vers des troubles avérés : troubles anxieux, dépressions, addictions (à l’alcool, aux drogues, etc.), comportements auto-agressifs, voire suicidaires. Or, chaque mesure sociale prise pour lutter contre cette pandémie (confinement, port du masque, bulle sociale…) peut avoir un impact sur la santé mentale et être un facteur de stress1.

L’étude « Covid et moi » réalisée par l’UCL2 s’est intéressée aux conséquences de ces mesures sur la santé mentale de la population. Elle révèle que 52% des répondants à l’enquête sont en état de mal-être psychologique. À titre de comparaison, l’enquête de santé de 2018 chez les Belges, réalisée par Sciensano3 mesurait que 18% de la population est habituellement en situation de mal-être. L’étude « Covid et moi », révèle que ce mal-être n’atteint pas toutes les personnes de la même façon : 56% des femmes ressentent ce mal-être contre 42% des hommes. L’étude révèle également que le mal-être actuel diminue avec l’âge : il est de 64% chez les 15-24 ans, 58% chez les 35-44 ans et de 32% chez les personnes de plus de 65 ans. Ce qui semble démontrer que plus on est jeune, plus les mesures prises suite à la pandémie sont compliquées à vivre. La détresse psychologique s’explique essentiellement par l’isolement, le faible support social et le peu d’activités possibles. Pour les jeunes, la peur du virus Covid-19 représente seulement 1% des changements dans le bien-être psychologique. 

Les étudiants face au Covid

D’après l’étude de la professeure Fabienne Glowacz4 ce sont les 18-30 ans, dont la moitié sont des étudiants, qui apparaissent comme les plus fragilisés psychologiquement durant cette période de confinement. 

80% des étudiants se sentent partiellement ou totalement fragilisés psychologiquement par le contexte. Les raisons sont multiples, on peut toutefois pointer le manque de contact social, la solitude, la colère par rapport à la situation et à la gestion qui en est faite. 

En effet, les étudiants souffrent de solitude. Ceux de 1ère année n’ont pas eu le temps, lors de la rentrée académique, de se créer un réseau social, car ils n’ont eu que peu de cours en présentiel et aucun évènement estudiantin n’a pu avoir lieu. Le fait de ne pas avoir pu lier des contacts lors de leur entrée dans l’enseignement supérieur engendre de l’angoisse et de la démotivation. Certains étudiants ne savent pas à qui demander de l’aide s’ils ne sont pas en ordre ou bien s’ils ont des difficultés à comprendre quelque chose. Prendre la parole lors des cours en ligne est parfois très pénible pour certains, ce qui engendre un mal-être psychologique. Dans le même ordre d’idées, la plupart des activités sportives ou culturelles ont été annulées ou postposées, la décompression post-examens en janvier n’a pas été possible…  

Parmi ces étudiants de 1ère année, 35%  se disent peu, pas du tout ou totalement insatisfaits des cours à distance et ce pour de multiples raisons, comme le fait qu’ils ne correspondent pas à la pratique dont ils ont besoin, qu’ils rencontrent des difficultés techniques telles qu’une mauvaise couverture internet, certains manquent de matériel nécessaire – selon la Fédération des Etudiants Francophones (FEF)5, un étudiant sur 25 ne serait pas équipé numériquement, les alternatives proposées ne sont pas pédagogiquement pertinentes ou encore que le suivi n’est pas organisé par le titulaire de cours. Le manque de contact social est un énorme frein à leur intégration. 25% de ceux-ci ne se sentent pas intégrés dans l’enseignement supérieur. La transition dans l’enseignement supérieur à été mal vécue par 21% des étudiants. Une transition déjà peu évidente en temps normal mais qui a été encore plus difficile dans le contexte de la pandémie. Déjà, en juin dernier, les rituels de passage des rhétoriciens que sont le bal de fin d’année et la célébration de la remise de diplôme n’ont pu avoir lieu, ou ont été réduits comme une peau de chagrin, laissant les futurs étudiants avec un goût d’inachevé. 

Malheureusement, et ce malgré les tentatives d’aides des universités et hautes écoles, ainsi que de certaines communes mettant par exemple, du matériel informatique à disposition, certains étudiants décrochent. La FEF indique que 60% des étudiants se sentent complètement ou partiellement en décrochage scolaire. Souvent parce qu’ils n’arrivent pas à se concentrer sur leurs cours en ligne et/ou que leur état psychologique les mène à une incapacité à suivre leurs cours ou bien qu’ils n’arrivent simplement pas à les suivre. Seulement 14,8% d’étudiants, tous types d’enseignement et d’années confondus n’expriment aucun problème pour travailler. 

Précarité des jeunes

Les jeunes adultes, qu’ils soient étudiants, travailleurs ou chercheurs d’emploi sont également plus impactés que toutes les autres tranches d’âges par les retombées économiques de la pandémie. Celle-ci a amplifié une situation économique qui existait déjà, à savoir : les bas salaires, la stagnation du marché du travail et l’augmentation de la dette étudiante. 

Une année d’étude coûte entre 8000 et 12000 euros6. L’enquête de la FEF7 révèle qu’un étudiant sur quatre travaille pour payer ses études, or, beaucoup ont perdu leurs jobs étudiants. Si la majorité des étudiants bénéficient de la solidarité familiale pour payer leurs études, il est à révéler que la précarisation actuelle de la société due à la crise sanitaire aura sans doute un impact sur l’accès à l’enseignement supérieur. 

La FEF dénonce la volonté de la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, de bloquer la progression des étudiants s’ils ne valident pas leurs 60 crédits de première année et leur exclusion du système d’enseignement supérieur s’ils ne valident pas l’ensemble de ces crédits au bout de deux années. La FEF estime que ces mesures sont injustes car elles impactent directement les étudiants les plus précarisés et que le gouvernement doit prendre des mesures qui permettent aux étudiants précarisés d’avoir accès à l’enseignement supérieur. 

Concrètement, en terme de chiffres, l’enquête de la FEF révèle que 32% des étudiants ont davantage de difficultés à payer leurs études en cette période de pandémie et que parmi ceux-ci, 23% ont été impactés sur leur capacité à payer leurs frais scolaires, 25% sur leurs frais alimentaires, 14% ont des difficultés à payer leurs frais de santé et pour 11% d’entre eux, il devient impossible de payer leur loyer. 

Pour Christine Mahy, secrétaire générale et politique du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), militante pour une société collective et plus juste, il est aberrant que certains étudiants issus de milieux peu favorisés, vivent bien souvent un parcours du combattant pour pouvoir mener à bien leurs études. « Devoir à la fois étudier, travailler, faire des démarches et se justifier auprès du CPAS, loger dans un kot insalubre, s’organiser pour les déplacements,  parfois aussi aider sa famille, c’est très compliqué. Beaucoup craquent et arrêtent leurs études8 Pour elle, il faut dénoncer cette société où l’on considère normal de devoir trouver un job pour payer ses études et pour pouvoir manger. 

Afin de pallier cette précarité estudiantine, elle préconise pour sa part de « développer une politique qui offre la possibilité à n’importe quel jeune de pouvoir faire des études en étant seulement étudiant. Plusieurs pays ont adopté un système efficace qui permet à ces jeunes en difficulté d’être financés pendant le temps des études9. » Pour Christine Mahy, il faudrait aller vers quelque chose de semblable pour tous ceux qui en ont besoin. En effet, trop de jeunes ne peuvent entamer ou poursuivre leurs études supérieures uniquement pour des raisons financières10. Deux députés du CDH, Gladys Kazadi et Christophe De Beukelaer avancent aussi quelques pistes pour venir en aide aux étudiants pour lutter contre cette précarité, comme de raccourcir le stage d’insertion professionnelle à 6 mois au lieu d’1 an et ainsi que les jeune diplomés puissent recourir aux aides financières plus rapidement. Dans le même ordre, la suppression de la limite d’âge de 25 ans permettrait de pouvoir bénéficier des allocations d’insertion professionnelle. 

La crise aura permis de mettre en lumière les difficultés vécues par les jeunes, qu’elles soient psychologiques ou financières. Le monde politique doit prendre en considération toutes ces difficultés, surtout celles qui ont été révélées par la crise comme la précarité estudiantine. Il n’est évidemment pas normal qu’à l’heure actuelle, et même sans crise, que chaque jeune ne puisse, s’il le souhaite, faire des études en toute sérénité, sans se soucier de questions financières. Car aujourd’hui, plus que jamais, « la jeunesse est l’espoir des lendemains11. »12 

 

 

  

 

 

 


1 Conférence « Santé mentale et covid 19 » (en ligne), Jérôme Petit, Criminologue, Chargé de Projets, Programme de Consultation et de Liaison Intersectorielle, Réseau Santé Kirikou (30 avril 2021). 

2 UCLouvain, « Covid et moi », https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/irss/covid-et-moi.html [en ligne] (page consultée le 15 juin 2021).

3 Sciensano, « Santé et qualité de vie - Résumé des résultats », enquête de santé 2018.

4 Glowacz, F., & Schmits, E. (2020). Psychological distress during the COVID-19 lockdown: The young adults most at risk. Psychiatry research, 293, 113486. 

5 FEF, « Rapport d’enquête sur les effets du Covid (2e vague) », 11p. (9 novembre), consulté en ligne le 15 juin 2021, https://fef.be/2020/11/12/rapport-denquete-sur-les-effets-du-covid-2e-vague/ 

6 HULLEBROECK Patrick, « Covid-19: l’An nouveau, meilleur que le précédent? », La Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente asbl, 11 février 2021. Consulté en ligne le 15 juin 2021, https://ligue-enseignement.be/covid-19-lan-nouveau-meilleur-que-le-precedent/ 

7 Voir note n°5.

8 Entrées libres n°159 – mai 2021 – Marie-Noëlle Lovenfosse – consulté le 1 juin 2021.

9 Entrées libres n°159 – mai 2021 – Marie-Noëlle Lovenfosse – consulté le 1 juin 2021.

10 Entrées libres n°159 – mai 2021 – Marie-Noëlle Lovenfosse – consulté le 1 juin 2021.

11 Sophia Sherine Hutt – Najoua -  Roman de société – Edilivre - 2013.

12 Analyse rédigée par Sophie Louis.

 

 

 

 

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