Analyse 2024-05
Si les témoignages d’hommes victimes de harcèlement ou de viol commencent à se faire entendre, les hommes victimes de violences conjugales semblent rester en retrait. Couples et Familles s’est intéressée à ce statut largement méconnu.
Fin février 2024 apparaissait le hashtag #Metoogarçons1 . Début mars, l’acteur et cinéaste belge Bouli Lanners disait avoir été harcelé par une réalisatrice plus âgée2 . Des confidences marginales face au déferlement de témoignages de femmes violentées, abusées, harcelées, dénigrées (etc.) qui participent à la lente déstabilisation de la toute-puissance masculine. Éduqués à correspondre à cette image d’invulnérabilité, les hommes ayant vécu des violences semblent avoir du mal à parler de leur expérience de victime, surtout quand le bourreau est une femme3. En marge des violences faites aux femmes, qui doivent être éradiquées, la violence conjugale commise par des femmes4 à l’encontre des hommes demeure comme ignorée. Elle existe cependant, et bien peu de voix s’élèvent contre elle.
Définition de la violence conjugale
En Belgique, la Conférence Interministérielle du 8 février 2006 a statué sur une définition de la violence conjugale, ainsi nommée5. Son rapport final et la Circulaire COL 4/2006 qui ont suivi utilisent également de manière synonymique les expressions « violence dans le couple6 » et « violence entre partenaires ou ex-partenaires7 ». Ce qui montre que le terme « conjugal » s’étend ici au-delà du mariage. Quant à la définition, elle parle de « violence dans les relations intimes8 », définie comme « un ensemble de comportements, d'actes, d'attitudes, de l'un des partenaires ou ex-partenaires qui visent à contrôler et à dominer l'autre, comprenant les agressions, les menaces ou les contraintes verbales, physiques, sexuelles, économiques, répétées ou amenées à se répéter, portant atteinte à l'intégrité de l'autre et même à son intégration socioprofessionnelle9. » Le concept de violence conjugale peut être intégré à celui de violence domestique, tel que défini par la Convention d’Istanbul de 2011, « indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime10 »11. Enfin, la violence conjugale peut aussi être assimilée à la violence intrafamiliale, par exemple quand les enfants sont témoins des violences.
Des statistiques avant tout féminines
En Belgique, il existe très peu de chiffres quant au nombre d’hommes victimes de violences conjugales, mais un rapport récent d’une enquête de victimation de l’IWEPS, intitulée Les violences liées au genre en Belgique12, donne de premiers repères. Sur 5494 individus interrogés, on regrette d’emblée que seuls 965 aient constitués l’échantillon masculin mais on salue l’initiative13. À propos des « violences par partenaire intime », l’étude estime que 33,1 % d’hommes et 31,3 % de femmes belges ont vécu des violences de type psychologique, physique ou sexuel14. Parmi les hommes victimes, environ 7 hommes sur 10 ont subi une forme de violence exclusivement psychologique15 et moins du quart plusieurs formes. En revanche, très peu d’hommes se disent victimes de violences physiques, à l’exception de gifles et d’envoi de projectiles dans le but de faire mal ou peur : 7,5 % d’hommes connaîtraient ce type de violences (soit 88,1 % des hommes victimes) contre 10,2 % de femmes (soit 77,2 % des femmes victimes)16. Toutefois, l’étude de victimation ne permet pas de distinguer les violences d’action des violences de réaction (une gifle peut venir en réaction à une autre). Il serait intéressant d’analyser plus en profondeur chaque situation de violence conjugale au-delà des points de vue individuels. Enfin, aucune donnée ne renseigne d’éventuelles violences sexuelles par partenaire subies par des hommes.
Une guerre des chiffres
En Suisse, l'Office fédéral de la statistique a déterminé, pour 2022, qu’un tiers des victimes de violences conjugales étaient des hommes17 ! En France, une enquête de victimation a permis à l’ONDRP d’établir que 27 % des victimes de violences conjugales en 2012 et 2013 étaient des hommes18 ; des chiffres officiels indiquent que 25 hommes meurent en moyenne chaque année sous les coups de leur compagne et que seulement 3% des hommes victimes déposent plainte19. Ces estimations exposent l’existence d’une proportion d’hommes en situation de victime dont il est nécessaire de tenir compte. Comme pour se raccrocher à une réalité plus commune, d’aucuns retiendront la nette majorité de victimes féminines, un fait incontestable. Mais Couples et Familles tient à souligner que la proportion d’hommes qui se disent victimes de violences conjugales n’en est pas moins à prendre en compte, aussi bien dans les dispositifs de prise en charge des victimes que dans les campagnes de sensibilisation. Il y a 20 ans, la journaliste suisse Anna Lietti disait dans Le Temps : « la comparaison est en soi une source de violence qui peut nourrir la guerre entre hommes et femmes20 ». Couples et Familles soutient comme elle que quel que soit leur nombre, les hommes victimes de violence en tous genres ont le droit de se plaindre, d’être entendus et pris au sérieux.21
Comment briser le tabou de l’homme-victime ?
En 2013, le service Égalité des chances de la Province de Liège a organisé une campagne de sensibilisation aux hommes victimes de violences conjugales22, celle-ci a au moins eu cours jusqu’en 201723. Elle était assortie d’un « dispositif d’aide24 » à l’attention des hommes victimes, mais ce dernier n’existe plus25. En effet, il était prévu qu’après « ce focus particulier » les actions cibleraient « toutes les victimes de violences intrafamiliales et entre partenaires26 ». En Flandre, une première (et unique) maison d’accueil pour hommes victimes de violences conjugales a ouvert en 201627, mais elle serait désormais fermée faute de subvention28. En France et en Suisse, il existe plusieurs associations dédiées à l’écoute des hommes victimes de violences intrafamiliales29. En Belgique, ceux-ci doivent se contenter de centres d’écoute, d’accueil ou d’aide aux victimes mixtes où ils n’ont pas la priorité30. Du reste, ils sont rarement pris au sérieux, notamment par la police et les secouristes, en plus d’être souvent raillés par l’entourage31. Beaucoup n’osent plus parler32. Sur les trois pays cités, seule la Suisse dispose à ce stade de refuges dédiés aux hommes battus. Là-bas, les statistiques, les campagnes de prévention et l’attention accordée à la parole des hommes victimes de violences par partenaire semblent de meilleure qualité.
Comment briser le tabou quand tout semble fait pour maintenir la croyance en une dualité qui rappelle le code de la route : celle de l’usager fort (l’homme) contre l’usager faible (la femme). Si l’on observe l’imagerie de la prévention contre les violences conjugales, force est de constater que le visuel se focalise souvent sur la victimisation de la femme33. Rien d’étonnant puisqu’il s’agit avant tout de suivre le Plan intra-francophone de lutte contre les violences faites aux femmes34. Cela sonne comme si la femme était la seule victime potentielle et l’homme le seul bourreau possible, de quoi entretenir les stéréotypes de la dualité homme-violent/femme-victime. Des campagnes à la sauce « masculinité positive » ciblent les hommes en tant qu’auteurs de violence ou alliés35. Mais des féministes se sont inquiétées du renforcement conséquent des prétendues qualités positives de l’homme fort hégémonique36. Et nous d’ajouter que l’homme y incarne encore seul la violence conjugale. La culture du stéréotype est source de discrimination envers les hommes victimes, confinés au silence, et qui parfois ignorent leur statut de victimes car invraisemblable37.
L’(in)égalité des hommes et des femmes
Quand le sujet des hommes victimes semble un peu considéré par la presse, les études38 ou les institutions39, celles-ci ne manquent pas de rappeler que les femmes sont tout de même plus souvent victimes, plus violemment agressées physiquement, ou bien que les hommes sont plus souvent agresseurs. Comme s’il était difficile d’accorder aux violences faites aux hommes une attention complète. Notre société souffre d’un besoin obsédant de distinguer et comparer les genres, là où nous devrions les associer. À commencer par les groupes mixtes des centres d’accueil ou d’aide aux victimes, encore fortement dédiés aux femmes. Interviewée par Alter:écho, la sociologue Mathilde Page « pense que ce serait justement l’occasion de démythifier la figure masculine. Montrer qu’un homme peut aussi avoir été violenté, qu’il n’est pas seulement cette figure de l’homme maltraitant ou violent40 ».
En 2010, un rapport de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes41 laissait déjà entendre que la part manquante de témoignages d’hommes victimes est supérieure à celle des femmes42. En 2013, au lancement de la campagne de sensibilisation liégeoise, Katty Firquet, députée provinciale, déclarait : « je reste persuadée qu’il existe un chiffre caché, un nombre qui révèle que beaucoup plus d’hommes vivent une situation difficile, silencieusement43 ». La problématique des violences faites aux femmes phagocyte l’attention. Par cette analyse, Couples et Familles incite les médias, les institutions et les politiques à sortir des stéréotypes pour reconnaître la proportion notable des violences faites aux hommes et s’intéresser à la violence conjugale d’un point de vue sociétal et systémique, sans discrimination ni stéréotype.
Des mots, des chiffres, des liens
Toute forme de violence et de discrimination à l’égard d’autrui est à combattre avec la même pugnacité. Il devrait en être de même pour tout stéréotype contribuant à entretenir ces violences et discriminations. À commencer par les mots qui, censés désigner la réalité finissent par la déformer. Si nommer c’est reconnaître44, alors ne pas nommer c’est dénier45. Ensuite, se priver de statistiques, c’est voiler l’ampleur du phénomène et conforter les stéréotypes. Dans l’ordre : nommons, chiffrons, analysons, agissons, anticipons ! Couples et Familles appelle les pouvoirs publics à analyser le taux de violence global de notre société, à en nommer sans tabou toutes les composantes, mais surtout à les mettre en relation. Qu’ainsi les hommes et les femmes puissent enfin parler librement des violences subies au quotidien sans chercher à savoir qui souffre le plus, mais en cherchant ensemble des solutions pour toutes et tous46.
1 L’acteur français Aurélien Wiik lançait sur Instagram le hashtag #Metoogarçons dans le but de dénoncer les abus sexuels dans les milieux du cinéma et de la mode. – Source : Clément Arbrun, « #MeTooGarçons : victime de viols, Aurélien Wiik témoigne, et c'est une parole rare », dans www.terrafemina.com, 23/02/2024 (page consultée le 19/03/2024).
2 Lors d’une interview pour la RTBF, l’acteur et cinéaste belge Bouli Lanners déplorait les rapports de domination qui régissent le monde du cinéma et avouait avoir été harcelé par une réalisatrice plus âgée. – Source : « Bouli Lanners confie avoir été harcelé par une réalisatrice », émission Matin 1ère du 05/03/2024, en ligne sur www.rtbf.be (page consultée le 19/03/2024).
3 « Ce sont des hommes qui vivent un sentiment de honte. Et qui acceptent péniblement la situation dans laquelle ils vivent. Ils ont des craintes par rapport à la manière dont les policiers pourraient percevoir leur situation (…) dans de nombreux cas, le policer réagit avec un sentiment implicite, un inconscient collectif qui fait que, quand on est un homme on règle ses problèmes avec sa femme plus fermement… (Katty Firquet : 22) ».
4 D’après une enquête récente (12), l’auteur de violence conjugale est dans 98 % des cas une personne de sexe opposé. Cette analyse n’abordera pas la question des violences conjugales au sein de couples gays (bien que digne d’intérêt) pour se focaliser sur la dualité homme-femme et sa conception stéréotypée. Pour approfondir ce sujet, voyez Alexandra Perron, « Comprendre et reconnaître la violence conjugale chez les hommes gais », dans nouvelles.ulaval.ca, 21/08/2023 et Laure Dasinieres, « L'impensé des violences conjugales au sein des couples LGBT+ », dans www.slate.fr, 28/08/2020.
5 Lors d’une réunion du 9 novembre 2005, le Sénat de Belgique s’alarmait de ce que la violence conjugale n’avait pas encore trouvé de définition commune : « Il est vraiment inquiétant qu'il n'ait pas encore été possible de se mettre d'accord sur la définition du concept de violence conjugale. » – Source : « Proposition de loi modifiant diverses dispositions en vue de lutter contre la violence entre partenaires », publiée par le Sénat de Belgique le 22/02/2006.
6 Circulaire COL 4/2006 (révisée le 12/10/2015) « relative à la politique criminelle en matière de violence dans le couple », en vigueur depuis le 1er avril 2006.
7 « Rapport final des actions menées lors de campagne en Belgique dans le cadre de la Campagne du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique. » En ligne sur : www.coe.int (page consultée le 19/06/2024).
8 Amnesty International Belgique, « Qu’est-ce que la violence conjugale ? », dans www.amnesty.be, s. d. (page consultée le 19/06/2024).
9 Idem.
10 « Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », 12/04/2011. En ligne sur : www.coe.int.
11 Ce qui élargit la définition initialement prévue par la Circulaire COL 4/2006 : « Toute forme de violence physique, sexuelle, psychique ou économique entre les époux ou personnes cohabitantes ou ayant cohabité et entretenant ou ayant entretenu une relation affective et sexuelle durable. »
12 Chloé Janssen et Frédéric Vesentini (IWEPS), « Les violences liées au genre en Belgique : chiffres-clés de l’Enquête européenne sur la violence à l’égard des femmes et d’autres formes de violence interpersonnelle (EU-GBV, 2021-2022) », 2024. En ligne sur : www.iweps.be (page consultée le 07/06/2024).
13 « Si la Belgique a fait le choix d’intégrer les hommes à l’enquête, leur échantillonnage moindre ne permet cependant pas la comparaison systématique entre les sexes ou la déclinaison des prévalences masculines au niveau régional. Ces données ont plutôt une visée exploratoire et seront davantage utilisées dans ce rapport comme contre-points. (Les violences liées au genre en Belgique, p. 9 : 12). »
14 Plus on élargit le spectre des violences, plus on se dirige vers une apparente symétrie de genre, mais l’asymétrie réapparaît dès lors qu’on mesure la fréquence des violences ou qu’on examine chaque type de violence séparément.
15 Humiliations, insultes, jalousie, contrôle, menaces… Parmi les différentes réponses, les faits relevant de la jalousie, du contrôle des finances et du chantage relatif à la rupture apparaissent comme aussi bien vécues par les hommes que par les femmes. Par contre, des faits assimilables à la séquestration, l’interdiction de travailler ou les menaces faites par rapport aux enfants ou aux proches sont quasi-exclusivement mentionnés par les femmes. – Source : Les violences liées au genre en Belgique, p. 17 : 12.
16 Les violences liées au genre en Belgique, p. 19 : 12.
17 Céline Brichet, « Les hommes représentent un tiers des victimes de violences conjugales », dans www.rts.ch, 19/08/2023 (page consultée le 15/12/2023).
18 Constat de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) d’après l’enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité », cité dans Leila Marchand, « Hommes battus : des chiffres pour comprendre une réalité méconnue », dans www.lemonde.fr, 10/04/2015 (page consultée le 04/06/2024).
19 Chiffres relayés par SOS Hommes Battus. En ligne sur : https://soshommesbattus.org (page consultée le 18/01/2024).
20 Anna Lietti, « Peu importe le pourcentage qu'ils représentent, les hommes battus ont le droit d'être entendus », dans www.letemps.ch, 29/03/2003 (page consultée le 20/03/2024).
21 Idem.
22 Marie-Pierre Deghaye et la RTBF, « Hommes victimes de violences conjugales : campagne de sensibilisation », dans www.rtbf.be, 23/04/2013 (page consultée le 21/06/24).
23 Province de Liège, « Sensibilisation aux ‘Hommes victimes de violences conjugales’ », dans www.provincedeliege.be, 29/11/2017 (page consultée le 21/06/24).
24 Province de Liège, « Hommes victimes », dans www.provincedeliege.be, s. d. (page consultée le 21/06/24).
25 Bien que la page web consacrée (23) soit encore consultable (à la date du 21/06/2024) sur www.provincedeliege.be, où l’on peut lire cette accroche : « Une douleur morale ne se voit pas… Aidez-nous à vous aider. Les hommes aussi peuvent être victimes de violence conjugales. Vous subissez ces situations ? Vous pouvez être aidé ! ». La campagne d’affichage présentait le visage tronqué d’un homme aux lèvres barrées de scotch. D’après le slogan et l’image, on constate que cette campagne prenait surtout en compte les violences psychologiques.
26 Province de Liège, op. cit. : 23.
27 VRT, « Un refuge pour hommes victimes de violences conjugales », dans www.vrt.be, 25/07/2016 (page consultée le 18/01/2024).
28 Cette information apparaît sur le site de SOS Hommes battus, qui recense les milieux d’accueils pour hommes en dehors de la France, qui n’en dispose pas. Le refuge dont nous parlons est le seul listé pour la Belgique et la source (23) est la même que la nôtre. Il existe peut-être d’autres initiatives de moindre ampleur, comme celle rapportée par Alter:écho (30) : « L’association Brise le Silence, située dans les environs de Mons, avait essayé de mettre en place un groupe de parole spécifique aux hommes, mais la disparité géographique a conduit à l’abandon du projet ».
29 Comme Stop Hommes Battus et SOS Hommes Battus en France, Pharos en Suisse.
30 Laurence Grun, « Violences faites aux hommes, une violence inaudible ? », dans www.alterechos.be, 27/02/2018 (page consultée le 18/01/2024). – L’autrice met les pieds dans le plat : « La difficulté d’intégrer les hommes aux services existants serait principalement liée aux réticences des intervenants institutionnels et associatifs, déroutés par l’inversion de la figure de victime. »
31 Rapporte Kathleen Tobback, coordinatrice du Centre d’aide social (CAW) de Malines-Boom, à l’origine du refuge pour hommes. – Source : Catherine Ongenae, « Un homme sur cinq est victime de violence conjugale », dans www.levif.be, 12/04/2017 (page consultée le 18/01/2024).
32 Rapportait la députée provinciale Katty Firquet (Liège) en 2013 : 22.
33 Sur le site s-law.be, on observe deux situations : une femme seule tamponnant son œil poché, un homme agrippant par l’épaule une femme dont le bras est taché de sang. Sur femmesdedroit.be, un homme retient une femme au moyen de chaînes et lui crie « suicide-toi ». La campagne « Pas de violences banales » propose quatre spots et trois affiches. Chaque situation met en scène l’homme comme auteur des violences et la femme comme sa victime, assorties de slogans tels que « Je veux tout savoir sur elle » ou « J’ai peur qu’elle me quitte ». Le spot « No Violence, ne laisse personne décider en ton nom » met en scène une femme dont la parole blessante de son partenaire masculin parle à travers elle, alors qu’elle essaye des vêtements devant ses copines. Enfin, pour prendre le contre-pied, la campagne « Huit couples » propose huit situations de couples dont le spectateur ignore s’ils connaissent ou non la violence, car « on ne le sait pas si tout le monde se tait », une campagne déjà plus inclusive.
34 Le Plan intra-francophone de lutte contre les violences faites aux femmes 2020-2024 est une déclinaison du Plan d’action nationale de lutte contre les violences basées sur le genre 2021-2025, lui-même inspiré de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique de 2011, autrement connue sous de le nom de Convention d’Istanbul et ratifiée en 2016 par la Belgique. Aucun de ces textes n’accorde d’attention particulière aux violences conjugales faites aux hommes. Comme le rappelle le Conseil de l’Europe : « même si (…) dans certains cas, ce sont les femmes qui maltraitent leur partenaire masculin, la grande majorité de la violence domestique est perpétrée par des hommes à l’encontre des femmes ». Et cela suffit pour ne plus en parler.
35 Telle que la campagne de prévention « Et si c’était de la violence conjugale ? ».
36 Anne-Sophie Tirmarche, « Campagnes de prévention des violences faites aux femmes destinées aux hommes alliés : Masculinisation de la prévention ou prévention masculiniste ? », dans www.cvfe.be, 03/2023 (page consultée le 07/06/2024).
37 Daniel Welzer-Lang, « Les hommes battus », dans Empan, 2009/1, p. 81-89. En ligne dans : www.cairn.info (page consultée le 26/03/2024).
38 Les politiques éditoriales se montrent parfois clivantes : comme on peut le voir grâce à la sélection bibliographique d’Écoute Violences Conjugales. Des titres à l’attention du grand public sont genrés : « Divorcer d’un manipulateur », « Femmes sous emprise », « Les hommes violents », « Il y avait un monstre en moi » avec une silhouette d’homme en couverture. Tandis que les livres à destination des professionnels adoptent un titre neutre ou inclusif : « L’aide aux auteur(e)s de violences conjugales et intrafamiliales », « La violence dans la famille et dans le couple ».
39 Par exemple, le site de Sofélia propose un dossier sur le harcèlement sexuel où il est dit : « Une situation de harcèlement sexuel comprend (au moins) un auteur et une victime. Cela concerne tant le sexe féminin que le sexe masculin. Cependant, dans la majorité des cas, la victime est une femme et l’agresseur, un homme. » On notera les mentions introductives « un auteur » et « une victime » qui, par leur genre grammatical impose déjà la référence aux stéréotypes. En ligne sur : www.sofelia.be (page consultée le 25/03/2024).
40 Mathilde Page, citée dans Laurence Grun, « Violences faites aux hommes, une violence inaudible ? », dans www.alterechos.be, 27/02/2018 (page consultée le 25/03/2024).
41 Jérôme Pieters, Patrick Italiano, et al., « Les expériences des femmes et des hommes en matière de violence psychologique, physique et sexuelle », Bruxelles : Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2010. En ligne sur : https://igvm-iefh.belgium.be. (page consultée le 08/01/2024).
42 Il appert que « (…) seulement un peu plus de deux tiers des hommes évoquent les faits avec quelqu’un, alors qu’un peu plus de 80% des victimes féminines se confient. Ce résultat est statistiquement significatif (p=0,000) et laisse penser que le sous-rapportage des violences est encore plus important chez les hommes que chez les femmes (Jérôme Pieters, op. cit., p. 52 : (41) ». « Les femmes sont six fois plus souvent victimes de violence entre partenaire que les hommes. Il est toutefois frappant de voir que les victimes masculines sont aussi beaucoup moins nombreuses à en parler, de telle sorte que la sous-estimation de la violence subie par les hommes pourrait, au-delà des chiffres rapportés ici, être plus importante encore que celle subie par les femmes (Jérôme Pieters..., op. cit., p. 55 : 41) ».
43 Katty Firquet, interviewée par Marie-Pierre Deghaye pour la RTBF : 22.
44 Voir notre analyse « Stop Féminicide ».
45 Par exemple, le Conseil de l’Europe précise : « Les termes violence fondée sur le genre et violence à l’égard des femmes sont souvent utilisés de manière interchangeable, car la plupart des violences faites aux femmes (par des hommes) ont des motivations sexistes, et parce que la violence fondée sur le genre touche les femmes de manière disproportionnée. » N’y a-t-il pas une forme de déni à associer quasi-exclusivement aux violences basées sur le genre les violences faites aux femmes ?
46 Analyse rédigée par Olivier Monseur.
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