Analyse 2007-20

Les enfants et les jeunes passent de plus en plus devant les écrans : télévision, ordinateur, console de jeux, GSM, etc. On annonce même la création d’une chaîne à destination des enfants de 6 mois à 3 ans. Quels sont les dangers des écrans pour les enfants ? Comment réagir en tant que parents ?


Lorsqu’on parle d’écran, on pense de suite à la télévision. Mais nos enfants sont aujourd’hui exposés à plus de cinq types d’écrans : télévision, cinéma, ordinateur, téléphone portable et console de jeux vidéos. Suréquipés, les jeunes passent de plus en plus de temps devant ces écrans : le temps moyen est aujourd’hui estimé entre quatre et cinq heures par jour. Le développement des nouvelles technologies a bouleversé nos habitudes sociales et culturelles ; beaucoup de parents se préoccupent et se posent des questions face à leurs enfants captivés par ces écrans. L’influence des écrans sur les enfants est un sujet de préoccupation récurrente, faisons donc le point sur cette question...
Nos enfants se sont emparés des nouvelles technologies et les ont intégrées dans leur vie quotidienne, c’est un fait avéré. Une étude française intitulée « Ados techno sapiens » [1]] nous apprend à ce propos que 41% des jeunes de 12 à 15 ans créent ou gèrent un blog [2] , que 21% d’entre eux jouent en ligne et que 61% des 8-19 ans utilisent régulièrement les messageries instantanées (après 16 ans, ils sont 80% à l’utiliser). A cette utilisation massive de la technologie de l’Internet, s’ajoutent les grandes fréquentations de l’écran de télévision et des jeux vidéos. Notons aussi qu’il faut craindre un accroissement de cette problématique avec l’arrivée des téléphones portables de troisième génération (il s’agit de gsm offrant un accès à la radio, la télévision, l’Internet, qui rassemblent donc plusieurs types d’écrans en un).


Divers dangers


Face à cette multiplication des écrans qui envahissent notre vie quotidienne et celle de nos enfants, les parents mais aussi les spécialistes de l’enfance et de l’adolescence s’interrogent sur les dangers de ces technologies. Ces dangers sont nombreux, mais toujours à nuancer selon les enfants et le contexte dans lequel ces technologie sont utilisées.
Les premiers problèmes que l’on peut évoquer sont tout simplement les dangers au niveau de la santé. Une trop grande fréquentation des écrans peut provoquer, entre autre, selon divers facteurs, des problèmes de vision, des maux de dos (surtout en ce qui concerne l’utilisation de l’ordinateur), des troubles du sommeil, la sédentarité, sans parler de l’enfermement, la solitude et une certaine dépendance qui peut s’installer. Un autre souci avec ces multiples écrans est la place que les annonceurs publicitaires prennent dans ce type de médias. Par cette fréquentation des médias de l’écran, les enfants sont très exposés à la publicité, conduite sous des stratégies marketing de plus en plus développées pour cette tranche d’âge.


C’est notamment par rapport à ces dangers qu’un groupe de psychiatres et autres spécialistes de l’enfance français s’élève contre le lancement d’une nouvelle chaîne de télévision destinée aux enfants de six mois à trois ans et demande un « Moratoire contre la fabrique de bébés téléphages » [3] . Selon l’association, cela pose quatre problèmes graves. Tout d’abord, il est à craindre que le temps passé devant la télévision par un enfant de cet âge ne l’éloigne des activités de motricité, exploratoires et interhumaines (indispensables et fondamentales pour son développement à cet âge). Ensuite, l’installation d’un tout-petit devant l’écran risque de réduire son sentiment de pouvoir agir sur le monde [4] . De plus, le fait que la diffusion des programmes se fasse en continu pourrait inciter les parents à l’utiliser comme nounou et comme un moyen facile d’endormir leurs enfants (et pourquoi pas d’être tentés par l’installation d’une télévision dans la chambre de bébé). Enfin, un autre risque est le fait que ce type de chaînes produisent des personnes accros à la télévision. On sait que le tout-petit s’accroche aux éléments les plus présents dans son environnement proche ; il est donc à craindre qu’ils développent une relation d’attachement et donc de dépendance à ces écrans de télévision (les enfants ne pourraient alors se sentir sécurisés que lorsque l’écran est allumé).


Le rôle des parents


Face à leurs enfants « trop branchés », on remarque que les parents rencontrent surtout des difficultés face à la gestion « d’écrans » plus récents (comme Internet et les jeux vidéos). Ils se sentent souvent moins à l’aise avec ces technologie car ils ne les maîtrisent pas. De plus, il faut noter qu’il y a aussi parfois une attitude ambivalente de la part des parents. D’une part, ils voient les écrans comme porteurs de risques pour leur progéniture. Mais d’autre part, les écrans sont aussi un signe de modernité et la facilité avec laquelle leur enfant les utilise pourra signifier sa capacité à pouvoir s’adapter au monde moderne. La gestion de la fréquentation des écrans est donc un nouvel enjeu compliqué de l’autorité parentale envers les enfants. Voici quelques recommandations.


Dans un premier temps, les professionnels recommandent une simple mesure ; contrôler et limiter la consommation quotidienne d’écran. En ce qui concerne le temps qu’il faut permettre et le moment où il y a lieu de s’inquiéter, les avis divergent. Selon Serge Tisseron, psychiatre spécialiste de l’image, il y a lieu de s’inquiéter lorsque les centres d’intérêts de l’enfant se limitent à son écran d’ordinateur, de télévision... « Il est important que le jeune ait d’autres activités, comme le sport, la lecture. Cela devient préoccupant quand il s’intéresse de moins en moins à autre chose que l’ordinateur. Des résultats scolaires à la baisse doivent aussi alerter les parents » [5] .


Un autre élément rend, par ailleurs, le contrôle des parents de plus en plus difficile : c’est le fait qu’un nombre croissant de jeunes disposent d’un ordinateur, d’une télévision ou d’une console de jeux dans leur propre chambre. Outre le fait que cette présence d’écrans dans les chambres d’enfants pose question (et surtout en ce qui concerne la télévision et les jeux vidéos), l’instauration de règles et le contrôle parental deviennent des démarches difficiles à mener avec sa progéniture. Certains parents choisissent alors le recours à un moyen technique pour réguler l’utilisation des écrans par leurs enfants. Il est ainsi possible, afin d’éviter un usage abusif de l’ordinateur, d’installer une commande Internet seulement accessible par les parents. Il y a aussi les logiciels de contrôle parental : une fois installé sur l’ordinateur, ils permettent d’interdire l’accès à toute une sorte de sites indésirables. Certains d’entre eux permettent aussi de limiter l’horaire de connexion. Ces logiciels sont souvent proposés gratuitement par les fournisseurs d’accès à l’Internet ou sont disponibles sur le marché.


Mais si la technologie peut donner certains moyens aux parents de surveiller leurs enfants, elle ne peut en aucun cas remplacer les parents dans leur rôle d’éducateurs. Car le rôle qu’ils ont à jouer est crucial... Les parents doivent bel et bien pouvoir poser les limites, sans non plus tomber dans la diabolisation de cette « culture », de ces nouveaux moyens de communication que les jeunes se sont appropriés. L’adolescence se caractérise, entre autre, par un esprit de contradiction avec tout ce qui provient de l’univers des adultes ; plus on diabolisera ces technologies, plus les adolescents seront séduits (car ils évoluent dans une société où il y a de moins en moins de lieux de transgression). C’est donc le rôle des parents de contrôler intelligemment cette consommation virtuelle. Pour ce faire, divers spécialistes recommandent de s’intéresser à ce que le jeune fait avec tous ces écrans, à ce que ça lui apporte, etc. Il y a, par exemple, cette démarche de se dire que la meilleure façon d’accompagner ses enfants sur la toile, c’est d’y aller aussi. Notamment pour se rendre compte des apprentissages qu’il faut faire avant de « surfer » en sécurité. Il n’est pas concevable de laisser un enfant apprendre seul à traverser la rue, à se déplacer dans la ville, à prendre le bus, etc. Car avant de laisser son enfant évoluer seul dans des espaces publics, on l’accompagne dans ses apprentissages. L’Internet peut se comparer à la rue à traverser : ils sont tous deux des espaces publics. Et la meilleure manière de pouvoir évaluer les dangers, les bons usages, les règles à suivre [6]..., etc., c’est de les explorer et les expérimenter soi-même. Après quelques « surfs », le parent pourra ensuite plus facilement se rendre compte de ce à quoi l’enfant peut être confronté. Par exemple, il pourra se rendre compte de la masse vertigineuse d’informations auxquelles il faut faire face lorsque l’on fait un recherche (avec son lot de publicités de toute sorte, notamment celles « enfants non-admis »). C’est ainsi que le parent pourra apprendre à son enfant à trier, hiérarchiser les informations, privilégier les sources. Il pourra aussi lui inculquer le regard critique qu’il faut avoir face aux informations qui proviennent de l’Internet.


Multimédia : du jeu à l’enjeu éducatif


Si trop de télévision ou de jeux vidéos peut nuire à l’enfant ou à l’adolescent, il faut aussi reconnaître certaines de leurs propriétés culturelles ou éducatives. A propos des dangers des écrans, Serge Tisseron réfute d’ailleurs l’idée, fausse selon lui, de la passivité face à la télévision et aux jeux vidéos. « Cette idée très répandue de la passivité est à mon sens une idée fausse. Car devant l’écran, l’enfant développe une importante activité psychique. Il s’identifie aux héros, s’imagine tout ce qu’il aurait fait à leur place (...) Il transforme sans cesse les images qu’il voit. A la différence de la télévision, les jeux vidéo impliquent une activité physique. L’enfant aux manettes de son bolide sur un circuit de F1 penche par exemple à droite ou à gauche. C’est une motricité d’accompagnement » [7] . Pour le psychiatre, il ne s’agit donc pas de cela ; le problème inhérent à ces activités serait plutôt la fatigue qui en découle. Au bout d’un moment (une heure ou deux), le spectateur ou le joueur opère de moins en moins cette participation active de transformation mentale de ce qu’il voit. Encore une question de mesure donc...


En ce qui concerne les jeux vidéos plus particulièrement, très souvent convoités par les enfants, les avis sont partagés, notamment entre psys. Il existe en tout cas toute une panoplie de jeux ayant des objectifs autres que la simple détente. C’est par exemple le cas avec les jeux appelés « ludo-éducatifs » : il existe une grande variété de CD-rom culturels pour découvrir les musées, l’art, les sciences, etc. [8] ou encore d’autres qui se basent sur des données encyclopédiques pour entraîner les enfants dans des aventures et des enquêtes. Ces jeux éducatifs stimulent la réflexion, l’attention, la mémoire, la créativité, et enrichissent la culture générale. Et surtout, ce type de jeux permet d’installer un compromis entre les envies des enfants et les aspirations et les principes éducatifs des parents [9] .

 

 



[1] [Enquête de TNS Média Intelligence >http://tnsmediaintelligence.fr
[2] Un blog (ou blogue) est une forme de site Internet personnel, constitué par la réunion de « billets » (notes ou articles). A l’image du journal intime ou journal de bord, le blogueur (celui qui tient le blog) ajoute des billets. Il s’agit le plus souvent d’un contenu textuel, enrichis d’hyperliens et d’éléments multimédias, sur lequel les lecteurs peuvent apporter des commentaires.
[3] Appel disponible sur le site www.squiggle.be/appel
[4] L’enfant se développe, établit une relation satisfaisante au monde qui l’entoure, lorsqu’il peut se percevoir comme un agent de transformation de celui-ci (ce qu’il expérimente lorsqu’il manipule des petits objets, par exemple).
[5] Serge Tisseron, cité dans “Les enfants sont-ils trop branchés”, Le Monde, 13.11.2007.
[6] Il y a, par exemple, les conseils élémentaires : ne pas donner son nom, son adresse, son téléphone, ne pas accepter un rendez-vous
[7] Serge Tisseron dans “Enfants : la génération écrans”, Psychologie, Décembre 1999.
[8] “Enfants, la génération écrans”, dossier de Pychologie, Décembre 1999.
[9] analyse réalisée par Marie Gérard, Couples et Familles

 

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