Analyse 2023-15
Sorti en salles le 19 juillet 2023, le film « Barbie » est une transposition « live action » de la poupée éponyme et de son univers. Ce blockbuster réalisé par Greta Gerwig (Lady Bird) a été annoncé comme la comédie satirique féministe de l’été. En ce sens, il était très attendu par le public… et la critique. Avec plus d’un milliard de dollars récoltés en quelques jours, « Barbie » s’est imposé comme l’un des plus gros succès contemporains. Ce en dépit d’une critique acerbe. Couples et familles compare les deux camps et tente de tirer un portrait du féminisme moderne qui fait son succès.
« Barbie » est un long métrage britanico-américain de 1h54 réalisé par Greta Gerwig, qui en signe aussi le scénario avec son compagnon Noah Baumbach (White Noise). La Barbie principale – dite stéréotypée – est interprétée par Margot Robbie (Le Loup de Wallstreet, Suicide Squad) et « son » Ken par Ryan Gosling (Drive, La La Land). Annoncé à grand renfort de campagne publicitaire1, ce film ambitieux devait être à la fois la comédie de l’été, le blockbuster de l’année et la révolution féministe du cinéma. S’il coche au moins une case, deux selon les goûts… la troisième est discutable. Justement, discutons-en !
Le synopsis
À Barbieland, les femmes – des Barbie pour la plupart – occupent les sphères de pouvoir. Tandis que les hommes – principalement des Ken – n’existent qu’à travers elles. C’est un monde rose et lisse, fidèle à l’esprit de la gamme. Mais de l’autre côté du miroir, dans le vrai monde, la société Mattel tire les ficelles de Barbieland, dirigée par un comité machiste de joyeux loufoques. Un jour, Barbie stéréotypée nourrit des idées noires avant de se découvrir les pieds plats et un brin de cellulite… Pour sauver sa barbietude, elle entreprend une quête initiatique dans le vrai monde en compagnie de Ken « plage » qui désespère d’obtenir sa considération. Là-bas, elle rencontre une fille rebelle et sa mère tourmentée, employée chez Mattel. Toutes trois finiront par s’aider mutuellement à surmonter leurs difficultés. Pendant ce temps, Ken découvre le « patriarcat » et l’instaure à Barbieland, ce qui remet radicalement en cause l’ordre établi.
L’adhésion du public
Presque partout dans le monde2, le public – surtout féminin – s’est déplacé en masse pour apprécier ce nouveau « Barbie » prometteur. Rien d’étonnant après un « matraquage promo turbo-bourrin3 » qui a su rallier des complices tels que Starbucks, Zara, Xbox ou Burger King. Il faut dire aussi qu’au-delà de ça, le casting fait rêver : Margot Robbie ressemble à s’y méprendre à la poupée originale, tandis que Ken devient enfin un personnage de premier plan grâce à un Ryan Gosling très inspiré ; lequel vole même la vedette à Barbie… Un comble pour la tentative de coup de poing féministe4. Côté réalisation, l’adaptation de l’univers rose bonbon de Barbie atteint un niveau de perfection qui fait l’unanimité. Côté interprétation, les actrices et acteurs semblent au sommet de leur forme, insufflant humour et panache au gré des travellings incessants, ce qui confère au film, paraît-il, un dynamisme constant. Voilà, peu ou prou, les arguments positifs retenus par la critique. Pour le reste, les avis divergent entre le public, assez séduit, et les critiques, pour la plupart incendiaires, parfois en demi-teinte, mais rarement élogieuses. Les plus favorables décrivent « une production drôle et inventive5 » « avec ce qu’il faut d’innocence et surtout de sensibilité artistique6 » et « unique dans son jusqu’au-boutisme7 ». Quant au public, il désigne « un film aussi décalé qu’intelligent8 ! », « une vraie bouffée d'air décomplexée, sur-colorée, au débile assumé9 », ajoutant parfois que « c'est surtout une œuvre féministe, car l'histoire se résume à Barbie qui va découvrir son libre arbitre, en faisant fi des hommes et d'une vie pépère10 ».
S’il a surtout aimé l’humour, le public n’a pas manqué d’être touché par une revendication « féministe » omniprésente, annoncée en force dès la première scène11. Une démarche progressiste au regard des précédentes adaptations animées de Barbie12. Écran Large évoque « un regard féministe et réflexif dans un écrin de comédie délirante13 ». La Magie du Cinéma salue « une ode à l’égalité14 » qui « ouvre une vraie réflexion politique et sociétale au ton humoristique15 ». Cependant, la plupart des critiques cinéma considèrent tout de même, et fort heureusement, que ce genre de sujet, s’il peut être tourné en dérision, mérite d’être traité avec discernement. Ce qui n’est pas le cas dans « Barbie ». Par ailleurs, les commentaires de spectatrices déçues, voire ulcérées, sont tout de même légion16. Quant aux quelques spectateurs, ils s’avouent rarement convaincus… et pour cause, un sentiment d’être tournés en ridicule, insultés, ou d’avoir servi de potiche à côté de madame… Sur ce coup-là, on peut reconnaître à Greta Gerwig un don dans l’art d’inverser les rôles ! En revanche, on déplorera sa prise de position très floue quant à l’élaboration d’une société plus égalitaire. Dans « Barbie », les femmes sont solidaires, mais dès qu’il s’agit du couple, c’est chacun pour soi. Comment, dès lors, poser les bases d’une société plus équilibrée en partant d’une philosophie qui promeut l’union des femmes contre l’esprit masculin ?
Le féminisme de Barbieland
L’idée force de la réalisatrice est une caricature inversée de notre société dite patriarcale17, afin de mettre en lumière ses travers (oppression, dénigrement, machisme, inégalités…) par le biais d’une satire qui se veut fun. Mais elle se révèle « extrêmement immature dans la façon de transmettre son message18 » au cœur d’un discours asséné à coups de massue et emprunt d’un « didactisme lourdaud19 ». On y répète en boucle les mêmes idées jusqu’à saturation20, sans aucun prolongement réflexif. Par exemple, le mot « patriarcat » rebondit sottement d’acteur en acteur, comme un ballon hors de contrôle, sans jamais atteindre son but : le terme n’est ni expliqué ni contextualisé, il se résume à un mal masculin auquel s’oppose le féminisme dans un équilibre manichéen. La morale, répétitive, se limite à un « féminisme de surface21 » – que certains qualifient de bourgeois22 – porté par un scénario simpliste où tout se lit au premier degré23, là où un public plus critique attendait une prise de risque et une réflexion de fond24. À titre d’idées, voici quelques faits notables qui auraient pu faire l’objet d’une auto-critique sincère : – 1 – Le fait que la Barbie originelle fût inspirée par une poupée érotique allemande tirée d’une héroïne coquine de bande-dessinée25, 26 et offerte aux enterrements de vie de garçons. – 2 – Le fait que Mattel cible un public féminin en inondant de rose les magasins, alors que les questions d’égalité des genres font débat27. – 3 – Le modèle physiquement inatteignable des poupées, qui favorise les complexes… On notera que les actrices et acteurs sont fidèles au concept (ici, on renforce le stéréotype en voulant le critiquer28). – 4 – Le fait que jouer à Barbie ait participé à limiter le choix du métier des petites filles, en renforçant l’estime négative de soi29 ainsi qu’un sentiment d’intelligence inférieure30, 31.
Pour plaire au plus grand nombre, l’industrie consumériste sacrifie la réflexion au profit du délassement. En prime, le film en profite pour instiller çà et là des idées prémâchées à propos d’un soi-disant féminisme, peut-être susurrées par Mattel (coproductrice) aux oreilles des scénaristes32. La firme s’offre ainsi un gigantesque feminism washing33 tout en réécrivant son histoire : si leur poupée Barbie est présentée d’emblée comme inclusive, c’est sans préciser qu’il s’agit d’une préoccupation récente (liée jadis à une chute du chiffre d’affaire) après des décennies au service du culte de la beauté occidentale34. Pire, Mattel donne l’illusion de son auto-critique en laissant Gerwig pointer ses faiblesses, mais sous-entend aussi n’avoir aucune raison de changer sa politique35. Sur ce point, Couples et Familles met en garde contre un message commercial qui ne vise ni l’émancipation des femmes, ni l’équilibre d’une société égalitaire, mais se contente de flatter l’Ego des jeunes femmes en nourrissant la nostalgie de leurs mères.
Un féminisme conciliant
Bien sûr, tout le monde ne partage pas cette volonté de combattre la marque et les valeurs qu’elle véhicule. La presse mainstream salue même l’effort. Femmes d’aujourd’hui, par exemple, entend remettre l’église au milieu de Barbieland : « Barbie travaille, s’amuse, vit des tas d’aventures, embrasse toutes les carrières qui lui chantent. En tout cela, elle est émancipatrice36 ». En guise de conclusion, l’article invite à « arrêter de limiter Barbie à son physique » après avoir défendu une société Mattel repentie, dont la poupée représente « un rôle-modèle pour toutes ces petites filles qui, vers 5-7 ans déjà, perdent foi en leur potentiel de déploiement ». L’article avance même que cela a été prouvé par des recherches financées par Mattel qui « s’investit activement dans sa mission d’empowerment37 ». Pourquoi avoir financé de telles recherches ? Et qu’est-ce qu’un rôle-modèle, si ce n’est celui qu’on veut bien y voir ? Celui qu’on souhaite transmettre ou qu’on transmet malgré soi ?
Une confusion de genre
Dans son développement simpliste, le film confond sur la forme parodie et satire, et sur le fond, féminisme et matriarcat. À force de simplifier le propos et de grossir la caricature, on perd l’essence du message initial qui est que les femmes prennent leur destin en main, s’affranchissent du regard masculin et fassent leurs propres choix38. Mais n’a-t-on pas déjà dépassé ce stade dans la réflexion féministe ? Le film ne se contente-t-il pas de « défoncer des portes ouvertes39 » et de prêcher un public convaincu40 ? Justement, l’objectif est peut-être de surfer sur la vague d’un postmodernisme convenu… où l’ironie critique fait partie du produit. Car le but de Mattel reste de vendre – G. Gerwig n’en est pas dupe41 – et si pour y parvenir elle doit nous faire intégrer que Barbie est inclusive, cool, rebelle et féministe, tout en nous suggérant de maintenir nos habitudes consuméristes et de nourrir encore un peu le clivage des genres en attendant qu’on trouve mieux, elle le fera (et le fait d’ailleurs) sans réserve42. Le film « Barbie » en est l’illustration.
Dans L’Obs, Patric Jean, réalisateur du documentaire La domination masculine43 (2009), analyse cette ambivalence : il y voit un « simple signe d’une révolution en cours44 ». Selon lui, l’émergence du concept d’égalité transforme progressivement notre société. Au point que des entreprises comme Mattel comprennent qu’elles doivent modifier leur image coût que coût pour survivre45. Preuve en soi que notre société tend, à son rythme, vers l’égalité des genres. A contrario, plusieurs pays (Koweït, Algérie, Liban) ont interdit le film, ce qui rappelle qu’un fossé existe entre notre « public convaincu » et des mentalités plus réservées en matière de droits des femmes.
La Barbie du futur...
Soit, la Barbie du futur sera féministe, car elle se doit d’être tout et tout le monde. Mais elle le sera à sa manière : dans le vent46. Car il ne faudrait tout de même pas que les petites filles, en proie à un questionnement féministe, cessent soudainement de jouer à Barbie… ni de demander à maman ou papa de la leur acheter. Surtout quand on suppose que c’est avant tout maman qui tient les rennes du shopping47, 48. Qu’elles continuent bien de jouer à être Barbie « pilote de ligne » ou Barbie « entrepreneuse » tant qu’elles restent des petites filles sages qui habillent des poupées…
« Barbie » n’est pas un film facile à digérer. Pour autant, il créé la polémique : qu’est ce film ? Un interminable placement de produits ? Dans ce cas, le féminisme est un produit. Serait-ce une ode au féminisme ? Si oui, ce dernier n’est pas bien méchant, apprivoisé, il restera une utopie à l’instar de Barbieland… « Barbie » s’apprécie comme un donut épais tartiné de sucre rose : il donne envie mais ne réconforte que par son image et son gras constant. Certain.es y trouvent leur compte : « c'est comme un bonbon acidulé, plein d'humour et de références, de musiques entraînantes, de fun et de remise en question49». Suite aux vagues féministes de ces dernières années, les femmes se remettent davantage en question, surtout dans leur rapport à l’homme, dit dominant, et au couple. Elles sont donc une cible toute trouvée pour le cinéma dit féministe. Mais encore faut-il ne pas confondre cible et victime. Prenons un peu de recul : il est hallucinant que des femmes du monde entier aient été l’unique cible du film, et donc les victimes d’une idéologie consumériste où le féminisme s’achète comme un bonbon. On doit se demander pourquoi les hommes n’ont pas fait partie de la cible, ce qui aurait peut-être pu doubler les recettes ? Peut-être parce que le film se voulait un phare, un repère rassurant qui légitime les questionnements des femmes. Pour le coup, il était capital qu’une femme réalisatrice se hisse enfin (seule) au rang des productions les plus lucratives du cinéma50. Gageons que quand les hommes seront prêts à acheter du rose et que le féminisme de masse sera prêt à leur garantir une place dans sa vision d’une société équilibrée, Barbie 2 explosera tous les records. Le temps nous dira si ce film est un modèle de réflexion ou un blockbuster comme les autres, auquel cas nous l’oublierons bien vite… ou irons voir la suite…51.
1 « Plus de 150 millions $ auraient d’ailleurs été dépensés pour la campagne de marketing du film, soit plus que son budget de production de 145 millions $ » selon Vanity Flair, cité dans Anne-Sophie Poiré, «Barbie, cette poupée au physique irréaliste, peut-elle vraiment être féministe? », dans www.24heures.ca, 28/07/2023 (page consultée le 06/10/2023).
2 Dans une tribune pour L’Obs, le réalisateur Patric Jean (cf. infra : 44) relate « les réactions négatives voire haineuses qu’il provoque chez les conservateurs : interdiction du film au Koweït, au Liban et en Algérie explicitement en raison du discours d’égalité femmes-hommes, succès médiocre en Corée du Sud en raison du tabou de l’indépendance des femmes et, en France, détestation du film accusé de « néoféminisme » et de « discours misandre » dans la presse conservatrice. »
3 Antoine Desrues, « Barbie : critique qui voit la vie en rose », dans www.ecranlarge.com, 19/07/2023 (page consultée le 13/09/2023).
Traduction : « une campagne publicitaire très agressive ».
4 Soline de Broeve tire le même constat dans sont article en ligne « Le film Barbie mérite-t-il toute la hype qui l’entoure ? » pour Femmes d’aujourd’hui. Ce qui ne l’empêche pas de conclure à « un film pop et drôle, qu’on prend plaisir à regarder » auquel on ne tiendra « pas rigueur puisque ses qualités se trouvent ailleurs ». Un comble aussi pour un magazine qui s’adresse avant tout aux femmes…
5 Cécile Mury, « “Barbie”, un film pop et futé qui vend drôlement bien sa poupée », dans www.telerama.fr, 19/07/2023 (page consultée le 13/09/2023).
6 Manon Marcillat, « Critique : Barbie is everything et surtout le film qu’il devait être », dans www.konbini.com, 19/07/2023 (page consultée le 13/09/2023).
7 « Les rares effets spéciaux du film reproduisent les techniques de 1959, année où Barbie a été inventée ». Manon Marcillat, ibid.
8 Avis de Vampilou du 24/08/2023 sur Cinenode (consulté le 13/09/2023).
9 Avis d’Audrey L. du 22/07/2023 sur Allociné (consulté le 13/09/2023).
10 Avis de Boubakar du 19/07/2023 sur Sens Critique (consulté le 13/09/2023).
11 Dans une scène d’introduction parodiant 2001, l’Odyssée de l’espace (de Stanley Kubrick), on découvre une gamine jouant à la poupée dans un décors préhistorique. Soudain, une Barbie géante apparaît tandis qu’une voix off raconte comment le féminisme est né à Barbieland. Dès lors animée par un féminisme pour le moins combatif, la gamine entreprend la destruction violente de ses poupées d’enfant qu’elle matraque l’une contre l’autre dans un ralenti malaisant.
12 La Carologie, « Barbie féministe ? Évidemment… non », émission du 28/07/2023, sur Youtube (page consultée le 01/09/2023).
13 Antoine Desrues, op. cit. : 3.
14 Kenza Zouham-Culcasi, « Barbie, une satire teintée de rose », dans www.lemagducine.fr, 30/07/2023 (page consultée le 01/09/2023).
15 Ibid.
16 Nous nous sommes limités aux avis des spectateurs sur ces trois sites cinéphiles : sur Cinenode, les avis sont globalement favorables (33% des 414 spectateurs décernent une médaille d’or et moins de 1 % déclarent n’avoir pas aimé) ; sur Allociné les avis sont très divisés (une moyenne de 3,1/5 avec presque autant de votes pour chaque note de 0 à 5 pour plus de 11000 votants) ; sur Sens Critique, il est plus difficile de trouver un compliment (avec pourtant une forte proportion de 6 et 7/10 sur près de 19000 votes, mais peut-être que les avis positifs s’y expriment moins ou ont moins d’arguments).
17 « Ce qui me plaît dans la chronologie de cette poupée, c’est la genèse : elle a d’abord été créée puis ce fut le tour de Ken, qui demeure son accessoire. Il est son petit ami, il n’a pas d’identité propre indépendamment d’elle. Structurellement, dans cette version du monde, il n’a pas de maison, de travail, de voiture. On ne sait pas où il dort la nuit, sa vie n’a aucun sens. C’est comme si on voyait notre société à travers un miroir inversé. » – « [Interview de Greta Gerwig pour le Journal du dimanche] », propos recueillis par Stéphanie Belpeche, dans www.lejdd.fr, 10/08/2023 (page consultée le 18/09/2023).
18 Lily S’ennuie, « Mon avis sur Barbie », émission du 24/07/2023, sur Youtube (page consultée le 01/09/2023).
19 Antoine Desrues, op. cit. : 3.
20 Lily S’ennuie, op. cit. : 18.
21 La Carologie, op. cit. : 12.
22 Mad Matt, « Ce Barbie ne rend pas service au féminisme », émission du 26/07/2023, sur Youtube (page consultée le 01/09/2023).
23 Le Repaire du Ciné, « Barbie est un désastre féministe qui assume sa haine des hommes et combat le patriarcat ?! », émission du 23/07/2023, sur Youtube (page consultée le 01/09/2023).
24 Les commentaires critiques évoquent : « des messages très caricaturaux, sans nuance ni complexité (Stereo, Sens Critique) », un « féminisme formaté (…) qui n'amène jamais à réfléchir sur le sujet (Guimzee, Sens Critique) », un film « complètement creux [qui] surfe sur la vague féministe (Cécile B., Allociné) ». D’autres regrettent « une introduction maladroite et mal formulée au féminisme qui dessert même parfois un peu la cause (JeanneThePro, Sens Critique) » et pensent que « avec plus de subtilité, Barbie aurait vraiment gagné en qualité (ThomasHenry98, Sens Critique) ».
25 Le Matérialiste, « La folle histoire de Barbie, poupée révolutionnaire », émission du 24/07/2023, sur Youtube (page consultée le 01/09/2023).
26 Ce détail de l’histoire du jouet n’est pas toujours mentionné, selon que l’on souhaite en faire une bonne ou une mauvaise critique. Par exemple, dans un article encenseur, Stéphanie Ciardiello omet de le préciser alors qu’elle évoque sobrement la « mascotte d’une BD ». Voir son article « Barbie : icône féministe ou femme objet ? » paru dans le Femmes d’aujourd’hui n°28 (2023).
27 Adam Bros, « La vérité derrière le phénomène Barbie… », émission du 23/07/2023, sur Youtube (page consultée le 01/09/2023).
28 « La seule chose qui les inquiétait, c’était d’exhumer la controverse de la femme-objet aux formes irréelles car ils ont travaillé pour que la marque évolue de manière considérable. Mais impossible d’occulter l’histoire. » Nous rapporte la réalisatrice, apparemment convaincue de sa démarche. [Greta Gerwig, op. cit. : 17]
29 Le problème est tellement bien étudié et connu de Mattel que cette dernière a développé le projet Dream Gap (ou Plafond des Rêves) afin de lutter contre les inégalités de genre en embrassant une cause qui se veut féministe. L’idée est par exemple de produire des Barbie moins stéréotypées : comme Barbie « curvy », c’est-à-dire, présentant un physique avec des courbes... Pour en apprendre plus, consultez la page dédiée : https://shop.mattel.com/pages/barbie-dream-gap. Pour nuancer, lisez aussi cet article de Paola Guzzo, « Dream Gap Project : Barbie se veut féministe (et va accompagner des recherches sur le sujet) », dans www.neonmag.fr, 10/10/2018 (page consultée le 13/09/2023). On s’interrogera sur ce que la marque choisit soigneusement de garder ou rejeter dans la nouvelle image inclusive de Barbie. Interviewée par Télérama, l’essayiste et réalisatrice Ovidie rappelle qu’il n’y a pas de Barbie lesbienne, pour ne citer que cet exemple : Marion Mayer, « Le film "Barbie" propose un féminisme qui rassure mon vieil oncle réac », dans www.telerama.fr, 11/08/2023 (page consultée le 01/09/2023).
30 À titre d’exemple, dans sa vidéo, Adam Bros (op. cit. : 27) montre un livre miniature de la gamme Teen Tlak Barbie avec la mention « math is tough (les maths c’est dur) ».
31 D’après plusieurs sources, c’est courant 2014 que Mattel se serait décidée à moderniser le concept de Barbie, car les ventes étaient au plus mal. La faute, peut-être, à une série d’études sur l’influence néfaste de Barbie sur les fillettes, la plus récente alors ayant démontré que la célèbre poupée participait à limiter chez les filles le choix du métier. Le Sénat français publiait d’ailleurs fin de cette année-là un Rapport d’information intitulé « Jouets : la première initiation à l’égalité ». Pour approfondir, voyez : Joséphine de Rubercy, « Comment Barbie est-elle passée de jouet ringard et controversé à icône féministe ? », dans www.neonmag.fr, 19/07/2023 (page consultée le 13/09/2023) et Adam Bros, op. cit. : 27.
32 Greta Gerwig n’est pas vraiment de cet avis : « Je sors du cadre alors je trouve merveilleux qu’on me laisse m’exprimer librement. » [Greta Gerwig, op. cit. : 17]
33 Feminism wasinhg : en anglais, l’adjonction du verbe « wahing » qui signifie « laver » désigne une volonté de paraître en accord avec des valeurs morales tout en se comportant sans en tenir compte. Comme le greenwashing vise à faire croire qu’on œuvre pour l’écologie tout en continuant de polluer, le feminism washing veut faire croire qu’on défend un point de vue féministe. Sur ce sujet, consultez Bettina Zourli, « "Féminisme washing" : décodage d'une pratique commerciale », dans Les Grenades, 12/09/2021 (en ligne sur www.rtbf.be). Le feminism washing s’apparente aussi au femvertising, qui désigne plus spécifiquement la pratique marketting : B. Bathelot, « Femvertising », dans www.definitions-marketing.com, 15/10/2017.
34 Avec tout ce qu’il peut y avoir de malsain : dans sa vidéo, Adam Bros (27) montre une balance miniature pour Barbie affichant 50kg et des livres intitulés « How to lose weight (Comment perdre du poids) » ou « Don’t eat (Ne mange pas !) ».
35 Par exemple, le personnage de Sasha (Ariana Greenblat) critique Barbie et balance une série de piques à la mode (du genre « Barbie est une white savior ») mais son discours est en même temps décrédibilisé par ce rôle d’ado en crise à l’attitude toxique : quand ses copines déclarent qu’elles aimaient jouer à Barbie, Sasha les rabroue sans état d’âme. Ainsi, tapis dans un discours ambivalent, le message préconise de continuer à jouer aux Barbie sans s’alarmer des élucubrations des jeunes féministes wokistes radicales et hystériques (la caricature dessert ici le propos). Sur ce point, une spectatrice exprime sa déception : « une gamine de 13 ans te crache un discours "féministe" extrêmement violent à la gueule. J’espère que ma fille ne pensera pas des choses pareilles à 13 ans. Ce n’est pas "mon" féminisme (Emilie N., Sens Critique) ».
36 Stéphanie Ciardiello, « Barbie : icône féministe ou femme objet ? », dans Femmes d’aujourd’hui, 2023/28.
37 Empowerment : ce terme à l’étymologie et la définition complexes peut s’entendre ici comme la volonté, à l’échelle individuelle, de prendre le contrôle sur sa vie sociale, économique, politique et professionnelle, de prendre conscience de son pouvoir intérieur pour une meilleure autonomisation.
38 Le commentaire d’un spectateur éclairé va en ce sens : « j'ai trouvé que la morale de l'histoire reste que le monde devrait être mené par des femmes plutôt que par des hommes. Or nous le savons, c'est l'égalité entre les deux sexes qui devrait primer et non la dominance de l'un sur l'autre (ombi37, Cinenode) ».
39 Avis d’Azzzo du 06/98/2023 sur Allociné (consulté le 13/09/2023).
40 Lily s’ennuie, op. cit. : 18.
41 De l’aveu de la réalisatrice elle-même : « cela reste un business, toutes les décisions sont prises en fonction de ce paramètre, pour faire du profit. » [Greta Gerwig, op. cit. : 17]
42 On décèle également cette idée dans les commentaires des spectateurs : « La véritable révélation de ce film en devient plus claire : le marketing suit les tendances et assure toujours sa survie (Yannick D., Allociné) ».
43 Pour en savoir plus sur ce documentaire, consultez le dossier des Grignoux : « La domination masculine ».
44 Patric Jean, « Le phénomène “Barbie”, simple signe d’une révolution en cours », dans www.nouvelobs.com, 05/09/2023 (page consultée le 08/09/2023).
45 « Il y a donc dans le film un discours féministe performatif ainsi qu’une utilisation de celui-ci à des fins purement commerciales. C’est donc la preuve que le système social complexe évolue dans cette direction ou, pour le dire autrement, que cette "émergence" de l’égalité est bien en cours (sans quoi Mat[t]el ne s’y sentirait pas obligé). » [Patric Jean, op. cit. : 44] Cependant, cela n’est pas aussi lucratif pour toutes les firmes : on a ainsi vu Budweiser perdre, l’été dernier, une énorme part de marché à cause d’une pub pour sa bière Bud Light : elle se voulait inclusive et affichait une franche sympathie avec la communauté LGBT. Un peu trop franche pour la droite américaine qui a réagi par un boycot tout aussi franc. La société a ensuite voulu retirer sa pub, mais c’est alors la communauté LGBT qui s’est mise en colère. Voyez Jérémy Kuprowsky, « Bud Light dégringole suite à une pub controversée pro-trans », sur www.beer.be, 28/06/2023 (page consultée le 06/10/2023). Même si le dénouement n’est pas aussi heureux pour Budweiser que pour Mattel, on sent définitivement que le vent tourne.
46 Sandrine Galand, professeure canadienne de littérature et autrice du livre Féminisme pop (Remue ménage, 2021), parle d’un « féminisme de masse » qui se diffuse avant tout sur les réseaux sociaux et n’est plus réservé aux militantes, porté par des célébrités alors souvent soupçonnées d’édulcorer leur propos pour vendre.
47 Audace Marketing, « Le markenting et les femmes », dans audace.ca, 08/03/2018 (page consultée le 13/09/2023).
48 Marie Lejeune-Piat, « ciblage marketing : la femme aux multiples visages », dans www.e.markenting.fr, 27/03/2015 (page consultée le 13/09/2023).
49 Avis de dreamygirl d’août 2023 sur Cinenode.
50 Voyez le graphique du Monde sur base des données de Box Office Mojo, qui montre Barbie comme l’unique film réalisée par une femme seule ayant rapporté plus d’un milliard de dollars. Deux autres femmes y figurent, Jennfier Lee et Anna Boden, mais dans le cadre de films coréalisés avec un homme : La Reine des Neiges (2013), La Reine des Neiges 2 (2019) et Captain Marvel (2019).
51 Analyse rédigée par Olivier Monseur
Termes & Conditions
S'abonner